Chapitre 42 : Sombre allée
- La métamorphose humaine est un art extrêmement compliqué, que je ne vous demanderai pas de connaître pour vos ASPICs. Bien évidemment, je souhaite quand même vous en montrer une partie, certains d'entre vous y seront confrontés dans leur vie professionnelle. Pour commencer, quels sont les métamorphoses humaines que vous connaissez déjà ?
Plusieurs mains se levèrent, et Harry croisa le regard malicieux de Pansy. Il espérait juste que leur projet de devenir des Animagi ne soit pas découvert par Mac Gonagall avant qu'ils ne l'aient mené au bout. Sa propre main était levée également, et il fut interrogé.
- Viktor Krum avait métamorphosé son buste en un buste de requin, lors de la 2e épreuve du tournoi des 3 sorciers.
- Très bon exemple Potter. Cette métamorphose incomplète vous montre bien que c'est une discipline très complexe que même des élèves brillants plus vieux que vous aujourd'hui n'arrivent pas toujours à réussir complètement. Oui Miss Parkinson ?
- Les Animagi ?
- Très bien aussi, en effet. Oui, Miss Granger, vous avez une question ?
- Le processus de transformation est-il douloureux ?
- Oui, mais pourquoi me demandez-vous cela ?
- C'est juste que ... Dans tous les livres de la bibliothèque les illustrations représentent des sorciers dans d'atroces souffrances et ...
- Pour votre information, Miss Granger et tous les autres, devenir un Animagus, c'est forcer notre corps à accepter de changer en un laps de temps très court en un autre corps fonctionnel et complètement différent. Même si la magie aide beaucoup pour cette transformation, cela reste quelque chose de contre-nature, qui a donc la douleur comme répercussion physique.
- Professeur ? Comment le ministère peut-il contrôler les Animagi ?
- Eh bien, un Animagus, dès le début de ses démarches pour la transformation normalement, va prévenir le ministère. Il est alors enregistré et surveillé, car c'est une magie très dangereuse. Et une fois qu'il a réussi à se transformer une première fois, il doit aller informer le ministère de tous les détails concernant sa forme animale. Il y a alors un registre officiel et une façon de les retracer qui sont mis en place. Malheureusement, certains sont non-déclarés, comme nous avons eu dans l'école quelques temps plus tôt.
Ses yeux se posèrent sur Harry qui se sentit analysé des pieds à la tête. Ses joues commencèrent à chauffer et c'est avec soulagement qu'il entendit Dean poser une autre question.
- Que risquent des Animagi non-déclarés ?
- Vous me paraissez tous très intéressés par ce sujet, c'est rare ... Avant Azkaban était la destination principale, mais depuis quelques mois, les méthodes sont remises en question, et la peine pour des Animagi non-déclarés n'est plus définie par avance. Je vois bien que vous avez d'autres questions, Miss Abbot, mais nous n'avons plus le temps. N'oubliez pas mon devoir sur les métamorphoses partielles !
Toute la classe commença à ranger ses affaires et à se diriger vers la porte, mais le regard sévère de Mac Gonagall les arrêta net.
- Je ne sais pas ce que vous manigancez avec ces sourires coupables, mais je vous préviens d'abandonner tout espoir de devenir des Animagi, vous perdriez du temps. Bonne journée.
Elle pinça ses lèvres et essaya de sonder tous ses élèves un par un, voulant déceler le secret qui les liait. Harry baissa les yeux en passant devant elle presque instinctivement. Toutefois, elle ne fit aucune remarque et se contenta de refermer la porte de sa salle derrière eux, et le Gryffondor se dépêcha de rejoindre les autres pour aller manger. Les conversations allaient de bon train, et même avec la meilleure volonté du monde, Harry n'arrivait pas à ne pas y participer. Que le sujet porte sur les Animagi ou sur ce qu'Ernie allait leur faire faire dans l'après-midi. Ils attiraient immanquablement les regards des autres élèves avec leurs tenues un peu étranges et le bruit qu'ils faisaient en passant dans les couloirs. Une fois le repas avalé et les assiettes vidées, Ernie partit devant, droit et fier, toujours aussi souriant que la veille. À la grande surprise d'Harry il les emmena hors du château et se dirigea vers la cabane d'Hagrid. Le demi-géant était assis devant sa porte avec Crockdur à ses pieds, et fit des grands gestes de la main aux 8es années qui approchaient. Le poing d'Harry se contracta quand il entendit Pansy se plaindre de la présence du professeur, mais il se détendit aussitôt à la réponse de Drago qui demandait à son ancienne camarade de maison d'arrêter. Ernie et Hagrid se saluèrent comme de vieux amis, ce qui étonna profondément le trio d'or. Aucun des trois n'avait la moindre idée sur comment ils avaient pu se rapprocher.
