10- Inextremist
La semaine passa a une vitesse folle.
Les deux frères avaient entièrement disparu de la circulation et l'inquiétude de Kathy ne cessait de croître un peu plus chaque jour. Elle faisait peine à voir, ses joues autrefois d'un rose éclatant perdaient petit a petit leur jolie teinte pour un blanc maladif. Des cernes jusqu'à là inexistante se creusaient sous ses yeux bouffis, et son éternel sourire ne rayonnait plus.
Lorsqu' Héloïse interrogeait Antoine ou sa belle mère, on lui répondait évasivement que le travail les retenait, et la méfiance de la jeune femme grandissait de jours en jours.
Sur le plan fac, elle s'intégrait parfaitement à la Westefood de Mexico ainsi qu'à sa petite bande d'amis. Elle suivait les cours avec brio et se classait plutôt parmi les meilleurs, à sa grande fierté.
Ses liens avec Alexia se resserraient étroitement, et on les qualifia au bout d'une semaine d '« inséparables». Heureusement Margot le prenait plutôt bien, même si quelques silences éloquents troublèrent légèrement le quotidien des six étudiants, mais Alexia restait beaucoup avec elle , et un bon équilibre avait fini par se mettre en place.
Tous attendaient la soirée de Mikaël avec une vive impatience, et passèrent leur temps libre à en régler les moindres détails.
Les cours de Monsieur Lopezis se déroulaient toujours avec autant de rigueur, et le professeur dardait sur elle un regard glacé qui la força à renoncer à toute provocation.
Elle progressait malgré tout de façon fulgurante, et maîtrisait déjà quelques bases. Pourtant, elle décida de garder ces cours secrets à sa famille, dans l'espoir de surprendre des informations plus tard, quand elle maîtriserai bien la langue. Celle ci ne se gênait plus pour échanger en espagnol, ce qui confirmait à Heloise qu'on lui cachait bien des choses.
Finalement, sa vie en France ne lui manquait pas vraiment. Sa tante ne l'emballait plus, elle ne devait plus supporter les condoléances dégoulinantes d'hypocrisie ni la solitude pesante. S'installer ici avait été pour elle un nouveau départ, et elle ne regrettait plus temps que ça. Seul le souvenir de sa mère venait obscurcir ses journées et hanter ses nuits, mais petit à petit, elle faisait son deuil.
Et mieux que tout, elle lui échappait, à lui. Jamais il ne la trouvera. Elle était sauvé, en sécurité. Pour l'instant.
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Son nez droit se retroussa de quelques millimètres en signe d'hésitation.
- Mmm... non... je n'ai pas envie...
- Laisse tomber Hélo, on ne te laisse pas le choix! Ce soir, c'est mascara, rouge à lèvre et blush obligatoire!
Alexia approuva à grandes exclamations avant de plisser les yeux.
- D'ailleurs je vais le faire. Margot, assois là moi sur la chaise noire s'teuplait.
- Non, vraiment, je n'ai pas envie de...
Mais Heloise fut incapable de prononcer la fin de sa phrase qu'un cris d'indignation mêlé de rire lui échappa. Margot la saisit à bras le corps pour la plaquer de force sur la chaise de cuire, avant de faire mine de l'attacher avec un foulard.
- Rends toi Heloise! Tu es cernée!
A gauche Alexia, a droite Margot, derrière le dossier, devant le miroir. La jeune femme dut bien admettre qu'il n'y avait plus d'espoir et lança un soupir théâtral.
- Bon, vous avez gagné. Mais je te préviens Alexia, si tu te loupes, je te tue.
Un sourire victorieux naquit sur les lèvres de son amie, qui empoigna le tube de rouge à lèvre à côté d'elle et s'écria;
- A nous deux ma belle!
En a peine un quart d'heure, Alexia boucla le maquillage. Les trois filles étaient prêtes, mais aucune ne s'était admirée dans une glace.
- Vous êtes prête?
Les deux autres hochèrent nerveusement la tête. D'un geste très cérémonieux, Heloise ôta le drap du gigantesque miroir.
Elle se détaillèrent alors sous toutes les coutures dans le silence général. Chacune resplendissait, dans leur robe et leur coiffure élégantes, mais Heloise rayonnait littéralement.
