12- Deux inconnus et un leger problème

Elle bâtit des jambes, ravie. Sa paralysie n'existait plus, elle contrôlait à nouveau ses précieux membres.

La question lui était venue à l'instant même de son réveil. Pouvait elle marcher? Les événements de la veille avaient révélé en elle de douloureux souvenirs, et comme toujours, sa capacité d'avancer seul lui avait fait défaut.

Un gargouilli rappela à la jeune fille son besoins urgent de se nourrir, et à contre cœur, Héloïse se mit à la recherche de son demi frère. Elle dévala avec extase un long escalier, fouilla dans quelques pièces avant d'arriver à la cuisine.

Immédiatement, elle aperçut Jack, en pleine discussion avec un autre homme. A son arrivée, ils se turent aussitôt. Tous les deux la dévisagèrent longuement, si bien qu'elle se sentit assez rapidement mal à l'aise.

- Eu... bonjour... tenta t elle.

Aucun des deux ne lui répondirent.

Charmant.

L'autre homme, un peu plus âgé que Jack, avoisinait sûrement la trentaine. Il la déshabillait de son regard inquisiteur, ce qui ne lui plaisait absolument pas.

- Vous êtes? Demanda t elle, exaspérée par leur silence.

L'autre l'ignora superbement pour questionner son voisin.

- Qui c'est elle?

Il avait ignoré sa question. Le ton que prenait l'inconnu pour la désigner la choqua, et elle en perdit ses mots quelques secondes.

- Non mais dites, ça ne vous dérange pas de faire comme si j'étais un objet? S'énerva t elle.

Surpris à son tour, son interlocuteur la dévisagea à nouveau, toujours sans rien dire. Heloise ne comprenait rien à la situation, et lorsqu'elle vit le petit sourire au coin de Jack, elle décida de prendre les choses en main.

Mettant de côté les manières très douteuses de l'inconnu, elle s'avança vers lui, sûr d'elle, et lui adressa son plus beau sourire.

- Bonjours, je m'appelle Heloise et je suis la demie soeur de Jack. Et vous êtes?

Cette fois ci, l'homme ne comprenait vraiment rien et semblait totalement dépassé par la situation. Il ouvrit grand les yeux, et tourna la tête tour à tour d'Heloise à Jack, stupéfait.

- C'est ta demie sœur?

L'autre acquiesça, visiblement très amusé. 

- Mais, tu ne m'avais jamais parlé d'elle! Hier, quand on t'a demandé un...

- Tais toi Antonio. Son sourire s'effaça aussi vite qu'il était apparu, et son regard devenait à nouveau métallique. Heloise, je te présente Antonio, un ami.

La jeune fille sentait bien qu'on lui cachait quelque chose. Décidément, ils s'étaient tous ligués contre elle! Mais elle finirait bien par découvrir ce qu'on prenait tant de soin à lui dissimuler.

- Enchantée. Son ton était sec, elle n'avait vraiment pas apprécié la manière dont il l'avait ignorée.

- Excuse moi pour mes manières déplacées... je suis un ami de ton demi frère, enchanté de faire ta connaissance.

Elle adressa un regard froid au trentenaire avant de se diriger vers le frigo pour se servir d'un copieux petit déjeuner.
Jack s'adressa à Antonio en espagnol, et celui ci s'empressa de quitter la pièce. Le jeune homme vint s'appuyer sur le bar à l'américaine où Heloise dégustait tranquillement une tartine de beurre.

- Ça va mieux tes jambes? Lui lança t il, goguenard.

Elle le foudroya aussitôt du regard et le rabroua sèchement;

- Très bien, merci. En attendant, je ne sais même pas pourquoi on a passé la nuit ici.

- Un petit merci aurait suffit.

Héloïse serra les dents. Elle devrait le remercier, évidement. Mais l'action d'hier lui avait plutôt paru comme une action forcée qu'autre chose. Jack s'était montré odieux avec elle, l'avait amenée ici, et avait refusé de lui fournir la moindre explication.

- Merci. Maugréa t elle.

- Bon, maintenant dépêche toi de manger. Tu trouveras des vêtements dans la commode de ta chambre. Dans trente minutes on part pour le lycée.

Toujours à donner des ordres celui-là.

- Pourquoi on est venu ici?

Jack planta un regard qu'elle commençait à bien connaître dans le siens. Ce regard qu'il vaut mieux ne pas contrarier.

- Ne commence pas Heloïse.

Il suffisait d'une simple phrase. Une simple phrase qui sonnait comme une menace. La jeune fille préféra pour l'instant abandonner et quitta la table d'un geste rageur.

