11- Une ombre du passé

Elle le dévisageait les yeux ronds, stupéfaite de le trouver là. Toujours accrochée au mur, elle pressait de ses doigts la paroi qui s'effritait. Son épaule et sa taille lui faisaient un mal de chien. La marque de ses doigts la brûlait et elle s'efforçait de reprendre une certaine contenance face à Jack qui semblait fou furieux.

Elle l'avait oublié, mais encore une fois le fantôme de son passé exerçait sur elle cette oppression obscure, ce sentiment d'être toujours sous sa coupe, d'être entre ses griffes.

La jeune femme ferma les yeux, secoua la tête pour dissiper la crise d'angoisse qui montait dans sa poitrine.

Tout en Jack le lui rappelait; cette douce façade, cette figure soignée, son apparence parfaite et angélique. Mais aussi cette brutalité, cette possessivité qui l'avait étouffée si longtemps.

Elle rouvrit les yeux.

- Qu'est ce que tu fais la?

Ils s'interrompirent et chacun fronça les sourcils. Décidément, ça devenait une manie.

- Qu'est ce que tu faisais avec lui?

Héloïse ouvrit des yeux ronds. Il osait lui demander des comptes?

- Tu n'es pas mon père. Répondit elle sèchement.

- Tu es vraiment naïve. Tu ne le connaissait même pas, et comme une parfaite petite idiote tu l'as suivi jusqu'ici, en pleine nuit dans une rue déserte. Tu as bien mérité ce qu'il t'es arrivé.

Elle ne pouvait pas en supporter d'avantage. Toujours cramponnée au mur, la jeune femme esquissa un pas pour partir. Mais à peine se décolla t elle de la paroi que ses jambes se dérobèrent sous elle et elle se serait effondrée au sol si Jack ne l'avait pas retenue au dernier moment.

- Lâche moi! S'écria t elle en se tortillant dans tous les sens.

Mais la veste de Jackson glissa de ses épaules et elle frissonna.

- Certainement pas, je ne sais pas ce qu'il t'arrive mais tu n'es pas en état de marcher en ce moment.

Heloise savait parfaitement ce qu'il lui arrivait. A chaque fois c'était la même chose. Une panique sans nom l'engloutissait toute entière, et elle perdait l'usage de ses jambes. Aucun médecin n'avait jamais pu élucider ce mystère. Pourtant, une chose était clair, c'était lui l'origine de ce traumatisme. Elle le savait, cette étrange maladie avait fait son apparition lors du premier incident, semblable à ce soir la. Elle s'était sentie toute faible, incapable d'esquisser le moindre pas sans s'écrouler. Il en avait profité bien sûr. Cette fois ci et toutes les autres fois. Rien d'irréversible, mais toujours il la cueillait dans ses bras, la pressait contre son torse, et la ramenait chez lui sans qu'elle ne puisse opposer de résistance.

Mais c'était terminé. A présent elle se trouvait à Mexico, loin de lui.

Mais entre les bras puissants de son demi frère, ses craintes se réveillèrent et elle tenta à nouveau de le repousser.

Jack contemplait la jeune femme entre ses bras, et la traita intérieurement de tous les noms. Quelle idée stupide cette robe bleue nuit! Elle lui allait beaucoup trop bien.

- Bon, assieds toi là.

Avec une délicatesse dont elle ne l'aurait pas cru capable, il l'installa à même le sol, appuyant son dos contre la parois. D'un geste vif il se débarrassa de son blouson de cuir en en revêtit la jeune femme.

- Merci... murmura t elle.

Pour un peu, elle aurait pleuré d'humiliation. Elle ne pouvait rien faire. Absolument rien. Tant que ses jambes refuseraient de la porter, elle devrait rester passive.

Il la fixa de ses yeux gris, sans rien dire.

- Pourquoi est ce que tu es là alors? Demanda t elle en plantant son regard noisette dans le sien. Personne ne passe par ici, et pourtant tu es debout devant moi.

Il la fusilla du regard, mais Héloïse ne flancha pas.

- Je ne compte plus le nombre de fois où tu t'es mêlée de mes affaires. Lâcha t il sarcastiquement.

- Tu n'as pas répondu à ma question.

Encore ce petit ton inquisiteur. Il ne pouvait le supporter. C'était lui le chef, n'avait elle donc pas compris?

