Chapitre XXXIII
J'ouvre un oeil lorsque les rayons lumineux percent à travers les volets de ma chambre. Je m'étire, et cherche à tâtons un corps chaud près du mien, mais rien. La seule chose que j'y trouve, c'est un oreiller, et une place vide, froide. Je me redresse immédiatement, cherchant à entendre si Matthew se trouve dans la douche, mais là encore, je suis face à un échec.
Je m'habille en vitesse et descends pour me lancer à la recherche du beau brun qui dormait aussi bien que la belle aux bois dormant quelques heures plus tôt.
Lorsque j'arrive en bas des escaliers, j'entends deux vois émaner de la cuisine. Je reconnais immédiatement celle de ma mère, et quelques secondes après, c'est celle de Matthew qui s'élève. Je passe la tête pour voir ce qui se trame, et je les découvre tous les deux entrain de discuter pendant qu'ils s'affairent à préparer le petit déjeuné. Je crois que Matthew essaie de se mettre ma mère dans la poche, je l'imagine bien tout faire pour devenir le « gendre idéal ». Lorsqu'ils me voient, à l'embrasure de la porte, de magnifiques sourires apparaissent sur leurs visages. Après avoir embrassé ma mère, celle-ci sort par la porte fenêtre pour aller déposer les muffins à ma myrtille fraichement sortis du four sur la table extérieure.
Mon beau brun en profite pour se glisser doucement près de moi, et place ses puissantes mains sur ma taille tout en m'offrant une moue des plus enjôleuses.
- Bonjour, Princesse.
Ce petit surnom éveille en moi des tas de fourmillements. Il me rend tellement fébrile et forte à la fois, c'en est déroutant.
Il approche doucement son visage de mon cou pour en humer le parfum, puis y dépose un baiser qui me fait frissonner jusque dans mon bas ventre. Nous entendons les claquettes à talons de ma mère raisonner dans la pièce, il me relâche doucement, attrape un plat et emprunte le même chemin qu'elle, quelques minutes auparavant.
Elle n'a de cesse de me regarder, un sourire ravi qui ne quitte pas ses lèvres, puis incline la tête sur le côté.
- Oui, maman ?
- Rien, je suis juste heureuse pour toi, mon bébé. Il a l'air gentil avec toi, ça me plait.
Les mamans. Même à vingt-cinq ans elles trouvent toujours le moyen de nous affubler de petits surnoms enfantins. C'est mignon ; quoique l'on dise et quoique l'on fasse, nous serons toujours leurs bébés.
- Oui, il l'est. Je vois qu'il t'a mise dans sa poche ! La taquiné-je.
- Et puis ...
Je la vois regarder à gauche, puis à droite, comme si elle avait peur de se faire surprendre.
- Il est très mignon !
Je me sens devenir écarlate, et j'esquisse un petit sourire gêné. Il n'y a que ma mère pour me mettre dans un tel état de gêne en une seule phrase. Néanmoins, j'ai compris qu'elle affectionne mon Matthew.
Elle jette un oeil par la fenêtre, s'assurant qu'il n'est toujours pas de retour, puis fixe à nouveau son attention sur moi en baissant un peu plus le ton.
- Dis moi, Harry n'aurait pas quelques vues sur toi ? Il te regarde d'une manière ... Étrange.
Je manque de m'étouffer. Si même ma mère le voit alors qu'elle n'est au courant de rien, tout le monde doit l'avoir compris !
- Je ... Hum ... C'est compliqué.
- Eden, tu n'as pas fait de bêtises dis moi ?
Si tu savais ... J'ai enchainé les boulettes, et je n'en suis pas fière. Je me contente d'hausser les épaules en guise de réponse, et la venue de mon sauveur de minuit empêche ma mère de poursuivre cette conversation ; quel soulagement !
La journée a été particulièrement chaude et épuisante. La chaleur assomme tant et si bien que nous avons tous eu du mal de sortir de l'eau de la piscine, une après-midi ponctuée de récits de souvenirs, certains particulièrement amusants.
