🎃 7. Les apprentis sorciers

Sans savoir dire pourquoi, je suis soulagée de ne pas me trouver face au sorcier tant redouté. J'ai quand même vu de quoi l'apprenti est capable, ce qui ne me rassure pas pour autant non plus. Draghan m'observe comme s'il contemplait une curiosité dans un musée.

- Je ne vous ai jamais vu parmi les sorcières, vous m'avez aussi confondu avec mon maître. De toute évidence vous n'êtes pas d'ici. Qui êtes-vous ?

Oups. Perspicace l'apprenti... Je n'avais pas pensé une seule seconde qu'on pouvait me poser ce genre de question.

- Mens, m'ordonna cette voix dans ma tête qui commence à devenir familière.

Pourquoi ? De toute manière personne ici ne me connait et lorsque je serai partie plus personne ne se souviendra de moi alors à quoi bon ?

- Fais-le, me conseille-t-elle.

Son ton est sans appel. Je l'aurais volontiers envoyée balader si elle ne m'avait pas déjà guidée plusieurs fois et que ce n'était pas mon seul soutien dans cette situation abracadabrantesque. Je prends quelques secondes durant lesquelles Draghan s'impatiente, quand j'ai un mensonge à peu près crédible en tête je me lance.

- Vous n'avez pas besoin de le savoir, le récriminé-je.

- Je vous ai dit qui j'étais, il serait plus juste d'en faire de même.

- Si tu ne lui dis rien son maître cherchera à le savoir, il risque de s'en prendre à toi, m'explique la voix.

- Je m'appelle Lizzie, je réponds. J'arrive tout droit de Londres.

- Eh bien, belle Lizzie de Londres, vous êtes bien loin de chez vous. Qu'est-ce qui vous amène ici ?

Sa façon de m'appeler belle Lizzie me fait frissonner, c'est comme s'il recouvrait son calme et qu'il essayait de m'amadouer pour mieux me faire mal. Son ton mielleux ne présage rien de bon.

Je me rends alors compte que je suis seule, en pleine forêt avec un apprenti sorcier plutôt doué, et que moi, pour me défendre, je n'ai que cette maudite épée rouillée qui pèse une tonne et dont je ne sais même pas me servir ainsi que ma verve provocatrice.

- On n'avait pas dit que ça serait un véritable interrogatoire, dis-je pour gagner du temps.

Un petit rire lui échappe, me désarmant. Mon incrédulité doit se lire sur mon visage puisqu'il me sert un petit sourire.

- Ma foi je ne cherche qu'à vous éviter les ennuis.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ?

- Je veux dire, (il fait un pas vers moi, je braque la pointe de mon épée sur son torse qu'il regarde avec ennui) que vous devriez fuir, petite sorcière. Cette nuit est spéciale et dangereuse.

- Et en quoi l'est-elle ?

- Ce soir le voile entre le monde des morts et des vivants est le plus fin, vous devriez le savoir. C'est cette nuit que mon maître va enfin obtenir ce pour quoi il se bat tant. Nous ouvrirons une porte sur le monde démoniaque et alors toutes les créatures des ténèbres seront à notre service.

Je pouffe, on dirait un mauvais scénario de film.

- Pourquoi faire ? Pourquoi se donner tant de peine ?

Draghan fronce les sourcils, visiblement irrité par mes questions et mon manque de sérieux.

- N'en avez-vous pas assez de vivre cachée ? De vous sentir différente ? D'avoir peur pour votre vie à chaque seconde à cause des démons ? Des humains ?

Tout en parlant il repousse du bout des doigts mon épée, il parle avec énergie, comme s'il avait connu tout cela, une vie de souffrance et de mensonges, de persécution, de peur. Un éclat vif illumine ses brunelles brunes, je suis happée par l'étrange colère qu'il dégage.

- Je ne veux plus vivre comme ça Lizzie.

- Ah, te voilà enfin, dit calmement une voix derrière l'apprenti.