Jack se baissa à son niveau et en un éclair et enserra son visage d'une poigne de fer. Sa peau était si douce... les contours de sa mâchoire étaient si fin...

Mais dès qu'il l'enserrait ainsi, elle se mit à paniquer de plus belle.

- Non! Gémit elle. Arrête!

Il la lâcha, désemparé par une telle réaction. Sans comprendre, il fixa les larmes silencieuse couler le long de sa joue. La terrorisait il? Il était persuadé que non. Les autres fois, elle n'avait pas réagi ainsi.

- Pourquoi tu pleures? Demanda t il, la voix un peu roc.

Elle détourna la tête, essuyant avec rage ses larmes traîtresses.

- Je ne pleure pas.

Un léger rire lui échappa. Au moins, elle restait la même.

- Arrête, j'ai senti la rivière qui se déversait de tes yeux.

Sans répondre, elle tenta de se relever mais échoua à nouveau lamentablement.

- Est ce que tu peux appeler Alexia? Demanda t elle. Elle me raccompagnera à la maison.

- Je ne vais appeler personne, et tu ne retourneras pas à la maison ce soir.

- Si, je retournerai à la maison si je veux. Grogna t elle, bornée.

Jack se passa une main dans les cheveux. Sa patience avait des limites. Sans crier gare, il plongea sur elle et l'enleva dans ses bras.

- Mais t'es malade! Laisse moi! Pose moi t'entend!

- Laisse tomber, personne ne t'entendra, ils sont tous ivres.

La panique menaçait de refaire surface s'il ne la lâchait pas maintenant, tout de suite.

- Jack... s'il te plaît...

Encore une fois, elle le déstabilisa complètement. Elle l'avait appelé par son prénom... il commis l'erreur de baisser les yeux.

Elle était si belle, si belle dans ses bras, inconsciemment recroquevillée contre son torse, ses longs cheveux blonds contre ses bras nus, et le visage tourné vers lui, les yeux suppliants et les lèvres rouges...

Il décrocha bien vite les yeux de la jeune femme et avançait à grand pas dans la route déserte.

- Si c'est ça qui t'inquiètes je ne te ferai absolument aucun mal. Mais tu ne peux pas marcher, tu sembles paralysée et nous ne pouvons pas retourner à la maison. Donc je n'ai pas d'autres choix que de te porter.

Il ne savait absolument pas d'où venait cette étrange maladie. Si ce n'était pas Héloïse, il aurait cru à un stratagème pour se faire porter comme une princesse. Il en connaissait qui ne reculerait devant rien pour qu'il daigne leur témoigner un peu d'intérêt.

Mais elle... il comprenait que pour rien au monde elle ne voudrait qu'il la porte, et pour preuve, et l'arrosait de ses poings, furieuse.

- Pourquoi on ne peut pas rentrer?

Elle détestait, non, haïssait, qu'il la prenne ainsi contre lui. Mais son torse semblait être en béton, et elle abandonna la partie, trop épuisée. Après tout, il était près d'une heure du matin.

- Arrête de poser des questions. Surtout si elles sont stupides.

- Dis moi pourquoi on ne rentre pas.

Seul le silence lui répondit.

- Dis moi!

Vraiment à bouts de patience, il l'emprisonne contre son torse de sorte à ce qu'elle ne puisse plus bouger.

- Encore un mot et je te bâillonne avec un morceau de ta robe. Et déjà qu'elle n'est pas bien longue...

Elle le regarda d'un air courroucé, mais ne pipa mot devant la menace.

Jack ouvrit la porte d'un petit véhicule et plaça Heloise sur le siège passager. Il voulut lui boucler sa ceinture mais elle l'arrêta d'un geste.

- Mes bras marchent encore.

Il la fixa quelques secondes, haussa les épaules et prit le volant.

Héloïse maudissait intérieurement sa faiblesse. Ses jambes lui faisaient défaut, elle tombait donc à la merci de Jack. D'ailleurs, tout ceci était incompréhensible.

- Pourquoi on ne rentre pas?

Son demi frère fixait la route sans répondre.

- Répond! Pourquoi on ne rentre pas?

Très lentement, il tourna son visage vers elle, et encra l'acier de ses yeux dans les siens.

- Tu la fermes.