- Ernie ! Tu vas bien aujourd'hui ? Ils sont en forme, et en plus le ciel est clair, c'est parfait !
Ernie leur donna à chacun un paquet en tissu et Harry eut le malheur d'ouvrir le sien. Un fumet de décomposition s'en échappa et il faillit lâcher la toile brune lorsque l'odeur atteignit ses narines. Il retint un haut le cœur et resserra sa prise sur le sac, n'osant même pas regarder ce qu'il y avait du temps. À voir les airs des autres, il n'était pas le seul à avoir expérimenté ce qu'ils contenaient, et il n'était pas pressé de devoir en utiliser le contenu. Hagrid et Ernie les guidèrent jusqu'à la forêt et ils pénétrèrent sous le couvert des arbres.
Dès la limite de la forêt franchie, le silence se fit dans les 8es années. L'ambiance feutrée et sombre que les arbres procuraient était si intimidante que les jeunes sorciers retenaient presque leurs respirations pour ne pas briser ce calme, et seuls Hagrid et Ernie semblaient tout à fait à l'aise. Harry fut pris d'un tournis en se remémorant que sa dernière venue ici remontait à la bataille de Poudlard, et il ne put s'empêcher de regarder Drago, qui était la raison de sa survie. Était-il au courant que sa mère avait menti au seigneur des ténèbres pour lui ? Le brun en doutait, et détourna ses yeux en rougissant avant que le blond ne remarque quelque chose.
Ils s'arrêtèrent après une bonne dizaine de minutes de marche dans une petite clairière où les rayons du soleil arrivaient difficilement. Chacun dût vider son sac au milieu de la clairière, et ce sont des cris de dégoût et de stupeur qui accompagnèrent la découverte du tas de viande qu'ils venaient de former. Ernie commença alors à expliquer son projet.
- Comme vous le savez déjà tous, nous avons tous à former un projet pour la cohésion de la maison Dumbledore, dit-il solennellement. Et vous le savez sûrement aussi, que nous avons tous côtoyé la mort cette dernière année, ce qui nous donne un point commun : nous sommes désormais tous capables de voir les sombrals. Ces créatures dociles et naturellement gentilles tirent depuis toujours les calèches entre Poudlard et la gare du Poudlard Express, et pourtant si peu les voient. Harry et Neville ici présent les voyaient depuis longtemps déjà, et je sais que Hermione et Ron les ont accompagné à dos de Sombral au ministère. Les souvenirs qu'ils doivent en avoir ne sont sûrement pas les meilleurs, mais croyez-moi, vous vous souviendrez de cet après-midi. Nous allons nous occuper de ces équidés, puis nous partirons en balade dans les environs. La viande que nous avons apporté ici va permettre de les attirer, et alors nous pourrons commencer.
Un silence absolu suivit le discours d'Ernie. Même s'il était bien moins formel qu'avant, il l'était toujours énormément, ce qui arracha un sourire à Harry. Il trouvait l'idée des sombrals assez bonne, même s'il était plutôt réservé quant à la promenade. Sa dernière expérience ne lui rappelait que trop douloureusement leur échec cuisant au ministère, et surtout, il revoyait en boucle la chute de son parrain à travers l'arche. Il se mordit la lèvre en voyant le premier Sombral arriver, refoulant une vague de souvenirs qui déferlaient. Hermione prit sa main et la serra pour lui assurer son soutien, et même si Harry s'évertuait à tous les éviter depuis le bal, il s'en sentait reconnaissant. Un à un, les chevaux squelettiques se regroupèrent autour du tas de viande, et bientôt il y en avait assez pour chacun. Avec l'aide du professeur de soin aux créatures magiques, Ernie expliqua comment gagner la confiance et l'amitié de ces équidés, et bientôt la clairière était remplie d'élèves qui approchaient tête baissée avec de la viande dans les mains et de Sombrals qui regardaient avec attention cette nourriture alléchante.