Elle qui n'avait pas du tout l'habitude de se mettre autant en avant changeait complètement de registre. La robe bleue nuit ressèment acquise lui allait à merveille, ses escarpins la grandissaient d'avantage, et le maquillage assez poussé relevait ses yeux noisettes, ses lèvres pulpeuses, ses sourcils bien dessinés ainsi que ses joues pleines. Ses boucles blondes se mariaient à la perfection avec la couleur de la robe et retombaient en cascade le long de son dos.
- Ça ne va pas. Trancha t elle d'un ton catégorique. Je n'aime pas du tout.
- Mais n'importe quoi! T'es tout simplement sublime!
- Ma robe est beaucoup trop courte, beaucoup trop décolletée, beaucoup trop moulante et...
Alexia posa une main sur son bras, et les regards dans les yeux.
- Calme toi Heloise. Ta robe t'arrive entre les genoux et les mis-cuisse, donc non elle n'est pas trop courte. Le décolleté s'arrête avant la naissance de tes seins, donc non ce n'est pas indécent. Enfin elle ne moule que ta taille, et s'évapore ensuite, donc pas de soucis là dessus. Juste une conseille; profites que diable! Tu as dix-neuf ans!
Elle l'étreignit brièvement et s'élança dans l'escalier pour rejoindre les garçons qui les attendaient en bas. Margot lui fit un clin d'œil et lui emboîta le pas, la laissant seule.
Le petit discours de son amie la rassurait, peut être n'était ce pas trop. Pour se donner une contenance, elle enfila une petite veste de cuir avant de s'aventurer à son tour dans la cage d'escalier, morte d'angoisse à l'idée d'affronter le regard des deux garçons.
A peine l'aperçurent ils qu'ils ouvrirent grand la bouche. Mais Margot leur flanqua a tout deux un violent coup de coude dans la cage thoracique et il la ferma aussitôt. Terriblement gênée, Heloise se prit de passion pour ses escarpins.
- C'est... wahoo... Jason échoua lamentablement dans sa volonté de la complimenter.
- Cendrillon se rend au bal! Siffla Brandon, un peu plus doué en la matière.
Elle se força à leur adresser un petit sourire, gênée de tant d'attention.
- Bon, je propose d'y aller, il se fait tard!
Déclara Alexia en tapant dans ses mains.
Heloise s'accrochait tant bien que mal à tout ce qui lui passait sous la main pour ne pas vaciller sur ses talons, espérant que sa maîtrise de la marche allait s'améliorer au fil des heures.
Ils s'installèrent tous les cinq dans la voiture de Brandon, direction la maison de Mikaël. Sans difficulté, ils repèrent l'immense bâtisse donnant sur un petite rue déserte, aidés par la foule d'étudiants qui s'y pressait.
- Il y a tant de monde que ça? Interrogea jeune fille qui commençait à paniquer.
- T'inquiète, on est là nous. La rassura son amie.
Plusieurs spots lumineux agressèrent la jeune femme des qu'elle posa le pied dans la maison.
Beaucoup trop d'étudiants se pressaient dans la grande pièce à vivre et se balançaient au rythme effréné qu'imposait une musique à la mode. L'alcool ne les abrutissait pas encore, mais Héloïse se fit la réflexion que ça n'allait pas tarder.
- Il faut trouver Mikaël! Hurla Alexia.
Les quatre autres hochèrent la tête, et ils fendirent la mère de jeunes pour tenter d'apercevoir leur ami.
Heloise commençait à regretter amèrement le choix de sa tenue; il n'était que 22h et certains garçons la regardait déjà comme un bout de viande alléchant. Elle repoussa toutes les mains baladeuses et talonnait Margot, de peur de la perdre dans la foule. Ils finirent par trouver leur ami, accoudé au buffet pleins à craquer en train de faire la conversation a une jolie fille qu'Heloise n'avait jamais vu.
- Joyeux anniversaire mon pote! Lui lança Jason en souriant de toutes ses dents.
- La fête est géniale, même si tu n'es pas habillé en rose... plaisanta Margot en lui tendant une petite boite bien emballée.
- De notre part à tous. Déclara Brandon.
Mikaël déchira le papier cadeau, le sourire remonté jusqu'aux oreilles. Il découvrit l'objet, et fendit en premier sur Alexia.