C'est une voix grave, lourde comme une pierre et froide, j'ai l'impression d'y retrouver les souffrances et tourments de l'enfer si bien que j'en frissonne. Draghan fait volte-face, lorsqu'il s'écarte j'aperçois un homme, grand, mince, un visage superbe et à peine ridé. Ses longs cheveux d'un brun foncé tombent sur ses épaules et ses yeux noirs et froids comme la glace me fixent avec insistance. Un petit rictus éclaire son visage séduisant et pourtant effrayant à la fois. Je sens un poids s'abattre sur mes épaules, une sueur froide dégouline le long de mon dos, c'est comme si mon sang se changeait en rivière gelée dans mes veines.

Salomon.

Le sorcier entièrement vêtu de noir porte un gros rubis sur sa poitrine, élégant, je devine qu'il doit occuper une fonction importante au sein du village ou bien se présenter comme un riche personnage.

- Je t'attends encore Draghan. Je t'ai envoyé chercher un vieux grimoire poussiéreux et voilà que tu me rapporte... un petit dessert ? susurre-t-il en s'approchant de nous.

- Maître... murmure ce dernier, honteux. J'ai tenté de m'emparer du Grimoire, cependant...

- Salomon ! hurle une voix.

Je me retourne et évite juste à temps une boule de feu qui se dirige à toute vitesse sur le sorcier. Je manque hurler quand celui-ci l'arrête d'un geste de main. Abigail est là, à bout de souffle, accompagnée par Brynn, Mahé et d'autres sorcières du clan Campbell.

- Reste où tu es ! le prévient Abigail. Ou je te réduis en cendre.

Un rire gonfle la poitrine de Salomon qui ne se gêne pas pour rire à gorge déployé devant la sorcière.

- Ma chère Abigail ! Cela fait déjà des décennies que tu essaie de le faire. Vois le résultat. Ta faiblesse parle pour toi.

D'un geste de la main Abigail est jetée en arrière avant que, poussée par un instinct qui n'est pas le mien, mon corps ne s'interpose sans que je le commande et renvoie le sortilège à Salomon dont le sourire s'efface lorsqu'il est projeté contre l'arbre.

Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive et visiblement je ne suis pas la seule, les sorcières me dévisagent avec stupeur, de même que Draghan et Salomon qui se relève en me foudroyant du regard.

- On dirait que tu t'es trouvé un nouveau disciple toi aussi, Abigail, ricane-t-il avec amertume. Elle est presque aussi douée que ta petite-fille... Ta chère Bathsheba... Que j'ai anéanti de ma main.

Cette fois c'est à Mahé de réagir et des racines d'épines et de ronces sortent brusquement de la terre pour s'emparer de Salomon, mais comme pour moi avec Abigail, c'est Draghan qui s'interpose en brisant les racines unes à unes grâce au simple ballet de ses mains.

Nous sommes deux groupes. Deux clans ennemis. Nous sommes là en pleine forêt, nous fusillant du regard en chien de faïence. Un courant d'air glacé tombe dans la forêt, s'engouffrant dans nos jupes et soulevant mes boucles détachées par ma course folle. Je toise l'apprenti sorcier qui, sur ses gardes, s'apprête à contrer le moindre de mes mouvements.

Salomon observe le ciel et sourit, comme s'il était capable de comprendre le chant du vent.

- Patience ma chère, l'heure des affrontements n'est pas loin. Prends garde à toi Abigail, et protège ton poulain. Il pourrait bien lui arriver malheur.

Le vent se fait de plus en plus fort, soulevant les feuilles mortes sur son passage, Draghan rejoint son maître qui m'offre un sourire à me faire froid dans le dos avant de tous deux ne disparaissent dans un tourbillon de fumée noire.

Cette rencontre surnaturelle me laisse un sentiment de frayeur, le sourire carnassier de Salomon ne laisse présager rien de bon... surtout me concernant. Cette nuit risque d'être la plus longue de toute ma vie.

Salomon apparaît pour la première fois... Quels sont vos impressions ? Candice a-t-elle une chance de rivaliser avec lui ou bien n'a-t-elle eu qu'un coup de chance (ou bien est-elle victime d'une énième sorcellerie...) ?

A demain pour la suite !

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