1- Adieux Maman
La jeune femme rangea ses mots croisés et décida que, tout compte fait, observer le ciel en réfléchissant à sa vie restait son activité favorite. Elle reporta donc son regard noisette sur le paysage qui se déroulait au dessous d'elle, collant son nez fin à la vitre.
À nouveau, un terrible soupir lui échappa. 5 mois. Cela faisait exactement cinq mois qu'Heloise était seule, sans personne pour la chérir, pour veiller sur elle. La mort de sa mère avait été comme un coup de massue, un coup dont elle avait mis longtemps à s'en remettre. D'abord, le chagrin avait été tel que rien ne pouvait l'en arracher, ni les supplications de sa tante pour qu'elle reprenne les cours, ni les jérémiades de Sébastien, ni les conseils de son généraliste. Elle s'était murée dans un silence profond et solitaire. Même sa meilleure amie n'avait pas été en mesure de la réconforter.
Ensuite, il avait fallut subir toute cette mascarade, ce défilé de condoléance, de sourires faux qu'elle avait dû distribuer à tout venant sans jamais se départir d'un calme qui n'était qu'illusoire.
Et enfin, cette étape, la pire de toute, la solitude. Plusieurs mois après le drame, plus personne n'y pensait, il s'agissait là d'une affaire classée; sa mère était morte, on l'avait enterrée, point. Elle s'était donc retrouvée face à elle-même, ou plutôt face au malheur, comme une réalité qui vous rattrape, quoiqu'il se passe. Et ce fut là ou elle souffrit véritablement. Les larmes, les proches qui vous tendent des mouchoirs, les cours ratés, les regards de pitié, tout cela n'était rien comparé à cette épreuve. Seule. Elle avait été entièrement seule. Et cela, plus jamais elle ne voulait le vivre. Pour rien au monde elle ne souffrirai une seconde fois ce qui fut les pires moments de sa vie.
"Mesdames, messieurs, votre avion air France arrive à l'aéroport de Mexico dans une dizaine de minutes. Nous vous prions d'attacher vos ceintures et de rester à vos places."
L'annonce tant redoutée tira Heloise de sa réflexion. La jeune femme ne voulait pas de cette vie, pourtant tous l'avaient presque forcée à se rendre là-bas, chez son père.
"C'est le plus proche parent qu'il vous reste" avait argumenté le juge. "Il prendra soin de toi, Heloise" lui avait promis la directrice de son lycée. "Et puis, ça te permettra de renouer contact avec lui" assurait une tante qui ne voulait surtout pas la prendre à sa charge.
"Mon père". Un sourire amer se dessina sur ses lèvres. Cet homme qui les avait abandonnées, elle et sa mère, qui avait tout plaqué pour cette femme. Heloise ne l'avait jamais vue, pourtant une vague de haine s'était déjà installée auprès de ce visage encore inconnu.
Lorsque les démarches avaient été entreprises pour lui permettre de rejoindre son père à Mexico, il s'était montré contre toute attente ravi d'accueillir sa "fille chérie". Mais qu'il ne se fasse aucune illusion, elle ne lui pardonnerai rien. Du moins, pas comme ça.
Une délicieuse sensation remonta le long de son échine; elle adorait par dessus tout les décollages et les atterrissages. L'adrénaline, l'impression de tomber, puis au dernier moment se redresser pour se stabiliser sur la piste, voilà qui la grisait tant. Ce goût du risque.
Elle défit tranquillement sa ceinture, se saisit de son sac à main ainsi que de sa petite valise cabine, et suivit le mouvement de foule.
Dès qu'elle fut dehors, la chaleur de l'endroit la paralysa. Ce n'était pas tellement désagréable, mais différent, tellement différent de sa France chérie!
- Adieu douceur de mon pays natal! Chuchota t elle tout en se secouant mentalement pour avancer; la jeune femme bloquait le passage et les gens derrière commençaient à s'impatienter.
