20- De ses yeux noisettes

Coucou tout le monde!

Me revoici avec la suite d'Heloise! Encore une fois, excusez mon retard, c'est toujours la même rengaine, les cours, la masse de devoir (et oui, malgré les vacances!) et puis toutes sortes d'activité qui nous bouffent un temps fou!

En tout cas merci d'être là, je vous aime!🔥💋

Dans l'obscurité, le paysage récurent des favélas, à l'ordinaire si coloré, défilait sur un ton monochrome, aussi noire que les couleurs de la nuit. La vue, réduite à un tableau sombre et inquiétant, officiait comme deux gardiens à l'air particulièrement féroce, chacun posté d'un côté de la voiture et suivant le véhicule à la trace sans jamais émettre le moindre son.

Observer l'extérieur ne présentait donc plus aucun intérêt, même si, dans tous les cas, Heloïse s'en fichait éperdument. Affalée sur la portière gauche, son visage appuyé contre la vitre presque glacée du véhicule, la jeune femme pensait.

Une demie heure de trajet sans le moindre échange entre son ravisseur et le chauffeur ne lui avait rien appris, et elle ignorait tout de sa destination finale. Bien étendue, elle avait posé la question à plusieurs reprises, mais s'était heurtée à un silence éloquent, ainsi qu'au détestable petit sourire au coin de son ravisseur. A présent elle priait pour que Jack vienne la chercher, ou plus exactement pour que son demi frère juge nécessaire de se mettre sur sa piste.

Le moteur cessa de mugir, et la voiture pila dans un désagréable crissement de pneu.

- Sort, intima Alejandro.

Héloïse obéit sans un mot. Elle entra au contact d'un air frais, presque froid, puis claqua la portière de toute ses forces, dans le maigre espoir d'évacuer sa frustration et son anxiété. Elle s'étira d'un mouvement ample, comme un chat sorti de sa cage, et s'efforça de percer l'obscurité ambiante.

En face d'elle, une impressionnante devanture se dessinait, aussi haute que large, le long de ce qui semblait être des bosquets de fleurs. En pivotant sur elle-même, Heloise aperçut une allée graveleuse bordée de pelouses impeccablement entretenues, et tout au bout de dressait un haut mur de pierre.

Une pression s'exerça sur son avant-bras droit. En levant les yeux, son regard atterrit sur un homme, probablement le chauffeur, qui la tira sans ménagement. En ravalant une remarque acerbe, elle suivit le personnage taciturne et ils s'engagèrent tous les deux à la suite d'Alejandro.

Ils quittèrent le jardin pour pénétrer dans un hall impressionnant, éclairé de toutes parts. L'ancien dominait avec une suprématie d'acajou et de splendides tapisseries ornaient les murs. Un lustre de cristal pendait d'un plafond peint à coup de fines touches dorées, et malgré la situation plus que critique, Heloise ne put s'empêcher de s'extasier sur les lieux.

Il virèrent à gauche, et la jeune femme grimaça sous la forte poigne de l'homme. Un immense salon ancien les accueillit, tout aussi splendide que le hall d'entrée. Il traversèrent encore quelques pièces avant d'arriver au sous sol, dans un sorte de cave mal éclairée qui n'avait plus rien de majestueuse.

L'inconnu la fit assoir brutalement sur une chaise de bois, lui saisit les mains et les lui lia dans le dos sans prendre garde à son exclamation de douleur; ce brute lui attachait les poignets sans une once de douceur. Il disparut enfin sur un geste d'Alejandro qui n'avait pas perdu une miette du spectacle.

L'homme se détacha enfin de la paroi ou il s'était adossé pour s'avancer à pas lents vers la jeune fille. Ses iris vertes la détaillaient sans expression apparente, témoignant d'une froideur parfaite.

- Écoute moi bien trésor, tu vas me dire tous ce que tu sais sur le réseau de ton demi frère, sans rien me cacher. C'est clair?

- Je ne sais rien.

Un ricanement méprisant lui répondit.

- Ils disent tous ça, mais ils parlent tous un jour au l'autre.

La panique s'insinua petit à petit en la jeune femme. Évidement qu'il ne la croyait pas. Mais le problème, c'est qu'elle ne savait vraiment rien.

- Je ne sais rien, répéta-t-elle avec conviction.

Une douleur cuisante lui brûla la joue gauche, et sa tête valsa vers la droite. Les larmes lui piquèrent les yeux, elle remua sa mâchoire avec difficulté, mais la souffrance persistait, plus tenace qu'une moule sur son rocher. Lentement, elle se repositionna, bien droite, et planta le marron de ses yeux stupéfaits dans ceux de l'homme.

- Vous m'avez giflée, murmura-t-elle.

Le choc lui ôtait toute clarté d'esprit, et elle resta là, à contempler Alejandro, les mains liées, les yeux mêlés de dégoût et de crainte, la joue rougie et douloureuse, sa chevelure blonde l'enveloppant comme un halo angélique.

- Elle sera suivie de beaucoup d'autres si tu ne parles pas, trésor.

Aucun regret ne perçait dans sa voix grave et pourtant remplie de douceur, et seul l'accent indifférent de l'habitude s'entendait dans cette voix presque lasse.