Qui aurait pu croire que petit, Matthew s'était assis sur un nid de fourmis rouge qui avaient alors décidées d'élire domicile dans sa couche ? Ou encore que Harry s'était fait mordre le petit doigt par un lézard pendant un voyage à l'étranger ? Il n'arrêtait pas de pleurer en agitant sa main dans tous les sens.
Mais ma mère a provoqué l'hilarité générale lorsqu'elle a raconté l'histoire de Mayson et moi à la balançoire. Je devais avoir quatre ans, et Mayson me poussait, toujours plus fort, et j'allais toujours plus haut. Je voulais descendre et il ne voulait rien savoir alors j'ai lâché les cordes, tout en haut avant de tomber sur le béton. J'ai couru jusque dans la salle de bain, et en voyant mon reflet dans le miroir, tout le monde a ris lorsque je me suis mise à dire en pleurant « mon visage n'est plus parfait ! ». Qu'est-ce qu'on peut dire comme bêtises quand on est enfant ! Je voulais disparaitre dans l'eau de la piscine ... Mais le pire, c'est que je me souviens encore de la fameuse chute.
Mayson et moi avons fait les quatre-cent coups ensembles, de vrais inséparables. Fanny était plus proche de Teddy, ils n'avaient qu'un an d'écart, tandis que Mayson et moi étions un peu plus âgés.
Toute la journée, j'ai fait en sorte de garder mes distances avec Harry, craignant de me retrouver à nouveau seul à seule, alors qu'il essayait d'attirer mon attention à la moindre occasion. J'ai plutôt bien réussis cette tache, jusqu'à maintenant.
- Eden, tu es prête ?
Je me tourne vers le blondinet entreprenant, pas totalement sûre de bien comprendre là où il veut en venir.
- Tu as dis que tu me laisserai te parler, ce soir.
J'avais oublié ce détail qui ne semble pas plaire du tout au grand brun derrière moi. Je le sens se crisper et augmenter sa prise autour de ma taille.
- Je pense qu'on a assez parlé. Dis-je en faisant clairement allusion à notre rencontre nocturne.
- Je ne t'ai pas dis tout ce que j'avais à te dire.
- Si elle ne veut pas te parler, tu ne le lui imposeras pas. Grogne Matthew.
Je vois Harry lever les yeux au ciel en entendant les persiflages de son frère. Je rive un instant mon regard à celui de Matthew en posant une main rassurante sur son torse, lui adressant un petit sourire.
- Bien, je dois mettre des chaussures ?
- Non, si tu veux bien, on va aller sur la plage, le soleil est tombé, c'est plus agréable.
J'acquiesce silencieusement et j'entends Matthew soupirer lourdement. Harry se détourne pour passer la baie vitrée et m'attendre à l'extérieur.
- Je sais très bien que si jamais tu dois être toute à moi, tu dois d'abord parler avec mon frère. Mais crois moi, je n'en ai aucune envie, je veux seulement qu'il disparaisse.
Il embrasse doucement le haut de mon front et me lâche à contrecoeur en ajoutant au creux de mon oreille.
- J'aimerai que tu reviennes entièrement mienne, Princesse.
Je suis touchée par sa phrase, il semble vraiment tenir à moi, et cela me fait chaud au coeur. C'est la première fois qu'un homme s'intéresse autant à moi, à nous et notre potentielle relation. Il est bien loin du mauvais garçon qu'il prétendait être, et je fais glisser mes doigts le long de sa joue. Il attrape ma main et embrasse ses extrémités avec une lenteur affolante. Je me hisse sur la pointe des pieds, et dépose un baiser sur ses lippes qui m'attirent inexorablement.
Je m'éloigne un peu, lui jette un dernier regard et rejoins Harry sur le sable.
Nous marchons en silence pendant instant, arrivants aux abords d'une plage privée qui sert également de délicieux cocktails, et nous prenons place sur des fauteuils en rotins, autour d'une petite table. Je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre.
- Tu t'es bien reposée depuis ton arrivée ?
- Pardon ?
J'ai répondu rapidement, sans réfléchir. Je suis décontenancée par sa question. Disons que je ne m'attendais pas le moins du monde à une phrase aussi détachée et superficielle de sa part.