Alors qu'elle s'avançait parmi toute cette foule compacte et étrangère, un vent chaud lui soufflait au visage, alors que la poussière du sol la faisait s'étouffer. "Bienvenu à Mexico" pensa t elle ironiquement.
En rentrant dans le gigantesque bâtiment, elle se sentait minuscule, insignifiante face à cette marée d'étrangers qui bourdonnait sans arrêt, pareils à des abeilles qui effectuent d'incessants va et viens.
Comment parviendrait t elle a se faire une place parmi ces hommes et ces femmes dont la langue même différait? Comment réussira t elle a se sentir à l'aise au milieu d'un pays qui était au bout du monde de tout ce qu'elle avait toujours connu?
Heloise commençait à désespérer de trouver le parking un jour lorsque soudain elle aperçu le petit panneau fléché. Tirant sa lourde valise d'une main et tâchant de se frayer un passage dans la masse compacte de l'autre, elle réussit tant bien que mal à se poster à l'endroit convenu.
Rapidement, la jeune femme constata que personne ne l'attendait. Voilà qui commençait bien...
Si Heloise tentait de faire de l'ironie en elle même, elle n'en menait pas large. La dernière entrevue avec son père remontait dix années auparavant. Elle était alors âgée de 9 ans. Depuis, il l'appelait pour son anniversaire, mais cela se bornait à cette mondanité qui pour elle ne valait rien. Elle ne savait rien de lui, il était un étranger dont elle appréhendait la rencontre.
- Heloise! Heloise! À l'appel de son nom, la jeune femme tourna la tête. Un homme, grand, les cheveux grisonnant soigneusement domptés par du gel, à l'air dynamique quoique doté d'un certain âge courait vers elle. Il soufflait difficilement et agitait sa grande main, un sourire plaqué sur les lèvres. Heloise n'eut pas le temps de comprendre de qui il s'agissait, que déjà deux bras puissants l'étreignaient avec force.
- Heloise... Tu m'as manqué ma fille. Sa voix semblait chargé d'émotions, pourtant la jeune femme n'en ressentait aucune. Pourquoi devrait elle être heureuse de revoir un étranger? Il la décolla de lui en la tenant pas les deux bras pour avoir tout le loisir de la contempler.
- Que tu as grandi... Tu es si belle ma chérie!
Et il disait vrai. Il avait encore le souvenir d'une fillette à tresses longues et à la bouche rieuse. Mais s'était maintenant une très belle jeune femme qui se tenait devant lui. Ses cheveux avait conservé la même couleur angélique, l'éclat malicieux qui se reflétait autrefois dans dans ses iris noisettes avait laissé place à un voile plus sombre, comme si elle murait désormais ses émotions au le plus profond de son âme. Ses courbes s'étaient développées, elle ne portait plus d'appareil et ses petites dents de lapins s'alignaient désormais dans un axe parfait, scintillantes et blanches. Ses traits fins lui dessinaient un beau visage qu'encadraient une cascade de boucles d'or, et la taille ne gâtait rien à ce portrait. Sans pour autant être démesurée, elle lui faisait une certaine prestance et lui aurait permis, si elle l'avait souhaité, de devenir mannequin.
Vraiment, Antoine était bien aise d'avoir une fille aussi jolie.
Très mal à l'aise durant cet examen silencieux, elle sourit d'un air contrit et tacha de faire bonne figure.
- Bonjour Antoine ... Murmura t elle doucement.
Ce dernier ne dit rien. Il comprenait qu'elle ne veuille pas tout de suite l'appeler par son titre de père.
- Allons ma chérie, ne restons pas la, j'ai garé la voiture par ici.
La jeune fille hocha la tête et suivie son père à travers le champs d'automobiles.
Ils atteignirent bientôt une spacieuse "Berline" noire aux vitres teintées. Heloise prit place au devant du véhicule, dont son père tenait cérémonieusement la porte en lançant un "princesse" à son passage.
Une seconde fois, elle remarqua que le sol n'était que de la terre battue et de la poussière.
