2- Kathy

Sa petite valise roulait sur la terre inégale, soulevant un nuage de poussière à chaque nouvelle secousse. Heloise sentait ce cahotement répété à travers son poignet, et nota que cela constituait une énième différence avec son chère pays.

Un sac à dos multicolore tenait sur son épaule droite, se balançant lui aussi au grès de sa marche.

- Toutes tes affaires sont là?
Le ton qu'il avait tenté neutre laissait cependant percevoir un fort étonnement.

- Oui. Le reste m'arrivera par colis dans une ou deux semaines. De tout de façon, je ne possède pas grand chose.

Antoine hocha doucement la tête. Que pouvait il répondre à cela? La pauvreté de Claire ne lui était pas inconnue, mais jamais il ne l'avait imaginé à ce niveau. Mal à l'aise et peut être se sentant légèrement coupable, il se promit d'y remédier.

Heloise sourit intérieurement à la réaction de son père, si prévisible. Il n'était certes pas méchant, ni avare, seulement très peu réaliste et responsable, sa mère le lui avait assez répété pour qu'elle ne lui en veille pas.

Une porte, grise, commune, se dressait face au père et à la fille. Son image terne l'arracha de ses pensées pour l'y replonger à nouveau.
Matériellement, ce n'était rien du tout. Un objet de vague utilité qui empêchait les voleurs de commettre leur larcin, une planche de bois qui définissait l'entrée d'une maison parmi tant d'autre.

Mais la jeune femme saisissant pleinement le sens métaphorique de cette simple porte. Pour elle, il s'agissait du denier obstacle qui séparait sa vie d'avant et l'avenir. C'était une page qu'elle allait tourner, 19 années qu'elle mettrait de côté pour autre chose.

La sonnette retentit. On entendit une série de claquement retentissant marteler le sol, se rapprochant chaque demie seconde un peu plus.
Quelqu'un actionna la poignet.
La porte s'ouvrit brutalement avec la force d'un ouragan.

- Bonjour mon amour! O mais tu dois être Heloise! Que tu es charmante! Antoine me l'avait bien dit mais alors à ce point! Si tu savais comme je suis heureuse d'avoir une fille à la maison! Bien sur, j'aime beaucoup mes deux garçons et mon homme, mais on ne peut rien leur dire.

Heloise eut vaguement l'impression de franchir la ligne invisible, la frontière sans retour possible, mais elle se fit happer aussitôt par un splendide corps dont s'émanait une senteur de muguet fraîchement cueillis. On l'étreignait avec autant de force pour la deuxième fois de la journée et la jeune femme se dit que, décidément, c'était sûrement de famille.

Quand enfin l'inconnu consentit à la décoller de sa poitrine, elle se retrouva face à une splendide femme d'âge mûre, aux formes généreuse et à la figure très avenante.
Baissant les yeux, Heloise comprit pourquoi l'inconnue la surplomber d'une bonne tête; celle ci était juchée sur d'énormes talons aiguilles roses fuchsia.

- Et bien... Enchantée. La femme lui fit un sourire éblouissant respirant de sincérité.

- Excuse moi. Je ne me suis pas présenté. Elle lui tendit alors sa main, très sagement par rapport à son effusion de l'instant précédant. Mon nom est Katherine, la nouvelle femme d'Antoine. Les derniers mots franchirent ses lèvres avec hésitation, et elle lança un regard furtif à Heloise. Mais tu peux m'appeler Kathy! Reprit elle en souriant a nouveau.

Heloise se fit la réflexion que finalement, derrière cette couche de superficialité elle pouvait cacher une personnalité très sympathique et sincère.

Elle lui offrit à son tour un très beau sourire qui enchanta Katherine.
- Parfait! Les deux femmes reportèrent leur attention sur Antoine qui souriait d'un air comblé. Ma femme et ma fille s'entendent à merveille, je n'aurai rien pu souhaiter de mieux.

Une ombre passa sur le visage d'Heloise. Elle songea qu'il fut un temps ou c'était Claire, sa femme, et non Katherine. Mais elle chassa bien vite cette élan de mélancolie; le passé appartenait au passé.

- Je vais te faire visiter! Allons au premier étage, ou se trouve ton appartement. Tu verras, c'est très sympas. Tu veux que je te portes ta valise?

Elle parlait très vite, avec beaucoup d'entrains.

- Non merci. Déclina la jeune femme en souriant. Ne vous inquiétez pas pour ma valise, je pourrais la porter tout de seule, mais c'est très gentil!

- Je t'en pris, pas de ça entre nous! Tu peux me tutoyer!

La jeune femme sourit tout à fait. Katherine avait le don de la mettre à l'aise.

- C'est entendue Katherine, je te suis!

Aussitôt, la femme la fusilla gentiment du regard:

- Et pour toi, c'est Kathy!

Cette fois, elle se retourna tout à fait en direction du long couloir.

Elles montèrent un magnifique escalier d'acajou, et les deux femmes ne cessèrent de bavarder de tout et de rien, faisant connaissance. Katherine surtout faisait la visite à sa nouvelle belle fille, expliquant minutieusement chaque aspect du manoir.

