🎃 6.(1) Rencontre surnaturelle
Je resserre mon châle autour de mes bras dénudés pour m'empêcher de frissonner. D'épais nuages noirs couvrent le ciel, comme avant un orage, je ne peux m'empêcher de les observer avec défiance. Je me demande, puisque je peux faire bouger les objets à distance maintenant, est-ce que je peux aussi interagir sur les nuages ? Ma question me semble stupide, je devrais être terrorisée à l'idée de tout ça, de ce qui m'attend, pourtant je ne le suis pas, c'est comme si une partie de moi m'était enfin révélée, depuis tout ce temps, comme si on m'avait donné ce qui me manquait.
Je me sens bête, au lieu d'angoisser à l'idée de savoir comment je vais rentrer chez moi ou même s'il s'agit d'un mauvais rêve (bien que je ne crois plus depuis quelques heures qu'il s'agisse de ça) je me sens d'humeur farouche, observant méticuleusement le petit marché et ses habitants qui s'activent autour de nous.
- Il ne pleuvra pas ce soir, déclare Brynn en mettant des gousses d'ail dans son petit panier d'osier. Les nuages s'écarteront pour que la lune éclaire l'autel.
- Comment le sais-tu ?
Elle me lance un petit sourire mutin que je lui rends, les visions, suis-je bête.
- Tu t'inquiètes pour rien, reprend-elle. Il ne nous attaquerait jamais ici, pas devant tant de témoins.
Brynn a deviné que je parlais de Salomon.
- Pourquoi ?
- Parce que les villageois s'en prendraient à nous. Il serait stupide de prendre un tel risque.
Je pense aux chasses aux sorcières. Bientôt Brynn et les siens devront se cacher pour échapper aux fanatiques, nous sommes en 1621 après tout, Salem est pour 1692... Qui sait ce qui pourrait leur arriver... ? Devrais-je les prévenir ? Brynn le verra-t-elle avant que cela n'arrive ? Je l'espère, oui, je l'espère de tout cœur. Brynn replace une mèche de cheveu derrière son oreille et je me sens de plus en plus impatiente.
- Brynn, ta mère a dit que Salomon comptait voler votre Grimoire.
- Oui, sans ça nous ne pouvons accomplir la cérémonie, m'explique-t-elle.
- La maison est sans surveillance... J'ai un mauvais pressentiment nous devrions rentrer.
Pour être tout à fait franche je me sens observée, pourtant les villageois ne nous prêtent pas la moindre attention, mais je ne peux m'empêcher de me sentir terriblement mal à l'aise. J'essuie mes mains moites contre ma jupe rêche, resserrant contre moi mon petit panier rempli de plantes.
- Candice détends-toi, m'encourage Brynn. Enid est à la maison avec Delen, il ne peut rien arriver au Grimoire. Tu as vu Enid ? C'est une véritable furie quand elle veut !
- Il n'empêche que vous étiez 10 à l'étage du dessus et ça n'a pas empêché quelqu'un de vous voler le miroir...
Et ça ne m'a pas empêchée d'envoyer Enid au tapis sans savoir que j'avais des pouvoirs, alors je n'ose pas imaginer ce qu'un sorcier expérimenté peut faire.
Tandis que Brynn paye pour sa course quelqu'un me bouscule.
- Hé ! Tu pourrais faire attention non ! je crie au malotru.
Je me mords la langue, j'oublie que je suis au XVIIe siècle, et une femme qui plus est ! On pourrait me frapper que personne ne broncherait... Le rustre se retourne immédiatement vers moi, il porte une longue cape noire et le capuchon est rabattu sur son visage, m'empêchant de le voir, seul le bas de ses traits s'offrent à ma vue : une mâchoire carrée, une bouche charnue et une barbe de trois jours, ce sont les seules choses que je peux distinguer malgré son capuchon...
Le goujat ne prend même pas la peine de me répondre et reprend son chemin, comme s'il venait de pousser une simple plante verte.
- Connard... je murmure.
- C'était qui ? me demande Brynn qui venait de me rejoindre.
