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Une fois dehors, les fumeurs présents devant l'établissement m'empêchent de prendre une profonde respiration. Je me faufile entre eux en essayant de ne pas me prendre trop de coups au niveau de mon épaule mais personne ne fait attention à moi.
Juste au moment où je pense avoir enfin réussi à me faufiler hors de cette petite foule compacte, une main me retient soudainement. Je me retire de la poigne en faisant un demi-tour sur moi-même. Mes yeux s'ouvrent sous la surprise quand ils se posent sur ce cher Harry.
Instinctivement, je tourne la tête dans tous les sens pour déterminer où se trouvent les joueurs de Paris mais je ne vois aucun handballeur. Je fronce les sourcils et reporte mon attention sur Harry. Il est toujours aussi beau, peut-être même plus maintenant qu'il n'est plus aussi pâle qu'avec les lumières artificielles de l'Arena.
- Tiens, je crois que j'ai quelque chose qui t'appartient ! annonce-t-il, sérieusement.
Il sort ce quelque chose de sa poche de veste et me présente fièrement le paquet de bonbons qui est quasiment vide à présent.
- Il me semble qu'il était rempli...
- Tu es parti sans me dire au revoir, il me fallait un truc pour me remonter le moral. Et encore plus, quand je ne te trouvais pas dans chaque bar où j'ai pu te chercher.
Mes joues se réchauffent brusquement. Il m'a cherché ? Je me racle la gorge pour essayer de me donner une certaine contenance que je n'ai absolument pas.
- En me cherchant pour me rendre les bonbons, tu n'as rien trouvé de mieux que de tous les manger ? me moqué-je gentiment, pour essayer de camoufler ma gêne.
- Il n'est pas vide, il reste tous les noirs, se défend-t-il rapidement en faisant bouger le sachet où quelques Dragibus bougent en effet.
Je ris. Je ne peux pas m'en empêcher. Je m'apprête à lui dire que je ne mange pas non plus les noirs quand il s'approche de moi pour pouvoir me souffler :
- Et je n'ai pas dit que je te cherchais pour te les rendre...
Mon visage doit refléter l'étonnement mélangé à l'incompréhension à cet instant et bien entendu, cela l'amuse beaucoup.
- Pourquoi alors ?
Il hausse les épaules avant de remettre le sachet à sa place. Il semble soudain tendu tandis qu'il met les mains dans les poches de son pantalon.
- Ne bouge pas, je reviens, me déclare-t-il, en faisant un pas en arrière. Tu ne pars pas cette fois, hein ?
J'hésite un court instant avant de finalement secouer la tête de droite à gauche.
- Je te fais confiance alors !
Il recule encore un peu en me fixant et mon estomac se retourne. Il semble me dévorer du regard et je rougis de plus belle.
- Ne bouge pas ! me répète-t-il alors qu'il est à plusieurs mètres de moi.
Des gens s'interposent entre nous tout en discutant, sans faire attention à nous et je lui crie :
- Dépêche-toi, je ne vais pas t'attendre éternellement non plus !
J'ai à peine le temps de voir son sourire en coin apparaître qu'il s'engouffre déjà dans le bar. Il est tellement grand que je peux le voir fendre la foule de clients pour aller au comptoir et parler succinctement au barman. Il tourne ensuite la tête immédiatement dans ma direction, sûrement pour vérifier que je n'ai pas failli à ce que je lui ai dit.
Je jette un regard derrière moi, fixant la rue par laquelle je devais partir et j'hésite à nouveau. Je pourrais m'enfuir, retrouver une bonne fois pour toutes mon lit, ronger mon frein d'avoir perdu la finale et regretter encore un peu de ne pas me laisser aller avec Harry. Mais je suis toujours là. Sans réelle raison mais je crois que ma volonté de m'éloigner de lui, s'effrite un petit peu à chaque fois qu'il me sourit.
Je me passe une main sur la nuque. Je me désespère. Suis-je si en manque de sexe ? Non, ce n'est pas charnel ou en tout cas, pas seulement. Il y a autre chose. Une chaleur dans son regard, une certaine malice. Et cette drague qu'il fait ouvertement, sans honte. Tout ça me plaît. En fait, j'aime me sentir désiré, j'aime... Ne plus être seul.
- Un penny pour tes pensées !
Sa voix me fait sursauter mais c'est surtout son souffle sur ma joue qui me surprend. Je relève brusquement la tête tandis qu'Harry se recule déjà d'un pas, deux verres à la main.
- Je n'ai pas été trop long, j'espère !
Sans savoir pourquoi, je reste silencieux. Mon esprit semble préférer l'observer et tenter d'appréhender certains détails de son visage – comme le dessin que forment ses grains de beauté sur sa joue – que formuler une réponse intelligible. Il me tend un des verres et me déclare :
- Je t'ai pris un soda. Avec ton épaule, j'ai pensé...
- Très bien, le coupé-je.
En prenant le verre, je me rends alors compte que ma main tremble un peu. Je respire à fond avant de boire une longue gorgée alors qu'il y a encore dix secondes, je ne savais pas que j'avais soif. Quand j'abaisse mon verre, je vois Harry rire. Il passe son temps à se moquer de moi et je ne sais pas trop comment le prendre.
- Merci, marmonné-je plus par politesse obligatoire que par réelle envie.
- De rien, souffle-t-il, joyeusement.
Il boit un peu de sa bière puis du doigt, me montre une table haute libre à un mètre de nous. Je hoche la tête et dis adieu à mon envie de partir. Je pose mon verre dessus, fais rouler mon épaule valide pour évacuer un peu de mon stress et demande :
- Ton expression... Elle est anglaise à l'origine.
Il fronce les sourcils, ne comprenant pas à quoi je fais référence.
- Un penny pour tes pensées, lui rappelé-je.
- Ah ! Euh... Oui !
- Comment tu la connais ? C'est rare de l'entendre en France.
La seule personne que j'ai entendu l'employer est ma mère et elle est anglaise. Il boit une nouvelle gorgée et finit par me répondre :
- Je suis anglais.
- Moi aussi ! m'exclamé-je.
Je suis stupidement heureux à cette découverte. Sûrement parce qu'en dehors de ma famille, je connais peu d'anglais. On a emménagé en France alors que j'étais encore à l'école primaire. Alors tous les amis que j'ai pu avoir avant, sont perdus de vue depuis une éternité et même Facebook ne peut pas arranger ça.
Je crois même que nous n'avons pas mis les pieds en Angleterre depuis le jour où le divorce de mes parents a été validé. C'est aussi le jour où j'ai vu mon père pour la dernière fois. A cinq mètres de moi alors que j'étais assis sur un banc du tribunal, tenant fermement la main de mes sœurs qui pleuraient. Il m'a fait un signe de tête, un sourire puis il a disparu au bout du couloir.
Je secoue la tête pour tenter d'effacer mes souvenirs et reporte mon attention sur Harry qui reprend la parole :
- Enfin je suis à moitié anglais. Par mon père.
La conversation s'entame ainsi, autour de cette table et de tous ces clients que je n'entends même plus...
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