Oui, elle enrageait qu'il la traite comme une gamine.

En deux temps trois mouvements, elle enfila une des nombreuses tenues qui garnissaient la fameuse commode, et rejoignit le garçon dans la voiture de la veille. Le trajet se fit en silence, et elle bouda dans son coin sans lui adresser un regard. Ils arrivèrent enfin au lycée. Héloïse décrocha sa ceinture, en se résignant à ne pas avoir de sac pour le restant de la journée.

- Salut. Marmonna t elle avant de descendre du véhicule. L'autre ne répondit pas, et se contenta de la fixer alors qu'elle s'éloignait.

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Elle ne toucha mot de l'agression à personne. Devant Alexia, elle prétendit qu'un mal de tête était la cause de son départ précipité, et assura qu'elle s'était beaucoup amusée à un Mikaël déconfit.

- J'aurai adoré te faire danser! Déclara t il d'un ton mélo-dramatique, une main sur le cœur.

A son grand soulagement, elle ne croisa pas l'être abjecte de la journée. Le faux prince charmant semblait s'être volatilisé, impossible de l'apercevoir.

La journée passa à une vitesse folle, et son dernier cour, particulier, allait débuter dans quelques secondes.
La porte s'ouvrit, et Monsieur Lopezis pénétra dans l'amphithéâtre. Il était toujours en avance, et Héloïse se demandait pourquoi il avait du retard, cette fois ci.

- Bonjour mademoiselle. Commença t il en espagnol.

Héloïse lui répondit un « bonjour monsieur ». Elle se tordait les mains, signe de sa nervosité, et attendait avec angoisse la remarque qui n'allait pas tarder.

- Pourquoi n'avez vous pas de quoi écrire mademoiselle? Il avait parlé en français, très mauvais signe.

Héloïse baissa les yeux. Elle ne pouvait vraiment pas expliquer ses péripéties de la veille, il fallait donc trouver une excuse solide. Et vite. Heureusement, elle pouvait se targuer de maîtriser l'art du mensonge assez bien, et n'hésita pas trop lorsqu'elle sortit:

- Je n'ai pas dormi chez moi hier, mais chez une amie, et ce matin je n'ai pas eu le temps de prendre mes affaires de cours.

Les sourcils du professeur se froncèrent d'avantage et ses yeux se firent de glace.

- Et en quoi cela me concerne t il?

Le ton tranchant la pris de cours, et elle ne sût quoi répondre.

- Je répète ma question mademoiselle. En quoi cela me concerne t il?

La jeune femme répondit d'une voix qu'elle voulut ferme.

- En rien monsieur.

Dans quel pétrin s'était elle fourrée...

- Vous êtes une écolière mademoiselle de Zakaplore. Et une écolière a l'obligation de faire et d'amener ces devoirs. Il s'avança vers elle et la força à s'adosser au mur.

Heloîse n'osait croiser son regard, et fixait le sol. Elle sentait le corps de cet homme la dominer de toute sa hauteur. Elle percevait cette froide colère qui brûlait en lui comme un feu ardent, et elle était tétanisée.

- Regardez moi.

Elle obéit à cet ordre, et timidement planta ses iris dans les yeux glacés de son professeur. Elle aurait voulut les y retirer, mais elle ne pouvait pas, comme apée  par son regard, son charisme, sa beauté prédatrice.

- Répondez moi. Ai je le droit de vous gifler?

Le choc de la question eut sur Héloïse l'effet d'une claque. Elle ressentait de la peur à présent, et son masque d'indifférence était tombé.

- N... non monsieur.

Il ne répondit pas tout de suite, continua de la dominer de sa hauteur, de ses muscles, de son regard.

- Exactement.

Une nouvelle fois, la jeune femme fut déstabilisée par cette réponse.

- Comprenez vous à présent? Vous n'avez pas le droit d'oublier vos affaires comme je n'ai pas le droit de vous gifler.

Elle hocha doucement la tête, sans décrocher son regard du sien.

- Maintenant partez. Disparaissez de ma vue. Et que cela ne se reproduise plus jamais.

Il prononça sa phrasa d'une voie calme, mais elle aurait effrayé un mort. Héloïse contourna son professeur qui ne bougea pas d'un pouce en prenant garde à ne pas le toucher, et se dirigea vers la porte, le cœur battant à cent à l'heure.

- Mademoiselle de Zakaplore?

Elle se figea, et très lentement lui fit face.

- Comment s'appelle l'amie chez qui vous avez passé la nuit?

