Prologue
J'avais douze ans lorsque ma famille et moi avons quittés la France, mais je me souviens de tout comme si c'était hier, notamment la richesse culturelle des rues parisiennes. J'aime les sols pavés, c'est un véritable témoignage historique. Lorsque le souvenir du sud de la France et des sites archéologiques que j'ai pu y visiter me revient, la même sensation qui me saisissait à chaque fois se manifeste à nouveau : une réelle excitation et la forte impression laissée par l'idée de se dire que le sol que l'on foule était un chemin quotidiennement emprunté par des milliers de romains, des décennies auparavant. C'est dans ces moment là que l'on se sent infiniment petit face à l'histoire, face au passé. Notre passé me semble être une telle immensité, peut être parce que le temps qui s'est écoulé depuis la création de la terre me donne l'impression que ma vie ne représente qu'une fraction de seconde, un bref instant au regard de ces millards d'années.
Nous sommes partis après la mort de Teddy, le cadet de la famille. Il n'avait que six ans et demi lorsque le drame est survenu. Il était parti une semaine en classe de neige et était tout excité à l'idée de découvrir la montagne avec ses amis. Dans un virage, le bus n'a pas pu freiner à cause du froid qui avait gelé les câbles de frein et Teddy n'est jamais rentré. La chute dans le ravin n'avait d'ailleurs épargné aucun des enfants présents.
Après un long et douloureux procès, mes parents ont reçu une généreuse indemnisation, mais personne ne peut acheter le prix de la tristesse liée à la mort de son enfant, le prix du sang. Cela nous a profondément marqué. À tout jamais.
Depuis ce jour, nous sommes partis vivre en Californie avant que je ne prenne mon envol pour Harvard. J'avais cumulé les petits boulots afin de financer mes études de droit, je souhaitais trouver rapidement l'indépendance et ne pas seulement compter sur l'argent de mes parents pour réussir. Trois ans plus tard, je fus finalement diplômée avec mention. J'avais pu lire la fierté de mes parents sur leur visage lors de la cérémonie de remise des diplômes, c'était ma plus belle récompense.
D'aussi loin que je me souvienne, Mayson, mon frère, et moi avons toujours eu une relation fusionnelle. Il est châtain aux yeux bleus et d'une profonde et sincère gentillesse. J'ai toujours pu faire de lui ce que je voulais ; que cela soit jouer aux Barbies ou le déguiser en princesse. C'était bien plus amusant que d'habiller ma soeur, Fanny. Quand j'avais six ans, elle n'en avait que deux, mais c'était une véritable terreur. Je me souviens de ses petites boucles vénitiennes qui tressautaient lorsqu'elle s'amusait à enfiler toutes mes robes. Alors le plaisir n'était pas le même lorsque je pouvais choisir de lui mettre les tenues que je voulais puisqu'elle était déjà vêtue selon mes goûts. Néanmoins, j'ai toujours trouvé son côté candide touchant et plein de vie ; elle est naturelle et ne se prend jamais la tête, c'est un aspect de sa personnalité qui se reflète toujours dans ses grands yeux verts. Même encore aujourd'hui, j'ai peur pour elle, peur que sa naïveté ne lui joue des tours ; elle n'est pas prête pour le monde cruel qui l'attend.
Je me souviens aussi du moment où je lui avais annoncé mon départ pour New-York, quelques jours avant de faire mes cartons. Ses grands yeux si chaleureux et tendres s'étaient embrumés, et elle s'était réfugiée dans sa chambre durant des heures. Elle demeure sensible, malgré ses vingt-deux ans. Mayson ne cessait de me demander si c'était véritablement nécessaire, il me retenait pas la main, cherchant à retarder mon départ. Ma mère pleurait déjà depuis une semaine, comme pour mon départ à Harvard et mon père, même s'il tentait de ne pas le montrer, était triste, et sa voix le trahissait en se cassant par moment. Il me prenait dans les bras, me caressant le dos sans cesser de répéter « aller ». C'était sa façon à lui de montrer que la situation l'affectait aussi. Voir tous ces petits yeux rougis par les larmes me fixer m'avait plusieurs fois poussé à remettre en cause mon voyage, ma nouvelle vie. Mais j'avais besoin de ce départ, c'était une sorte de renaissance.
- L'embarquement pour le vol 650D à destination de New-York va bientôt fermer ses portes, les derniers passagers de ce vol sont priés de bien vouloir se rendre aux portes d'embarquement.
La voix du haut parleur marqua la fin de nos adieux. Chacun à leur tour, ils m'ont serré fort dans leurs bras, avant de me laisser partir, je me suis tournée une dernière fois pour leur envoyer un baiser avant de monter dans l'oiseau de fer.
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