Epilogue




Epilogue.














—      Tu rentres tôt Alexandre.

L'interpellé se retourne, son sac à dos balancé sur son épaule. Il semble un peu dérouté quand la voix de Mamie Cerise l'appelle depuis la fenêtre de la cuisine. Mais lorsqu'il la reconnaît, un sourire radieux apparait sur son visage.

—      Bonjour Mamie, la salue-t-il en s'approchant.

Il dévie donc de sa première destination, se plaçant simplement devant la haie. Un mètre les sépare, et Mamie Cerise essuie une tasse de café violette avec un chiffon. Alexandre regarde son chignon s'agiter pendant qu'elle fredonne un air qu'il ne connaît pas.

Ils s'échangent quelques banalités pendant une ou deux minutes, c'est la fin de la semaine et Alexandre la prolonge toujours un peu avec des gens de sa classe, en ville ou au cinéma, parfois même au parc. Mais aujourd'hui il est dans le voisinage dès ses cours terminés.

—      Tu ne vois pas tes amis ?

—      Si, rit-il. J'apporte juste les cours d'Isa, je repartirai après.

Il semble hésiter. Il observe sa vieille voisine comme s'il réfléchissait à quoi dire. Finalement, il se râcle la gorge et reprend avec un ton un peu moins assuré.

—      Mais je tarderai pas non plus.

—      C'est dommage qu'Isabelle se soit fait mal, poursuit-elle un peu tristement.

Rien de vraiment grave, mais pas débordant de joie non plus. Isabelle s'est foulé la cheville pendant une partie de volleyball au lycée. Depuis quelques jours, la jeune fille a le moral dans les chaussettes. Elle avait assuré le début de la semaine en venant en cours avec des béquilles, mais ce vendredi ses parents l'ont exceptionnellement autorisée à faire l'école buissonnière, parce qu'elle n'arrête pas de râler.

—      Tu vas revenir pour lui tenir compagnie alors ?

—      Oui...

Alexandre se gratte la nuque, ses pommettes prennent une couleur un peu rosée. Ça fera bientôt un mois depuis la soirée d'Halloween, et Alexandre recommence à rendre visite à Isabelle, de plus en plus souvent. Mamie Cerise porte sa main à sa bouche, un léger gloussement lui échappe.

—      Tu es adorable mon cœur, aux petits soins de ta chérie.

En ouvrant les yeux encore plus grand, Alexandre brasse énergiquement l'air de sa main, ses joues devenant presque cramoisies.

—      Ce n'est pas ça, on ne sort pas ensemble !

Mamie Cerise sourit toujours, mais une expression assez étrange se mêle à son faciès. Alexandre ne la comprend pas.

Un miaulement se fait alors entendre, et le lycéen voit Archibald sauter sur l'îlot central derrière Mamie Cerise, s'assoir et remuer la queue en regardant le garçon dans le blanc des yeux. Bizarrement, Alexandre en plisse ces derniers.

—      Ah oui ? J'aurais pu le penser...

Mais elle n'ajoute rien qui pourrait davantage embarrasser le garçon, ils arrivent à rebondir sur un autre sujet, même si l'intonation d'Alexandre est toujours un peu perturbée.

Cinq autres minutes passent et ils se disent au revoir chaleureusement. Mamie Cerise ferme la fenêtre en blâmant le froid mordant de l'automne, faisant rire Alexandre. Et c'est vrai, un peu de buée souffle entre ses lèvres, il resserre sa parka contre lui. Puis il tourne les talons quand elle rabat les rideaux, se coupant du reste du monde.

De son côté, l'adolescent soupire. Il ne sait pas si c'est de soulagement ou parce qu'il se sent un peu crétin. Pourquoi cacher à leur adorable voisine ce qu'il se passe ? Peut-être parce qu'il a peur qu'elle pose des questions, et que de fil en aiguille ils en viennent à lui raconter l'épisode d'Halloween, durant lequel ils se sont réconciliés en cherchant fiévreusement son vieux chat. Saleté de chat.

Ça viendra, mais pas maintenant. Et il ne mentait qu'à moitié, sa relation avec Isabelle, il n'y a pas encore mis de nom ou d'étiquettes. Même Isabelle n'essaye pas de nommer ce qu'ils sont, ça ne semble pas les déranger. Mais ça viendra sûrement. Un jour.

Il marche jusqu'à sa maison, face à celle de Mamie Cerise. Il frappe à la porte.