Ses cordes meurtrissaient sa chaire, tiraient dessus comme un couteau qui déchire la peau, la fatigue commençait à l'envelopper petit à petit, mais Heloise savait que les douze coups de minuit ne la sauveraient pas de ce monstre.

- Écoutez, je vous ai déjà dit que je ne sais rien! S'exclama-elle-avec désespoir.

Une seconde gifle claqua, plus brutale que la précédente. Un gout métallique se répandit dans sa bouche soudain pâteuse; le sang coula le long de sa mâchoire longiligne, profanant de son pourpre presque insultant la peau diaphane de la jeune femme.

Cette fois-ci, Heloise se redressa avec plus de lenteur. Un hématome se dessinait déjà sur sa pommette gauche, et les larmes menaçaient plus que tout de jaillir de ses yeux à demi plissés.

La brûlure encore fraîche la dissuada de scander à nouveau son innocence. Elle devait trouver une solution, et vite, sous peine de se retrouver morte avant deux heures du matin.

Ses yeux noisettes rivés sur le sol humide de la cave, elle ne perçut pas Alejandro s'approcher. D'une main ferme, il lui saisit le menton, la forçant à le mordre du regard. En appuyant volontairement sur sa pommette gauche, il arracha à la jeune femme un cri de douleur. Avec souplesse, il s'agenouilla à sa hauteur et énonça simplement.

- Je veux tout savoir, aussi bien sur ses stocks de cocaïne, ses clients, ses petits secrets, ses distributeurs. Alors t'as intérêt à tous balancer avant que je m'énerve vraiment.

Le cerveau d'Heloise bouillonnait, la fatigue et la douleur passèrent au second plan; elle devait trouver un échappatoire.

- Je vous l'ai déjà dit deux fois, je vous le redis, je ne sais rien des trafics de Jack. Je suis peut être sa demie-sœur, mais j'habitais en France jusqu'au mois dernier, et je viens d'apprendre il y a environ une heure et demie que mes demis-frères étaient des gangsters. Alors frappez moi autant de fois qu'il vous plaira, je ne sais rien.

Elle avait repris sa dignité, son ton ne recelait aucune supplique, simplement du mépris et de la hauteur.

Alejandro resta interdit. Son regard émeraude transcenda celui d'Heloise à la recherche de la moindre trace de mensonge.

Soudain, il libéra le visage de sa poigne et se redressa. Sans crier gare, il fondit sur elle, lui arracha les premiers boutons de sa chemise.

- Arrêtez! Qu'est ce que vous faites!

Mais les mains liées, clouée à une chaise, elle ne pouvait rien contre lui, et il eut tôt fait de l'immobiliser. Heloise hurla alors que les doigts glacés d'Alejandro dégageaient la masse de cheveux dorés de ses épaules, dénudant avec brutalité ses fines épaules. Le tissu de la chemise vola, et elle se retrouva en soutien-gorge devant lui. Les larmes menaçaient de couler, elle serrait les yeux le plus fort possible, pour ne plus le voire, lui et ses iris vertes.

Mais contre toutes attentes, Heloise ne sentit plus rien hormis le froid qui mordait sa peau. Prudemment, elle ouvrit les yeux.

Alejandro la détaillait. Ou plus exactement, il détaillait sa poitrine.

- Tu n'as pas la marque.

Horriblement gênée et à la fois terriblement soulagée qu'il n'aille pas plus loin, Heloise fronça les sourcils.

- Je déteste les tatouages, argua-t-elle avec bravoure alors qu'il la détaillait toujours.

- Je ne parlais pas de ça. Chaque gang a sa propre marque, celle de Jack, c'est un aigle royale. Tu n'as pas le tatouage, ça veut dire que tu ne fais pas partie de leur gang.

Il resta un instant silencieux, et le cœur d'Heloise rata un battement.

Sans un mot de plus, Alejandro sortit de sa poche un objet.

Un couteau.

Terrorisée, Heloise le vit s'avancer. De plus en plus. Il revenait vers elle, l'arme à la main. Il s'arrêta à sa hauteur. Approcha le couteau de son visage. La jeune femme sut qu'elle était perdue.

Qu'importe, elle mourrait dignement. Ce monstre ne lui faisait pas peur. Dans un sursaut de courage, elle planta ses yeux noisettes dans son regard vert, une dernière fois. Elle y passa toute la hargne qui l'habitait, comme un ultime défit au malheur, à tous ceux qui se pensaient plus fort qu'elle. Elle ne plierait pas, elle n'avait jamais plié.

Il leva le bras, elle redressa fièrement le menton.

Il baissa son arme, Heloise ne cilla pas.

Mais le coup ne vint jamais. La pression exercée sur ses poignets se relâcha. Elle était libre.

Sans un mot, Alejandro lui jeta sa chemise qu'elle reçut de plein fouet et sortit en trombe de la pièce.

- Zeck, emmène la fille dans une chambre confortable et surveille sa porte.

Son subalterne acquiesça, mais il montait déjà l'escalier quatre à quatre.

Jamais il n'avait vu autant de courage chez une femme. Elle savait qu'elle allait mourir. Et pourtant. Et pourtant elle l'avait fixé de ses prunelles noisettes.

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