Il avait parlé de manière si brutale qu'Heloïse en resta bouche bée. Ses pupilles métalliques l'avait glacée sur place. Pour marquer son mécontentement sans cette fois franchir la limite invisible, elle se tourna vers la fenêtre, croisa les bras sur sa poitrine, et fronça les sourcils le plus possible. Elle avait parfaitement conscience d'agir comme une gamine, mais elle ne possédait aucun autre moyen d'exprimer sa colère.

Durant tout le trajet, Jack restait les yeux rivés sur la route, sa main droite posée négligemment sur sa cuisse.

Enfin, il s'arrêta devant une grande bâtisse, à demie cachée par la pénombre.

Sans attendre le moindre signe de Jack, la jeune femme ouvrit la portière et tenta de se mettre debout, peine perdue.

En un éclair, il fut à ses côtés et fit mine de vouloir à nouveau la prendre dans ses bras.

Elle effectua un mouvement de recule.

- Tiens moi juste le bras, je pourrai marcher.

La vérité était qu'elle ne voulait surtout pas se retrouver à nouveau dans ses bras. Elle savait que sa panique reviendrait au grand galop, et sa fierté personnelle en prendrait un coup.

Mais Jack soupira d'exaspération, passa une main sous ses genoux et une autre sous son dos, et la souleva sans aucune difficulté malgré l'énergie qu'elle mettait pour se soustraire de son emprise.

- J'ai pas envie de passer une demie heure dans le froid parce que madame est incapable de marcher droit.

Elle détestait être collée à lui! James avait cette même manie, toujours après ces crises qui la réduisait a l'impuissance. Mais comme dans le passé, Heloise n'avait d'autre choix que de se laisser faire, incapable de se servir de ses jambes.

Il rentrèrent dans la maison déserte, et Jack grimpa à l'étage, la serrant toujours contre lui comme si elle ne pesait rien.

Sans un mot, il rentra dans la première pièce à gauche.

C'était une chambre comportant un seul lit. Sans parler d'avantage, Jack déposa la jeune femme sur celui ci.

- Où es ce que tu vas dormir toi? Demanda t elle avec méfiance.

Son demi frère esquissa un sourire mauvais avant de répondre d'une voix dégoulinante de satisfaction.

- Mais avec toi petite sœur, je ne voudrais pas te laisser seule, sans sécurité.

Il n'en fallut pas d'avantage à la jeune femme pour bondir.

- Hors de question! On ne dormira certainement pas dans le même lit, ni dans la même chambre d'ailleurs. Tu prendras une autre chambre, ou bien un canapé. Va t'en!

- Ou sinon quoi? Tu t'en vas? Son sourire s'accentua. A pardon, tu ne peux pas...

Il adorait la faire enrager. Et le perspective de passer la nuit à ses côtés l'enchantait littéralement... Heloise portait encore son blouson par dessus sa splendide robe beaucoup trop courte, et elle était divinement belle... mais elle, beaucoup trop innocente, ne semblait absolument pas se rendre compte du charme qu'elle dégageait.

- Tu rêves! Je préfère dormir au sol plutôt qu'avec toi. Son expression furieuse s'accentua lorsque Jack s'approchait dangereusement d'elle.

Elle ne voulait pas qu'il la touche! Instinctivement elle se recula lorsqu'il la surplombait de toute sa hauteur. Lentement, il se baissa vers elle et la fixa sans ciller d'une étrange manière. Elle voulut se placer à l'autre bout du lit mais il la retint par le poignet.

Terrorisée, Heloise ne savait pas ce qu'il comptait faire. Sa mâchoire contractée à l'extrême lui faisait peur. Lentement, il s'approcha d'elle. La jeune femme ne pouvait rien faire, privée de ses jambes et prisonnière d'un homme bien plus fort qu'elle, elle ne pouvait qu'attendre.

D'un seul coup, il l'embrassa sur le front. Ses lèvres étaient chaudes et humides, et elle détestait ce chaste baisé.

- A demain petite sœur.

Sans un mot de plus, il la laissa planter là, lui tendant simplement un pyjama assez chaud, et sortit de la chambre.

D'un geste rageur, elle essuya la traînée fraîche encore présente sur le haut de son visage, et se hâta de se changer.

Au moins, demain elle recouvrirait l'usage de ses jambes.

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