🎃 1. Une soirée menée à la baguette !
Les nuages recouvrent le ciel du petit village d'Inistioge, en Irlande. Dehors le vent siffle une mélodie particulière accompagnée par le bruit de la pluie battante contre les carreaux de la fenêtre de la maison de Mrs Campbell. Une ambiance parfaite pour cette soirée du 31 octobre je dois dire.
- Candice ? Candice peux-tu poser les assiettes sur la table s'il-te-plaît ? me demande Mrs Campbell.
La voix de cette dame proche de la soixantaine me rappelle à l'ordre. Je secoue légèrement la tête pour me tirer de ma rêverie et repars illico vers le salon en trottinant. Je suis tellement heureuse d'avoir trouvé un hébergement si abordable en Irlande que je ferais n'importe quoi pour remercier Mrs Campbell d'être si gentille et affable avec moi. Alors quand cette charmante petite dame irlandaise me demande de dresser la table pour accueillir son fils aîné et sa famille ainsi que son deuxième fils, je m'exécute sans rechigner !
- Ah et est-ce que tu pourras cacher les sucreries ? Je ne voudrais pas que mon petit-fils Joshua se gave comme une oie avant le dîner, ajoute-t-elle.
- Bien sûr Mrs Campbell ! répondis-je.
- Candice ! s'indigne-t-elle. Qu'avons-nous dit à ce sujet ?
- Oui... Pardon... Nana. (Le mot écorche ma bouche, j'ai du mal à le prononcer comme si c'était naturel alors que ça ne l'est pas.) Mais vous savez très bien que je n'arriverai jamais à vous appeler par votre surnom !
- Eh bien il faudra t'y faire mo daor !
Je souris à ma chère Mrs Campbell, femme pétillante pour son âge et grand-mère fantastique. Une famille adorable pour la petite Française expatriée que je suis, n'oublions pas le chat Robert aussi. Le gros matou se frotte à mes jambes en ronronnant, le grelot de son collier à strass tintant dans un bruit plus léger que son poids.
Je recouvre la large table drapée de la vieille nappe blanche en dentelle par les assiettes en porcelaine, l'argenterie, les verres en cristal et les verres à moutarde pour les petits enfants, n'oublions pas les petits sujets en forme de sorcières et de citrouilles pour décorer ! J'ajoute les serviettes en papiers oranges d'halloween et déplace les citrouilles que nous avons sculptées Mrs Campbell et moi. J'adore Halloween, j'ai toujours adoré cette fête presque autant que Noël ! C'est la première fois que je fête Halloween à l'étranger et je suis toute excitée rien qu'à cette idée ! Il est vrai qu'on ne fête pas Halloween de la même façon dans le monde, en France on met quelques affiches, la mairie de la ville organise de petites activités pour les enfants de temps en temps, on passe quelques films d'horreur à la télé, certains osent se déguiser pour des soirées spéciales... Mais ici, tout le monde joue le jeu, une immersion totale dans le cœur de la fête. On atteint l'essence même d'Halloween.
Un coup de tonnerre retentit au dehors.
Et la météo n'est pas en reste, c'est le moins que l'on puisse dire !
- Quel temps ! s'écrie Nana. J'espère vraiment que Fynn et les petits arriveront sans encombre !
- J'espère aussi, Nana, approuvé-je.
Nous arrangeons les décorations pour patienter, guirlandes de chats noirs en papier, araignées en plastique, citrouilles aux sourires grotesques, boule de cristal et cartes de tarot, tout un programme !
Le vent souffle de plus en plus fort et je frissonne comme si je me trouvais dehors en pleine tempête. Il pleut des cordes, si fort qu'on dirait presque que les gouttes de pluies tentent de briser les carreaux de la fenêtre. Un éclair déchire le ciel et nous ne devons pas attendre bien longtemps avant que le bourdonnement du tonnerre fasse trembler les murs.
Au même moment les plombs sautent et la maison est brusquement plongée dans l'obscurité.
- Il ne manquait plus que ça ! m'écrié-je.
Robert approuve ma remarque avec un long miaulement accompagné du tintement charmant de sa clochette.
- Quel temps ! Je le savais ! An diabhal a jeté un sort à cette maison ou je ne m'y connais pas ! se plaignit Mrs Campbell.
Elle se déplace lentement vers sa fenêtre et soulève l'épais rideau.
- En fin de compte c'est à tout le village que le sort a été jeté, rectifie-t-elle. Les lumières des autres maisons sont toutes éteintes...
Je m'avance vers la fenêtre pour contempler le résultat de mes propres yeux : les rues du village sont désertes, plongées dans le noir complet, seul le hurlement du vent comble le silence accompagné par la colère de la pluie. Oh... On dirait quasiment une scène de film d'horreur... Je m'attends presque à entendre des coups à notre porte.
Un bruit retentit dans la pièce et je sursaute. Pour les coups à la porte, je plaisantais, hein ?
- Ce n'est rien, me rassure Mrs Campbell. Ce doit être Robert qui a fait tomber quelque chose. (Elle se dirige en tâtonnant vers le buffet et ouvre le tiroir, elle en sort deux lampes torches et m'en tend une.) Candice, je dois avoir quelques bougies à la cuisine. Peux-tu aller me chercher les chandeliers en argents qui sont rangés au grenier s'il-te-plaît ?
Le grenier... Une minute. LE GRENIER ?! Quoi ?! Monter au grenier ? Cette pièce des plus flippantes alors même que la maison est plongée dans le noir ?! Hors de question !
- Oui, bien sûr Mrs Campbell, j'y vais de ce pas !