- J'imagine, oui.
J'essaie de baragouiner quelques mots tandis qu'un serveur vient prendre notre commande, et très rapidement, il revient déposer le Manhattan de Harry et mon Mai Tai. J'attrape mon verre et en bois une lampée pour me donner un peu de courage et de contenance. Le liquide me brule un peu la gorge à cause du rhum, mais la douceur de cet alcool prend rapidement le pas, et les arômes fruités viennent compléter cette explosion de saveur. C'est vraiment divin.
- Je tiens à m'excuser. Pour mon comportement d'hier soir.
J'arque un sourcil, attendant qu'il poursuive, et reprends encore une gorgée, afin d'être sûre de me sentir suffisamment forte pour la suite de la conversation. Il baisse son regard chocolaté vers ses mains croisées entre ses jambes. Sa montre orne toujours son poignet, mais la chemise blanche en lin qu'il porte, ainsi que son short noir, n'ont rien à voir avec les tenues qu'il porte habituellement au Cabinet. Ce style vacancier-chic lui va drôlement bien, d'autant que sa peau a commencé à se haler légèrement depuis qu'il est arrivé, faisant merveilleusement bien ressortir sa blondeur. Cela lui donne un petit côté angélique touchant.
- J'ai vraiment mal agi. Jamais je n'aurai dû t'embrasser de force.
- Je suis plutôt d'accord avec toi. Tu t'es comporté comme un con.
Il redresse immédiatement son visage et m'observe tristement.
- J'ai un peu trop forcé sur la bouteille au dîner, je sais que ça n'excuse rien, mais si j'avais été sobre ... Tout aurait été différent.
- Tu es entrain de dire qu'une fois que tu as bu, tu n'es plus le même homme ? Que tu deviens ... Une sorte de pervers psychopathe qui coince les filles en pleine nuit dans l'angle d'un mur pour leur voler des baisers ?
Il fait la moue.
- Vu de l'extérieur, ce point de vue se défend. Mais Eden, c'est toi qui me change.
Je reste interdite, je n'ose pas parler. Je suis presque un peu vexée car j'ai l'impression qu'il me dit que je fais de lui un homme mauvais. Ou alors je lui fais simplement perdre la raison ? Je ne sais pas quoi penser.
Il s'avance un peu sur le bord du fauteuil, et attrape ma main entre les siennes.
- Je ne suis plus moi-même. Je te l'ai dis, je ressens quelque chose de fort et de surprenant pour toi. Ça m'a fait peur une première fois, et j'ai préféré jouer au plus idiot. J'ai fuis, lâchement.
Il marque une pause tout en exerçant de petits mouvements circulaires sur le dos de ma main. Son regard n'est plus seulement plongé dans le mien, il y est ancré.
- Je ne voulais pas venir ici à l'origine, je pensais que tu ne voudrais pas me revoir. Que tu allais avoir besoin de temps. Mais je me suis dis que si j'attendais trop, j'allais te perdre définitivement, alors j'ai saisi le prétexte du week-end de mes parents pour te retrouver.
Sans me lâcher la main, il utilise l'autre pour attraper son verre et le porter à ses lèvres. Je vois qu'il est aussi perturbé par la situation que moi, et qu'il cherche du courage liquide pour l'aider à se confier.
- Quand je suis arrivé, que j'ai vu la langue de mon frère dans ta bouche, mon sang n'a fait qu'un tour et j'avais envie de mourir. Mais le pire, ça a été d'entendre ta mère nous annoncer fièrement qu'il était ton petit-ami, que tu l'as présenté comme tel. C'était vraiment un crève-coeur.
Je vois qu'il hésite à poursuivre, mais il se force à reprendre, de peur de ne plus avoir l'opportunité de le faire.
- J'ai compris que j'avais des sentiments forts pour toi.
Il recule un peu en contemplant le paysage marin qui s'étend à perte de vue et lâche ma main.
- Si je n'avais pas paniqué à notre retour de Paris ... Bordel, ça aurait dû être moi, pas lui !