- Ce cadre la fut posé par ton père. Je me souviens très bien, il avait escaladé une table bancale pour pouvoir le fixer au mur, et il nous déchirait les oreilles avec son marteau de bois. Je lui répétait pourtant à longueur de journée que le dimanche était justement fait pour ne pas avoir d'horrible bruit dans les oreilles, il n'a rien voulu savoir. Et il tapait! Il tapait si fort que le mur à fini par s'écrouler. C'était vraiment très drôle!  Si tu avais vu sa tête! Depuis ce jour la, il n'accroche plus rien le dimanche.

Elle ponctua son anecdote d'un grand rire franc avant de passer à l'origine d'une tâche sur la commode.

Cela se voyait, elle tenait particulièrement à cette maison ou elle avait vécu tant de chose, et Heloise sourit de cette passion qu'elle mettait dans toute ses phrases.

Elle s'arrêta soudain au niveau d'une porte bleue océan, sur laquelle on pouvait lire "Heloise".

- Nous voici arriver à tes appartements!

Ses appartements? La jeune femmes avait bien entendu qu'on employait ce terme il y a quelques minutes, seulement elle pensait qu'il s'agissait là d'un abus de langage. Pourtant, elle avait pu se rendre compte de la taille importante du manoir, et commençait à se dire que ce n'était probablement pas une expression.

Ces doutes furent confirmés à l'instant même ou Katherine ouvrit la porte.

Une pièce à la taille moyenne et meublée avec goût formait une sorte de salon très confortable, et Héloïse s'y voyait déjà enfoncée dans l'un des poufs mauve, sirotant avec délice un bon chocolat chaud.

Mais le plus merveilleux était sans aucun doute l'immense bibliothèque installée dans l'angle du mur.

La lecture, ça avait toujours était son truc. Dès le berceau, sa mère lui lisait sans relâche toutes sortes d'ouvrages. À 4 ans, Heloise avait appris et n'avait plus besoins de Claire. Et depuis, elle n'en démordait pas.

Sur le moment, elle fut très reconnaissante à son père pour avoir si bien déceler son goût pour la lecture.

- Alors? Le salon te plait?

La jeune femme en aurait presque oublié Katherine. Vers sa nouvelle belle mère, Heloise se retourna et du fond du cœur lui dit avec un sourire qui ne trompe pas:

- Il est fabuleux... Et elle le pensait.

Katherine eut l'air ravi et avec force tapa dans ses mains.

- Il nous reste à découvrir la chambre!

Elles contournèrent les canapés et atteignirent derrière le canapé une discrète porte qui se fondait dans le décors.

- Après toi! L'invita sa belle mère, son sourire resplendissant toujours accroché aux lèvres.

La jeune femme pénétra la première à l'intérieur de sa chambre. Elle ne fut pas déçu.

Un superbe lit à baldaquin gris deux places trônait contre le mur opposée, couvert d'un plaid à motifs dorés. Un très long bureau en demi carré était posé contre un grande fenêtre balcon donnant sur la rue. De l'autre côté, une commode vernis achevait de meubler la pièce. Beaucoup de guirlande lumineuses et quelques objets de décoration formaient une ambiance cosys et, ma fois, fort agréable.

Heloise avait les yeux pleins d'étoiles; cette chambre était parfaite.

Catherine s'en rendit compte, et son sourire s'élargit encore un peu plus.

- Et maintenant... La pièce finale!

Elle ouvrit magistralement une porte mauve.

- Le dressing!

Comme pour ses chers livres, Heloise n'avait jamais vu autant de vêtement de toute sa vie. Robes, Tee-Shirts, pantalons, chaussures, jupes, chemisiers, sacs, il y avait la de quoi habiller un régiment.

- Alors il te plait? Lui demanda Katherine. C'est moi qui est tout choisi pour toi!

La jeune femme sourit devant tant d'attentions. Sa belle mère se montrait si chaleureuse envers elle! Même si la mode était le cadet de ses soucis, elle lui en était tout de même très reconnaissante.

Il est vrai qu'Heloise craignait par dessus tout d'être accueillie par de petits sourires faux et gênés dégoulinants de pitié, par une réticence presque dédaigneuse. Pourtant, il n'en était rien. Katherine l'avait accueillis à bras ouverts, avec son incroyable sourire sans jugement aucun, et surtout, sans pitié. Et pour cela, Heloise la remerciait en silence.

- J'adore. Vraiment Kathy, merci beaucoup pour ces magnifiques pièces!

Ce compliment suffit à faire décoller sa belle mère. En un sens, Heloise comprit pourquoi son père l'aimait.

- Malheureusement, grimaça t elle, la salle de bain n'est pas du tout finit, tu devras partager celle des garçons...

- Aucun problème! La rassura Heloise avec un sourire. Ce n'est vraiment pas grave.

Spontanément, Kathy l'enlaça.

- Je suis si contente de t'avoir avec moi ma chérie!

Elle se décolla tout aussi précipitamment de sa belle fille en lui recommandant de bien se reposer.

- Les garçons ne sont pas là... Je pense qu'ils devraient arriver ce soir. Elle eut une grimace charmante. Je leur remontrerait les bretelles pour ne pas s'être montrés le jour de ton arrivée. Elle secoua la tête et disparut dans l'encadrement de la porte.

- Allez! Je te laisse tranquille!

Tandis que ses talons claquaient sur le parquet, et lui lança un dernier:

- À tout à l'heure! Retentissant.

Heloise se dit qu'elle était tout de même bien tombée, et se jeta sur son lit, bien décider à dormir jusqu'au soir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top