Mon enthousiasme sonne tellement faux. Non, non, non et non ! Je ne veux pas y aller ! Nom d'une citrouille ! S'il y a bien un endroit que je déteste dans cette petite maison de campagne, c'est son grenier ! C'est sombre, poussiéreux, et hanté par les fantômes du passé de cette famille ! Nana Campbell y range, ou plutôt y entasse, tout le bazar de ses nobles ancêtres et il est étouffant de se trouver dans cette pièce. Je refuse d'y aller !
- Candice... ?
- ... Oui ?
- Eh bien ? Qu'est-ce que tu attends ?
- Je... J'y vais, bredouillé-je.
Oui, je suis une vraie poule mouillée et j'assume.
Raide comme un piquet, je me dirige à reculons vers l'escalier. Les marches craquent sous mon poids et j'ai l'impression d'être plongée dans une scène de The Conjuring... J'entends des bruits et vois des ombres qui n'existent que dans mon imagination et même consciente de ça, j'arrive quand même à avoir la frousse... Eh bien bravo Candice, quel courage dis donc !
Je gravis le dernier escalier, celui qui me mène au grenier, la lampe torche tremble au bout de ma main et mon cœur bat tellement vite que j'ai l'impression qu'il va exploser dans ma poitrine d'un moment à l'autre. Je respire lentement, par à coup, j'entends le sang battre dans mes tempes et sens une sueur froide dégouliner dans mon dos. Pas besoin de beaucoup de travail pour me faire peur, mon imagination le fait très bien toute seule !
Main sur la poignée de la vieille porte, je compte jusqu'à trois pour me donner du courage. Un. Deux... Deux et demi... Deux trois quarts... Bon. Trois. Je tourne enfin la poignée et pousse la porte qui grince en s'ouvrant, de ce genre de bruit hideux que font typiquement les maisons hantées dans les histoires qui font peur. Classique. Je braque ma lampe dans la petite pièce obscure, la balaye avec le faisceau lumineux et plisse les yeux, scrutant la moindre ombre suspecte.
Bon, dépêche-toi Candice, plus vite tu trouveras ces maudits chandeliers, plus vite tu sortiras de cette pièce oppressante !
Je prends mon courage à deux mains et rentre enfin dans le grenier, mais une fois le seuil franchi, un frisson parcourt mon échine. Une étrange sensation me noue l'estomac et j'ai comme un mauvais pressentiment. Comme si une drôle de chose flottait dans l'air saturé de poussière et de l'odeur vieillie et rouillée de ces choses moyenâgeuses. Une présence.
J'ignore toutes ces informations qui saturent mon cerveau emmêlé dans mes pensées tordues et qui participent à faire fonctionner les rouages de mon imagination, me dirigeant uniquement vers les vieux cartons aux pieds du mannequin qui porte une vieille robe de mariée à la mode victorienne. Je fouille parmi les objets et trouve un premier chandelier en argent. Je pourrais prendre mes jambes à mon cou mais ça serait trop beau, il faut que j'en prenne au moins deux...
- Eh merde... juré-je.
Alors que je cherche de mauvaise grâce dans un autre carton, je sens quelque chose me frôler. Oh merde ! Qu'est-ce que c'est que ça ?!
J'étouffe un cri et tombe à la renverse sur les fesses en faisant grincer de douleur le vieux parquet au passage. Un rire nerveux sort de ma bouche quand je me rends compte que j'ai eu peur d'un simple drap. Bravo Candice, tu m'épates de jour en jour... Je me relève avec peine en jurant, comme d'habitude, et contemple le stupide drap qui a réussi à m'effrayer. Comme pour me prouver je ne sais quoi, je tire le vieux drap, soulevant les particules de poussière qui me chatouillent le nez. Je découvre alors un grand miroir, vieux, taché, les contours en argent sont oxydés et les arabesques abîmées. Je ne suis pas historienne, ni une grande spécialiste en art, je ne saurais dire à quelle époque appartient cet objet, mais je ne doute pas de son caractère archaïque avec ses triskell et triqueta gravés.
J'ose m'approcher du curieux objet où j'aperçois des inscriptions inscrites sur le haut de l'ornementation. Et même si je pense aussitôt à une devise familiale, par réflexe, je ne peux m'empêcher de la lire à haute voix :
- « Entendez mes paroles, entendez mes mots,
De cette nuit infinie chassez les ténèbres dont je suis assaillie,
Donnez-moi la lumière, allumez cette flamme dans la nuit,
Libérez-moi des chaînes du temps et de l'espace,
J'ordonne que chaque chose reprenne sa place
Que la braise qui gronde sous la cendre devienne brasier,
En cette nuit et en cette heure, guidez-moi vers ma destinée. »
Un courant d'air glacial traverse la pièce me faisant frissonner, je resserre mes bras autour de moi, paralysée, observant ce stupide miroir qui semble prendre vie sous mes yeux ahuris. Puis la tension semble s'apaiser, comme le calme qui revient après la tempête. Mais quelque chose a changé, je le sens. Quand je regarde de nouveau dans le miroir, une étrange petite flamme danse devant moi, et lorsque je cherche à la toucher mes doigts traversent la surface lisse du miroir sans que je n'aie le temps de crier...
Je crois que je viens de me faire aspirer par le miroir de Mrs Campbell... !
Bonsoir tout le monde ! Comme promis on se retrouve avec le chapitre un de cette petite histoire... Qu'en pensez-vous ? J'ai adoré l'écrire (l'année passée) et ça me change énormément d'écrire à la première personne du singulier (d'ailleurs je ne suis pas très à l'aise avec mais enfin).
Des théories concernant la suite ?
On se retrouve demain pour la suite des aventures de Candice !
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