Je le vois se lever et faire quelques pas sur le sable. Je l'imite pour le rejoindre, le bruit des vagues couvrant ses paroles si je reste trop éloignée.
- Ça aurait dû être moi que tu présentes à tes parents comme étant ton petit-ami !
Il plaque le revers de sa main contre son torse pour se désigner tout en parlant avec beaucoup de virulence.
- Tu devrais m'enlacer moi, pas lui ! M'embrasser moi, pas lui !
Je le vois se rapprocher doucement de moi, et baisser le ton, signe qu'il se calme.
- Partager ton lit avec moi et me regarder avec les mêmes yeux que tu lui fais. Ça me tue de te voir avec lui.
Je suis scotchée par l'intégralité de sa révélation, je ne parviens pas à bouger, à parler, à réagir. C'est comme si je venais de recevoir une dose de cheval de morphine, je suis complètement amorphe. Il lève brusquement sa main vers mon visage pour dégager une mèche de cheveux, et caresse ma joue avec la paume de son pouce.
- Donne moi une autre chance, je t'en prie, tu ne le regretteras pas.
Il attend une réponse qui ne vient pas, et cherchant une approbation à sa supplique il attrape l'arrière de ma nuque pour planter ses lèvres sur les miennes. Je ne comprends toujours pas ce qu'il se passe, mon cerveau ne fait aucune connexion. Il faut que je me réveille, pourtant. Il place son autre main sur ma seconde joue alors que je ne réponds pas à son baiser, et c'est lorsqu'il essaie de se frayer un chemin entre mes lèvres avec sa langue que je reviens enfin à moi, je reprends possession de mon corps. Je me détache de ses lippes en le repoussant légèrement. Je fronce les sourcils et en voyant la lueur de ses yeux assombrie par la tristesse, j'essaie de lui parler avec le plus de douceur qu'il soit.
- Mais tu l'as pourtant dis Harry, c'est lui et pas toi. Ce n'est plus possible, il faut que tu en prennes conscience.
Je le vois reculer, abasourdi.
- Je ne veux pas te blesser, mais je ... J'ai fait un choix.
- Mais quel choix, Eden ? Quel genre de vie est-ce que tu penses pouvoir avoir avec lui ?
- Je ne sais pas, on verra le moment venu. Je ne lui demanderai qu'une seule chose et si il s'y tient, alors ...
Il me coupe en se rapprochant à nouveau de moi, attrapant mes mains entre les siennes, les pressant près de son cœur. Il semble chercher désespérément le contact. J'ai vraiment de la peine de devoir faire ça.
- Je t'en prie, il ne t'apportera que des ennuis. Tu ne connais pas mon frère comme je le connais moi. Je ne veux pas que tu te retrouves dans ses histoires. Je peux me tenir à la seule chose que tu demandes, moi, et tu le sais ...
- Harry, arrête. S'il te plait. J'ai dis non, je veux donner une chance à Matthew, une chance pour lui et moi. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais j'ai envie de voir ce qu'il peut être avec lui.
Il baisse les bras, signe de capitulation.
- Je t'aurai prévenu. Je pense qu'il faut que tu saches que le choix que tu fais maintenant te conduira dans des affaires sombres, un milieu que tu ne connais pas et qui ne te fera pas de quartier parce que tu es une femme.
Je baisse la tête. Il a raison.
- Je le sais, mais il n'est plus là dedans, il me l'a dit.
Harry émet un sourire faible, presque comme un murmure.
- On n'en sort jamais réellement.
Ses mots me laissent froide. Je ne voulais pas les entendre, même si je m'en doutais. Mais j'ai toujours l'espoir que Matthew puisse réussir à s'en sortir, lui. Suis-je trop naïve d'y croire, d'espérer encore ?
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Bonsoir tout le monde ! 😊
Je m'excuse vraiment pour mon retard, mon stage me prend plus de temps que ce que je ne l'aurai cru !
J'espère que ce chapitre vous à quand même plu ! Que pensez-vous de Harry et ses révélations ? 😏
Je vous souhaite une bonne soirée ! 😘
Calypsote ♥️
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