- Un imbécile de première malpoli. Comme quoi, ça ne date pas du XXIe siècle !
Je passe mon bras sous celui de Brynn et nous rentrons à la maison en riant, étant toujours en proie à ce terrible pressentiment malgré tout. Nous ne sommes qu'à quelques mètres de la maison quand le bruit d'un grand fracas nous parvient, nous figeant dans notre marche. Je lance un regard inquiet à Brynn qui est subitement devenue livide.
Sans nous dire un mot nous comprenons que quelque chose cloche et nous nous élançons au pas de course jusqu'à la maison. La porte de la grange est grande ouverte, ma panique augmente quand un second bruit nous parvient de l'étage. Brynn lâche son panier et se rue sur les escaliers, sur ses talons je ne pense qu'à l'angoisse de ne pas savoir ce qui m'attend derrière la porte. Des créatures étranges ? Des sorciers ? Des démons ? Des farfadets ?
Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine et nous déboulons à l'étage où nous trouvons Delen étendue sur le sol, inconsciente, je m'agenouille pour l'examiner avant de me figer d'effrois devant la scène fantastique qui se déroule sous mes yeux : Enid est acculée contre le mur, des créatures ressemblant à des gargouilles faites d'ombres et de poussière noire la menacent avec leurs doigts griffus et leurs crocs acérés, face à elle une silhouette toute de noire vêtue que je reconnais au premier coup d'œil : le rustre du marché.
- Donnez-moi votre Grimoire sorcière ! Et je vous promets que tout se passera bien pour vous, la menace-t-il.
- Va au diable démon ! crie Enid avec rage.
À côté de moi Brynn tressaille, elle brûle d'intervenir, son regard va à l'épée rouillée abandonnée au sol sûrement dans la bataille et à l'individu qui intimide la sorcière. Rapide comme l'éclair, Brynn se jette avec hardeur sur l'épée qu'elle empoigne dans une roulade impressionnante et fond sur les créatures noires avec un cri de guerre.
- Brynn ! Non ! je hurle.
Brynn ne m'entend pas, courageusement elle embroche les gargouilles les unes après les autres dans un tourbillon de jupes, Enid en profite pour se jeter dans la mêlée en enfonçant un pieu de fer dans la gorge des créatures qui leur arrachent des cris de douleurs en plantant leur griffes et leurs dents dans leurs bras et leurs jambes.
Deux gargouilles se matérialisent sur Enid, l'une d'elles la mord violemment dans le cou, elle pousse un terrible hurlement qui me glace le sang et je comprends que cette morsure n'a rien de normale quand Enid s'écroule à terre, le teint grisâtre et que Brynn s'égosille. Ce moment d'inattention lui est fatal, l'homme encapuchonné la désarme d'un geste de la main et ordonne à ses créatures d'immobiliser la jeune fille sous mon regard effaré.
- J'en ai assez de jouer petite sorcière, maintenant dis-moi où tu caches le livre ! ordonne-t-il.
- Laissez-moi la sauver, gémit Brynn. S'il-vous-plaît laissez-moi m'occuper d'elle...
- Tu ne vas pas tarder à la rejoindre si tu ne me donnes pas ton Grimoire...
Si personne n'intervient je devine que le sorcier est prêt à la tuer, inconsciente je fais la première chose qui me passe par la tête : l'insulter.
- Hé ! Toi là ! Le malotru ! On t'a jamais appris qu'on ne parle pas à une fille sur ce ton ?
Le moins que l'on puisse dire c'est que ça sonnait nettement mieux dans les films... Bravo Candice. De tout ce que tu aurais pu faire de beaucoup plus impressionnant tu choisis de sortir une vieille réplique toute pourrie !
Le sorcier fait volte-face vers moi, comme si depuis tout ce temps il n'avait même pas remarqué ma présence, les gargouilles braquent leurs abominables petits yeux rouges sur moi, me faisant tressaillir au passage. Finalement ce n'était peut-être pas une si bonne idée...
- Toi... murmure-t-il, semblant me reconnaître enfin. Attaquez-la !
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