Isabelle ne peut plus se déplacer aussi librement, mais elle a dit être dans le salon, donc ça ne prendra pas longtemps pour qu'on lui ouvre. Alexandre lance un dernier regard derrière-lui, chez la vieille femme, c'est silencieux et il ne voit rien qui s'agite. La porte et les fenêtres sont fermées, comme si personne n'était là. Mamie devait être fatiguée.

—      T'en as mis du temps.

Il pivote, cligne des paupières. La petite tête boudeuse d'Isabelle est maintenant devant lui, ses cheveux pas totalement coiffés, ça se voit qu'elle a passé la journée à trainasser. Alexandre baisse les yeux vers l'attelle qu'elle porte à la cheville, et Isabelle s'avance de manière un peu rigolote.

—      Râle pas, tiens.

Alexandre ouvre son sac, en sort ses notes prises avec peut-être un peu plus de sérieux que d'habitude, même s'il y a encore pas mal de travail à fournir de ce côté-là. Isabelle tend les mains, réceptionnant les cahiers comme une enclume. Elle grimace et Alexandre lève les yeux au ciel.

—      T'es dans un club de sport et tu peux pas supporter trois dossiers ? ricane son voisin.

—      Je suis mourante.

—      Tu t'emmerdes surtout.

Isabelle plisse les yeux, le menton légèrement levé. Alexandre fourre ses mains dans ses poches, essayant de ne pas laisser son petit sourire le trahir. Et Isabelle grogne, posant les cahiers sur la commode près de l'entrée. Elle se rapproche, tend la main, tire doucement sur le col de son camarade pour le faire se pencher.

—      Je m'emmerde un peu, c'est vrai...

Alexandre la regarde dans les yeux, son cœur bat plus fort.

Juste quelques secondes, et finalement, les lèvres de l'adolescente se déposent sur les siennes. Les mains d'Alexandre glissent sur sa taille, ils ferment les yeux et s'embrassent avec douceur. Sans plus se prendre la tête, juste un échange chaleureux. Ils les connaissent bien maintenant, ses échanges. Et Alexandre peut sentir sa quasi-copine sourire entre deux baisers. Bien vite le blond vient prendre Isabelle dans ses bras, riant à son tour dans ses cheveux quand le baiser prend fin.

Et de l'autre côté, les rideaux ont beau être rabattus, il y a encore une petite fente de lumière qui donne vue sur le spectacle.

Adossée à l'îlot central, Mamie Cerise tape silencieusement dans ses mains.

—      Je le savais ! Ils sont ensemble !

Archibald lèche sa patte à côté d'elle, toujours avec cet air blasé.

Et dans cette maison, l'atmosphère a quelque chose d'un peu particulier. Quelque chose d'un peu mystique, qui flotte dans l'air.

—      Je pensais pas que tu te donnerais autant de mal pour eux, se moque la vieille dame en caressant la tête de son chat.

—      C'était la pire soirée de ma cinquième vie.

Archibald s'étire, et son râle agacé se fait entendre.

Minute.

Ah non. Allez, on continue. Il y a juste un chat qui parle.

—      Vraiment, je me suis cassé la tête pour qu'ils se retrouvent seuls dans un camion, et les seules galipettes qu'il y a eues ont failli tuer Alexandre.

Le chat de Mamie Cerise lève les yeux au ciel, ses pupilles fines s'arrondissant comme celles d'un homme. La vieille dame le réprimande sur son langage, une mini dispute a alors lieu entre le maitre et le familier.

—      Plus jamais ça ! s'insurge-t-il. Je ne suis pas Cupidon !

Un ange passe, pendant quelques secondes. Alexandre quitte Isabelle pour rejoindre ses amis. Sous le regard joueur de Mamie Cerise, Archibald soupire.

—      Bon... S'ils officialisent pas d'ici noël on recommence, capitule-t-il.

—      Parole de sorcière !

Isabelle est toujours devant sa porte, elle regarde discrètement la silhouette d'Alexandre disparaitre.

—      Pendant toutes ces années, ils captaient même pas qu'ils se kiffaient. Humains idiots.

Archibald croit voir Isabelle être pris d'un sursaut. Et le chat glapit avant de partir se cacher quand elle tourne la tête dans sa direction, même s'il n'y a aucune chance qu'elle le voie.

Isabelle fronce les sourcils, mais bien vite, elle hausse les épaules et rentre chez elle, fermant la porte. Elle ne l'aurait quand même pas entendu ? Impossible...

—      Ok, c'était bizarre. 

—     Tiens, tiens... sourit Mamie Cerise. C'est intéressant.













FIN.

Update : republication terminée le 01/10/24 !

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