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J'ai toujours été considéré comme un extraterrestre dans le monde du hand parce que je n'ai clairement pas le physique pour être un professionnel. Je fais moins d'un mètre quatre-vingt. Je suis beaucoup moins baraqué que les autres. Mais je suis rapide. Très rapide et agile. C'est ce qui m'a toujours permis de m'en sortir dans ce sport. Jusqu'à ce soir.

Je pose les coudes sur mes genoux et me prends la tête entre les mains. Je pleure parce que c'est la fin. Il n'y aura plus de match. Il n'y aura plus de but à marquer. Il n'y aura plus de cage à protéger. Il n'y aura plus d'équipe à faire gagner. Plus rien. Plus que ce vide. Tout ça à cause d'une épaule défaillante.

Je grogne de mécontentement avant d'inspirer à fond. Il faut que je reste optimiste. Ce n'est pas forcément la fin de ma carrière. Ce n'est peut-être qu'une petite douleur, une petite blessure comme des centaines d'autres sportifs ont déjà eu... Non je n'arrive pas à me convaincre.

- Et bien le gros bébé a un chagrin ? s'exclame la voix de Calvin.

Sans que je ne le veuille vraiment, mes yeux se relèvent légèrement et le cherchent. Il est à quelques mètres de moi, adossé au mur. Le visage victorieux. Un sourire moqueur aux lèvres. Des confettis encore dans les cheveux.

- Va te faire foutre !

Calvin est un ancien coéquipier. Et un ancien petit-ami. Je l'ai aimé. Vraiment beaucoup. Il a peut-être même été mon premier vrai amour. Mais au bout de plusieurs mois de relation, je me suis rendu compte qu'il n'y avait plus l'étincelle des débuts. A l'époque, il n'avait pas très bien pris le fait que je le quitte. Il semble avoir pris sa petite vengeance. Tant mieux pour lui.

- Je n'attends que ça, Lou...

Son sourire s'est agrandi et moi, j'ai envie de vomir.

- Ne m'appelle pas comme ça. Et dégage d'ici !

- La défaite ne te va pas du tout.

Je me lève et vais lui faire face. Un autre point positif pour ma carrière dans le hand, je me donne corps et âme pour ma passion. La preuve, mon corps me lâche avec cette fichue épaule et en dehors de l'équipe, je n'ai rien.

- Et toi la victoire !

- Excuse-moi d'avoir misé sur le bon cheval pour une fois, dit-il, faisant clairement référence à notre passé en commun.

- Miser est bien le mot parce qu'on ne peut pas vraiment dire que tu as aidé ton équipe pour cette victoire, craché-je, méchamment.

Il est entré deux fois sur le terrain pour remplacer le gardien pour deux tirs de sept mètres et a laissé passer les deux. J'en rirais presque si je n'étais aussi mal en point.

- Tu sens la jalousie à plein nez.

- C'est toujours mieux que ta connerie.

J'ai à peine fini ma phrase que Calvin m'attrape par le col et siffle à quelques millimètres de mon visage :

- Tu n'es qu'un enfoiré égocentrique. Tu l'as toujours été et tu le seras.

Sur ces mots, il me pousse violemment me faisant reculer de plusieurs pas. Je ricane bêtement et remets mon maillot correctement en me redressant.

- Un enfoiré égocentrique, hein ? C'est sans doute mieux qu'un arriviste prêt à coucher avec le premier venu. Enfin de mon point de vue.

Je hausse les sourcils et fais un pas, le doigt pointé vers lui, en lui demandant le plus naturellement possible :

- D'ailleurs, tu as baisé qui pour te retrouver sur le banc de Paris, hein ? Dis-moi tout !

Il grogne tout en serrant les poings. Ses veines dans le cou ressortent fortement. Je peux presque voir l'énervement monter en lui. Je le connais trop bien. Je sais ce qu'il faut faire pour le mettre hors de lui. C'est si facile, il faut dire.

- Ah non, toi, tu ne baises pas, tu te fais baiser, excuse-moi !

Je ne devrais peut-être pas le chercher ainsi, vu mon état physique. Tout ce que je vais récolter est une bonne raclée mais je m'en fiche. Je crois que je n'attends que ça, me battre parce que je n'ai plus que ça à cet instant pour me sentir encore vivant.

- C'est peut-être parce que je n'ai pas de problème avec ma virilité, moi ! insiste-t-il sur le dernier mot.

Il n'a pas tort et ça m'agace. J'ai toujours eu un complexe d'infériorité par rapport à mon physique, depuis mon plus jeune âge. Et malheureusement, jouer au handball, avec que des mecs qui font plus d'une tête que moi... Ça ne m'a clairement pas aidé à ce que je me sente mieux dans ma peau.

Mais sérieusement, même une de mes petites sœurs est plus grande que moi !!!

Je fais craquer mon cou pour m'empêcher de le taper. Je ne veux pas être le premier à frapper.

- C'est peut-être parce que tu n'as aucune virilité, proposé-je nonchalamment.

Aussitôt, il m'assène un coup de poing et malgré la douleur, je suis heureux. Pas autant que si j'avais gagné la Coupe de France mais c'est toujours ça de pris pour ce soir. Alors sans réfléchir, je le frappe dans les côtes, à plusieurs reprises, y mettant toute ma force.

Mon épaule me hurle d'arrêter. Me hurle que c'est la pire idée au monde. Elle a raison. Je le sais que je ne devrais pas me battre mais j'ai besoin de me défouler. Besoin de déverser toute ma haine, tout mon désespoir, toute ma peine. Pour essayer de me sentir un peu mieux.

Il est plus grand que moi mais je ne me laisse pas faire. Je me prends une droite mais me fais un plaisir de lui donner un coup de genou. Malheureusement, je n'atteins pas l'endroit souhaité. Il me chope encore une fois par le maillot mais ça ne m'effraye pas. J'ai trop de rage en moi pour que ça m'atteigne.

- On va se calmer !

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