Héloïse paniqua. Elle ne s'attendait pas du tout à ce qu'il creuse aussi loin dans l'histoire.

- Alexia monsieur.

Elle espérait qu'elle ne mettait pas en danger son ami. Et sans demander son reste, elle se dépêcha de gagner la porte.

Alors qu'elle gagnait le parking ou devait venir Kathy, Héloïse eut soudainement honte de son comportement. Elle courbait l'échine devant lui, abandonnait cette combativité qui la rendait si fière, et s'inclinait complètement devant cet homme. Personne auparavant ne l'avait jamais autant impressionnée, autant marquée de sa présence.

Elle s'assit sur un banc et compta les minutes. Après tous, elle allait devoir prendre son mal en patience, Kathy ne venait que de dans 45 minutes, puisque son charmant professeur l'avait libérée très en avance.

Un bruit sourd lui fit tourner la tête.  Des jeunes couraient le long de la rue déserte, et cette fois, les armes ne décoraient pas simplement.

A peine la première détonation entendue qu'Heloise plongea sous le banc de l'arrêt de bus et plaça son sac devant elle. La jeune femme voyait très nettement les bandits poursuivre trois hommes, tous vêtus de noirs, qui se retournaient de temps à autres pour lancer des coups de feu. L'un des poursuivants s'effondra au sol, en hurlant de douleur. Les rares passants, terrorisés, restaient parfois figés au milieu du trottoir où bien s'enfuyait en courant en poussant des hurlements de terreur.

Héloïse hésita. Son cerveau en panique lui ordonnait de se précipiter aux côtés de l'homme mais son instinct la tenait immobile. Elle avait le cœur qui tambourinait dans sa poitrine comme un forcené mais elle n'osait pas faire un geste.

Lorsqu'enfin sortie de son banc, elle tremblait de tous ses membres, et n'en croyait pas à ses yeux. Pourtant, une petite voix lui disait qu'il faudrait s'y habituer très vite. C'était la seconde fois qu'elle était témoins d'une de ces scènes de violence, pourtant elle ne s'y accommodait toujours pas.

Une fois certaine du danger écarté, elle se précipita de l'autre côté de la rue, près du corps gisant sur les pavés. Repoussant son dégoût dans un coin de son esprit, elle se pencha sur l'homme. Une rapide inspection lui apprit qu'une balle logeait dans son épaule.

- Monsieur?! Est ce que ça va?

Elle se sentit tout de suite stupide de cette question, car il était évident que ça n'allait pas du tout. L'inconnu grimaça pour toute réponse.

- Il faut appeler les urgences! Commença t elle, paniquée.

Mais elle prit conscience qu'elle ne connaissait pour l'instant aucun numéro mexicain, et la rue demeurait déserte.

En se penchant sur l'homme, elle le vit à moitié conscient à moitié évanouie. Il poussait de temps à autre de petits gémissements et se tenait fermement le coude, comme pour évacuer sa douleur.

- Je suis désolée de vous demander ça, mais avez vous dans vos vêtements un numéro de Samu ou quoi que ce soit qui y ressemble? Demanda t elle posément en anglais.

L'homme, plutôt jeune, ouvrit subitement les yeux et l'incendia d'un regard furieux.

- Pauvre conne! Cracha t il. N'appelez surtout pas le... mais il s'interrompit pour crier de douleur. Le samu... souffla t il dans un ultime effort. 

Et il s'évanouit.

Si la situation avait été moins critique, elle l'aurait laissé planté là et serait immédiatement partie. Quel ingrat! L'injurier alors qu'elle lui sauvait presque la vie! Mais il se trouvait qu'une balle logeait profondément dans son corps.

Tout cela embêtait bien la jeune fille. Que faire? Comment réagir?

Un bruit de moteur lui fit tourner la tête. Avec soulagement, elle reconnut la voiture de Katherine.

- Kathy! L'apostropha t elle en faisant de grands gestes du bras.

Sa belle mère se gara sur le trottoir d'en face et descendit de voiture. Elle se précipita de l'autre côté de la rue aussi vite que ses talons le lui permettait.

- Héloïse! Qu'est ce qui se passe!? En apercevant le semblant de cadavre qui gisait, inerte au beau milieu des pavés, elle pâlit fortement.

Mais en femme élégante, elle reprit contenance et interrogea sa belle fille du regard. Héloïse lui narra les événements précédant avec un calme olympiens.

- Qu'est ce qu'on fait de lui?

Les deux femmes jetèrent un regard mal à l'aise sur l'homme inconscient.

- Bon. Aide moi. On va le ramener à la maison.

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