- C'est tout simplement... wahoo... merci à vous tous, je n'aurai pas rêver mieux comme cadeau, et comme amis.
Heloïse reçut le câlin du siècle, et serait tombée à la renverse si Mikaël ne l'avait pas retenue.
- Heloise, tu es très belle ce soir. L'œil du garçon ne pétillait plus de malice. Fait attention, beaucoup ici ne sont pas comme nous...
Suite à ce mystérieux avertissement, ils remercia une dernière fois la petite bande avant de monter mettre la tablette à l'abris dans sa chambre.
- Les fiiilles!! J'A-DORE cette chanson! Rugit Alexia pour se faire entendre par dessus la musique.
Elle empoignât chacune de ses amies et les traîna en direction de la piste de danse.
Heloise usait de toute sa concentration pour ne pas s'étaler par terre, et regretta amèrement le choix des escarpins. Beaucoup trop d'étudiants se pressaient dans le salon sous la boule à facette, et cette coagulation de jeunes adultes qui riaient et s'embrassaient en toute impunité ne la rassurait pas vraiment.
- C'est parti les filles!
Tant bien que mal, Héloïse bougea en cadence, suivant l'exemple de Margot et d'Alexia qui assuraient en la matière. Finalement, elles passèrent un bon moment à danser comme des folles, tourbillonnant et effectuant des mouvements sur le rythme endiablé.
Héloïse, emportée par le jeu, passa une main dans sa chevelure blonde en fermant à moitié les yeux, ondulant langoureusement sur la nouvelle chanson qui était l'une de ses préférées. Ses boucles blondes suivaient son balancement incertain, sa bouche écarlate s'entrouvraient légèrement, ses longs cils noirs effleuraient le haut de sa joues tandis que ses pommettes saillantes rougissaient d'une façon charmante. A cette instant précis, elle ressentait la musique au plus profond d'elle même, et s'enferma dans cette délicieuse sensation qu'est l'oublie. Sa mère et tous ses problèmes disparurent d'un seul coup, comme balayé par un vent de bonheur.
Elle rouvrit les yeux. Héloïse s'aperçut avec horreur que plusieurs garçons la fixaient de manière malsaine, un éclaire de convoitise au fond de leur regard, ainsi que cette lueur prédatrice que toute jeune femme doit apprendre à éviter.
Instantanément, son corps se figea.
- Je n'ai plus envie de danser. Je vais me prendre un verre.
Elle les quitta brusquement et se dirigea à grands pas vers le buffet. Elle remit une de ses boucles à sa place avec rage, en cherchant un de ses amis des yeux. Elle détestait déjà la soirée, pourtant Mikaël l'avait prévenu; tous ces étudiants sont loin d'être des enfants de cœur.
- Tu es Heloise c'est ça?
La jeune femme se tourna vivement pour voir qui lui adressait la parole. Un jeune homme d'une vingtaine d'année lui souriait, très chic dans son costume.
- Pardon, je manque à tous mes devoirs. Mon nom est Jackson, je suis dans la même fac que toi.
L'étudiant s'exprimait dans un anglais impeccable, ce qui arrangeait les choses pour Héloïse qui se voyait mal entamer une conversation en espagnol. Il était très élégant, ses cheveux châtains coiffés avec du gel et un sourire chaleureux plaqué sur le visage. Bien bâtie et à l'air sympathique, Héloïse se dit que ça soirée n'était peut être pas complètement perdue.
- Enchantée, je suis Héloïse en effet, une nouvelle dans le coin.
- Crois moi que si nous nous étions déjà rencontrés, je n'aurai pas oublié une personnes aussi belle.
« Charmeur », pensa t elle avec amusement.
- Pourquoi es tu venue dans la ville la plus dangereuse du monde, toi qui viens de Paris, la ville des lumieres? Reprit t il avec un sourire éblouissant.
- Raisons personnelles.
Elle passa un très agréable moment en compagnie de ce jeune homme, et les minutes défilaient à toute allure. Ils débattirent sur la pizzas italienne et parlèrent de leur rêve. Héloïse le trouvait charmant, il la complimentait sans cesse et lançait d'éblouissant sourires.