Harry se retrouva très vite au niveau de l'encolure du sien, et se mit à la frotter, comme l'avait montré Hagrid, en petits ronds. Bientôt l'animal baissa la tête et se tordit comme pour inciter le brun à continuer, ce qu'il fit. Quelques minutes plus tard, Hagrid le porta par la taille avec la même facilité que lorsqu'il avait 11 ans et le déposa sur le dos du Sombral. Ernie paraissait très à l'aise sur le sien, et Harry le suspectait de s'être entraîné les jours où il avait disparu.
En trois foulées de galop, le Sombral décolla et déploya ses grandes ailes noires. Il fallut quelques instants à Harry pour se détendre et profiter de l'instant présent, et il finit par épouser les mouvements de sa monture avec facilité et même à apprécier le moment. Ils volaient tous les onze au dessus de Poudlard et du parc, et ils saluèrent des élèves agglutinés aux fenêtres. La sensation était totalement grisante. Se tenant uniquement avec la force de ses jambes, le Gryffondor ouvrit ses bras en croix et inspira un grand coup, se sentant incroyablement libre. Ils survolèrent le lac et tout le troupeau descendit à la surface de l'eau comme un seul homme, leurs ailes frôlant la surface de l'eau. Ils remontèrent ensuite en flèche et retournèrent au-dessus des tours, où de plus en plus d'élèves s'étaient arrêtés pour les regarder. À côté de lui, Seamus laissa sortir un cri de joie, que l'élu partagea. C'était un sentiment fabuleux d'être là, dans l'air, libre et loin de la terre et des problèmes, à sentir la puissance des muscles s'activant sous lui. Le mouvement du Sombral donnait l'impression qu'il galopait sur l'air, avec une légèreté et une agilité extraordinaires. La sensation n'avait rien à voir avec celle de voler sur un balai. Ici, il faisait confiance à un être vivant, il se laissait complètement emporter, sans aucune résistance, par une créature qui pensait et ressentait comme lui. Et il y avait quelque chose de magique dans cette union. Deux cœurs qui battaient à l'unisson, deux regards qui se fixaient sur l'horizon, deux concentrés de puissance qui avançaient ensemble. Hagrid leur fit des signes de la main depuis sa maison, où il avait eu le temps de revenir, et Harry vit avec surprise que Mac Gonagall était sortie et les regardait depuis l'entrée du château, un groupe d'élèves l'entourant. Alors que les Sombrals descendirent en cloche vers le sol, la masse des élèves cria de ravissement, et leur cri s'intensifia quand les créatures ailées remontèrent d'un coup, en flèche, comme si elles se donnaient en spectacle.
Harry ne put s'empêcher d'être déçu quand les sabots de sa monture rencontrèrent à nouveau le sol, et que le mouvement ralentit. Ils s'arrêtèrent devant la maison d'Hagrid, et tous affichaient un air béat en descendant des grands chevaux noirs. Le brun grimaça en sentant ses adducteurs qui avaient bien plus travaillé que d'habitude pendant cette balade, mais fit abstraction de la douleur. Il remercia son Sombral en lui donnant un autre bout de viande, et à nouveau lui frotta l'encolure par des petits cercles, riant quand l'animal vint frotter sa tête contre son torse.
Il retourna vers le château à reculons, ne voulant pas que la magie de ce moment se termine. Tout le monde remercia Ernie si chaleureusement qu'il n'y avait plus aucun doute dessus : ils allaient réellement se souvenir de cet après-midi toute leur vie.
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