- Tu verras, tu t'y habitueras... Lui dit gentiment son père en démarrant la voiture. On s'habitue à tout.
Un étrange malaise s'installa dans la voiture suite à cette étrange déclaration. Heloise fixait en silence la route sablonneuse qui se déroulait chaque seconde un peu plus devant elle, observant les grands immeubles qui se dressaient à l'horizon, lançant deviner une vague forme citadine.
- Alors comme ça ma fille rentre en première année de fac. Dans le droit international il me semble?
Il tentait d'engager la conversation, Heloise le comprit tout de suite. Mais elle consentît à se montrer coopérative, il fallait bien commencer par quelque part.
- Oui, à la Weestfool de Mexico. Je suis le cursus international, c'est à dire que tous mes cours seront en anglais, cela m'évitera de les suivre en espagnole où je n'y connais absolument rien.
Son père lâcha un long "Ha!", et le silence s'installa à nouveau.
Les cours commençaient deux jours plus tard. C'est parfait, elle aurait tout juste le temps de se balader un peu et faire plus ample connaissance avec son père et sa belle mère.
- D'ailleurs, commença t il, j'espère que tu t'entendras bien avec Jack et Gabriel. Jack est un peu... Disons brusque, mais Gabriel est très gentil. Je suis persuadé que ça se passera très bien.
Une seconde.
- Jack et Gabriel? Qui sont Jack et Gabriel?
Les sourcils d'Antoine s'arquèrent d'un mouvement surpris.
- Et bien... Tes demis frères.
Comment ça? Des demis frères? La jeune femme commença à paniquer. Personne ne lui avait parlé d'éventuels demis frère! Elle espérait qu'ils avaient entre 3 et 9 ans. Les petits, c'était son truc! En revanche, elle était furieuse contre son père qui ne lui avait rien dit. Comme si elle voulait supporter une bande de gamins, des garçons de surcroît. Et puis elle avait des demis frères nom de dieu! Ils étaient de sa famille! Cela lui fit un drôle de choc.
- Je suis désolé ma chérie! S'excusa t il d'un ton contrit. J'ai complètement oublié de mentionner les deux enfants de Katherine. Ils ont ton âge, enfin un peu plus. 21 pour Jack et 20 pour Gabriel. Je suis persuadé que tu t'entendras à merveille avec eux.
À merveille, elle l'espérait. Heloise soupira de soulagement, ce n'était pas ses vrais demis frères. Pourtant elle n'était pas particulièrement ravie de devoir cohabiter avec deux garçons de son âge.
- Ce n'est pas grave. Mentit elle. On s'habitue à tout....
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Cela faisait vingt bonnes minutes qu'ils avaient pénétrés dans l'enceinte de Mexico. La circulation était fluide, et peu de gens se promenaient dans les rues. Seulement, Heloise fut surprise par la pauvreté de la ville. Aucun trottoir, seulement des parties délimitées à la craies, des maisons de chaumes et des immeubles délabrés, beaucoup de mendiants et peu de riches passants.
- Ce n'est pas très gai de t'en parler à peine arrivée, mais c'est très important.
La jeune femme tourna la tête vers son père pour lui signifier qu'il avait toute son attention. Elle était curieuse de connaître l'objet de cette recommandation.
- Je pense que tu le sais, Mexico n'est disons pas une ville très... Fréquentable. Pour ne pas dire dangereuse. Il se risqua à dévier son regard de la route pour le poser un instant sur sa fille. Je te demande donc la plus grande prudence.
Heloise hocha la tête. Tout ce qu'il venait de lui dire, elle le savait déjà. Seulement, la gravité de ses paroles ne la rassurait pas , bien au contraire. "Charmant" pensa t elle. Ils finirent pas s'arrêter devant une belle maison à terrasse qui se démarquait de ses consœurs par sa propreté et sa richesse typiquement européenne. Des géraniums étaient suspendus aux fenêtres.
- Bienvenue à la maison, Heloise.
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