- Il fait trop chaud... s'interrompit il au bout d'un certain temps. Tu ne veux pas qu'on aille dehors?
- Oui si tu veux.
Héloïse prévint Alexia qu'elle sortait d'un petit signe de la main. Celle ci était en grande discussion avec Margot et un garçon qu'elle ne connaissait pas, et lui répondit brièvement avec un sourire.
Ils quittèrent l'agitation de la maison pour la fraîcheur nocturne. Des couples étroitement enlacés s'embrassaient passionnément, et Héloïse détournait toujours les yeux, gênée.
Ils se mirent dans la rue, adossés au mur de la maison en face d'un bar encore ouvert. La jeune femme frissonnait, elle n'avait pas pris de veste
Sans un mot, Jackson ôta la sienne et la posa délicatement sur ses épaules.
- Tu es vraiment magnifique Héloïse.
Étrangement, il ne se détachait pas d'elle, et ses deux mains l'agrippaient fermement. Il fixait sans ciller sa longue chevelure blonde, et soudain saisit l'une de ses boucles soyeuses pour l'entortiller autour de son doigt.
- Jackson... Qu'est ce que tu fais?
Le comportement du jeune homme avait changé et Héloïse commençait à s'inquiéter de son attitude.
- Un ange... il avait parlé à voix basse, à l'oreille de le jeune femme, et réussit à la faire frissonner. Tu es un ange Héloïse.
Doucement, il caressa sa joue, faisant glisser son pouce sur l'angle si doux de sa mâchoire. Et s'en crier gare, il l'embrassa.
Ce baisé, elle ne l'avait pas vu venir. Qui aurait décelé en ce charmant jeune homme un prédateur redoutable? Il le rendit brutal, presque animal.
Le contact de ses lèvres sur les siennes fut pour Heloise un électrochoc. Elle se réveilla de sa torpeur et prit conscience de la réalité. Aussitôt, elle tenta de se dégager, de le repousser, mais peine perdue son corps musclé l'écrasait contre le mur, et elle n'avait aucun échappatoire.
Il voulut forcer le barrage de ses dents mais elle résistait avec acharnement, luttant vainement pour qu'il la relâche. Cette rébellion ne lui plut pas, et il empoigna sa taille avec autorité.
Surprise, Heloise entrouvrit la bouche, mais ce fut suffisant pour qu'il y introduise sa langue. Tout le cerveau de la jeune femme paniquait, complètement perdu et terrifié. Avec désespoir, elle lui mordit violemment la langue.
Aussitôt, il relâcha sa prise avec un épouvantable juron.
- Salope! Siffla t il avec une voix basse qu'elle ne lui connaissait pas.
Sans un mot de plus, il l'enveloppa de ses deux bras puissants et entreprit de lui donner un deuxième baisé, plus autoritaire que le précédent.
Heloise gémit et tenta de se débattre à nouveau, peine perdue.
Mais soudain, elle fut libérée, et elle vit son oppresseur valser un mètre plus loin. Héloïse, la bouche en sang, s'accrocha au mur de toutes ses forces pour ne pas tomber à la renverse. Elle vit une silhouette sombre fondre sur Jackson et le rouet de coups et déverser un flot de paroles en espagnoles.
- Tu ne t'approches plus d'elle, salop! T'as bien compris? Tu sais qui je suis?
Il empoigna l'étudiant par le col afin qu'il puisse le contempler à loisir. Tu sais qui je suis pauvre petit débile? Regarde moi bien!
En effet, lorsque Jackson, fou de rage, leva les yeux sur l'inconnu, il pâlit fortement et bredouilla des excuses qui n'avaient ni queue ni tête.
- Ta geule, je me fiche de tes excuses de merde. Simplement, tu la regardes encore une fois et je te jure que je te tues. C'est clair?
- Ou...oui... Le jeune homme n'en menait pas large.
- Allez dégage. Il le poussa violemment sur le trottoir. Dégage j'ai dit!
Une fois Jackson disparut, la silhouette se tourna lentement vers Heloise.
- Jack! S'exclama t elle alors.
Mais lorsque la jeune femme croisa son regard, elle eut peur, car elle y distingua une flemme qu'elle n'aurait jamais cru voir briller dans les yeux de quiconque; une flemme meurtrière.
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