La voix a fendu l'air telle la foudre. Elle est nette, claire et implacable. Elle arrive à calmer dans la seconde Calvin mais moi, il me faut plus qu'une voix d'un mec que je ne connais pas. Alors je porte encore un coup à Calvin dans l'estomac ce qui l'oblige à lâcher mon maillot.

- Hé, j'ai dit on se calme !

Je sens qu'on m'attrape par mon bras valide et qu'on me fait reculer brutalement.

- Putain lâche-moi ! réclamé-je comme un de ces adolescents qui pense que le monde tourne autour d'eux.

- Ouais, ouais, c'est ça.

Soudain, une haute silhouette noire entre dans mon champ de vision et se place entre Calvin et moi. Je ne vois que le dos de ce mec tandis qu'il lance toujours avec calme et autorité :

- Barre-toi avant que je ne décide d'en parler au coach.

- Mais il...

- Maintenant !

Calvin se penche légèrement pour pouvoir me foudroyer du regard et je ne manque pas d'en faire de même. Une main sur son ventre à cause de mon dernier coup, il décide finalement de se diriger vers les vestiaires, à l'intérieur de l'Arena, sans protester.

- Je n'ai pas besoin qu'on me sauve, craché-je presque, mécontent que cet inconnu m'ait empêché de mettre Calvin à terre.

Je me recule et remets mon haut correctement.

- Ce n'est pas toi que je suis venu sauver mais l'autre abruti, m'affirme-t-il tandis que je retourne m'asseoir par terre, à l'endroit où j'étais avant que Calvin ne vienne m'importuner.

Il fait demi-tour et mon regard rencontre enfin celui de l'inconnu. Un vert clair. Tendre et tellement dur à la fois qu'il me retourne l'estomac. Je déglutis.

- Com-comment...

- Je bosse pour l'équipe de l'abruti. Si tu nous le massacres, l'équipe va être dans la merde, je vais être dans la merde aussi et donc très énervé...

Il s'approche un peu de moi et termine son explication en s'accroupissant souplement devant moi :

- Et là, c'est toi qui aurais été dans la merde.

Je devrais soit avoir peur, soit trouver ce mec complètement ridicule avec ses menaces dignes d'une série B. Mais bizarrement... Ça m'excite assez. Lui, sa bouche quémandeuse et ses mots. Bien entendu, je ne laisse rien paraître et avance même le haut de mon corps vers lui pour lui répondre :

- Je suis censé avoir peur, c'est ça ?

Le mec sourit faisant apparaître une fossette au creux de ses joues. Oh putain ! Mon cœur fait un dérapage imprévu et mon cerveau déraille un peu en imaginant tracer la fossette du bout de mon pouce. Je prends une grande inspiration pour cacher le fait que son sourire me fait de l'effet.

- C'est un peu le principe, ouais...

- Ok, cool...

Je regarde à droite puis à gauche. Il n'y a personne dans les alentours et ça me va parfaitement. Je me penche encore plus en avant et je peux sentir son parfum. Je me retiens à grande peine de fermer les yeux pour m'en délecter puis lui dis comme si je lui soufflais un secret que personne ne doit entendre :

- Par contre, il va falloir m'expliquer ce que je dois faire parce que tu ne me fais pas peur.

Je lève les sourcils en même temps que les épaules et reprends ma position droite, les bras croisés sur mes genoux qui me servent de remparts entre lui et moi. Il rit légèrement et franchement, c'est beau à voir. Il a tout son visage qui s'illumine tandis que le haut de son corps se penche en avant.

- Ok... Je vais faire comme si tu ne venais pas de casser mon personnage, déclare-t-il après avoir repris son calme.

Il se relève rapidement et met ses mains dans les poches de son pantalon de costume noir. Il fait deux pas en arrière tout en me fixant et putain, j'ai l'impression d'être soumis aux rayons X et qu'il peut voir chaque parcelle de mon corps et de mon âme. Dans les deux cas, ça ne doit pas être beau à voir.

- Tu devrais vraiment faire soigner cette épaule.

J'ouvre la bouche, abasourdi par ce qu'il vient de me dire.

- Sans ça, tu l'aurais démoli en deux fois moins de temps.

Je secoue la tête de droite à gauche pour montrer que ce qu'il me dit ne m'intéresse pas alors que... si ! Et je ne comprends pas du tout ce qui m'arrive. Il fait encore un pas en arrière pendant que son regard balaie cette fois tout mon corps. Je reste immobile, impassible même si, là, sous son regard, je n'ai qu'une envie me jeter sur lui et lui enlever son costume.

Il fait demi-tour et suit le même chemin que Calvin un peu plus tôt. J'aimerais l'empêcher de partir. J'aimerais qu'il continue de me regarder. J'aimerais qu'il continue aussi à... me menacer – même si c'est absolument bizarre d'avoir une telle envie. Mais je ne peux pas le retenir.

Cependant, je suis surpris quand il pose une main sur le chambranle de la porte et qu'il semble hésiter. Il fait taper la pointe de sa chaussure contre le sol derrière lui avant de finalement se tourner vers moi pour me dire :

- Et j'oubliais... Je pense que tu n'as aucun problème de virilité. Tu n'as juste pas trouvé le bon partenaire...

Il me fait un sourire en coin avant de retourner à l'intérieur, me laissant estomaqué par cette dernière phrase. Je déglutis et lève les yeux au ciel. Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Je lève les bras pour me prendre la tête entre les mains. Malheureusement, mon épaule me fait trop souffrir pour faire ça. Alors je me contente de grogner, avec malgré moi, un sourire.