Chapitre XXXII

Je suis entrain de donner un coup de main à ma mère et Gloria pour débarrasser la table. Mon père et Hector ont un peu trop forcé sur la bouteille, bien trop heureux de se retrouver. Je ressens une drôle de sensation en voyant mon patron, imbibé par l'alcool, rire à gorge déployée avec mon père, chez moi. Et que devrais-je dire de la présence de ses deux fils ? Je suis perturbée par cette situation ubuesque. Jamais je n'aurai pu croire que cela soit possible si je ne le vivais pas en ce moment même.

Je suis seule dans la cuisine, entrain de mettre les couverts dans le lave vaisselle quand Mayson fait irruption, les bras chargés des plaques des hamburgers. Il dépose le tout sur la plaque de cuisine à gaz, se retourne vers moi en affichant un petit sourire avant de tourner les talons. Je vois bien que quelque chose le tracasse.


- May ?


Il se retourne presque instantanément. Je repose l'assiette que je tenais, m'appuie sur le plan de travail à l'aide d'une main et positionne l'autre à ma taille, prête à le questionner.


- Qu'est-ce qui ne va pas ?


- Rien, Edye.


Je ne lâche pas l'affaire et devient plus insistante.


- Je te connais tu sais, et je vois bien que quelque chose te chiffonne.


Il souffle lourdement, fixant le sol, puis plonge ses yeux dans les miens.


- Leur présence ici me rappel Teddy. C'est ... Douloureux.


Je lâche le plan de travail, et comble la distance qui me sépare de mon frère pour le prendre dans mes bras. Je n'aime pas le savoir triste, pas mon grand frère.


- Tu ne te souviens pas de toute cette période, mais moi oui. J'étais plus vieux, et j'ai plus de souvenirs. Je ne sais pas comment tu fais pour travailler avec lui tous les jours ...


- J'ai occulté les souvenirs de cette période, c'est ce que ma psy m'a dit donc les voir ne me dérange pas. Ne t'en fais pas May, ça va aller ...


Je lui frotte doucement le dos pour le réconforter, et je l'entends renifler.


- Je jure que s'il te fait du mal, je le tue de mes propres mains.


Je le recule pour le tenir à bout de bras et fais les gros yeux.


- Pardon ? Mais de quoi tu parles ?


- De ton petit-ami.

Ah.

- Il ne me fera pas de mal, lui.


- Lui ?


Je lance un regard en coin, fuyant ses yeux bleus inquisiteurs.


- C'est compliqué ... Soufflé-je.


- Harry t'a fait du mal ?


J'inspire difficilement.


- C'est compliqué ...


- Tu l'as déjà dis.


- Harry ne m'a pas fait physiquement du mal, si c'est ce que tu veux savoir.
May, je n'ai pas envie d'entrer dans les détails. Aujourd'hui je suis avec Matthew, et je compte faire en sorte que cela reste comme ça, alors s'il te plait, ne commence pas à le menacer, il n'a rien fait.


Je suis sa petite soeur. J'ai beau avoir vingt-cinq ans, je sais que son besoin de me protéger l'emportera toujours sur sa raison, il l'a toujours fait. Nous sommes comme ça. Depuis que Teddy nous a quitté, nous ressentons toujours ce besoin exacerbé de se protéger les uns, les autres.


- Tant qu'il te rend heureuse, tout roule pour moi.


Il ajoute un petit clin d'oeil, afin d'essayer de dédramatiser la situation, et je lui en suis reconnaissante. Il me reprend dans ses bras et me serre fort contre lui.


- Je t'aime fort, Edye.


-Moi aussi, May.


Notre étreinte s'éternise un peu. Cela fait un bien fou que de prendre un membre de sa famille que l'on chéri entre ses bras ! Il m'avait tellement manqué ... Une seconde, j'allais oublier.


- Fanny m'a dit que tu envisageais déménager à New-York ?


- Oh celle là alors, elle est incapable de garder un secret ! S'exclame t-il.


- Alors c'est vrai ?


Je regarde mon frère avec les yeux dignes d'une enfant de cinq ans qui aurait vu le Père Noël.


- J'ai peut-être décroché un travail là bas, en tant qu'architecte designer, alors il y a de fortes chances.


Je sautille sur place et pousse de petits cris heureux, avant d'enserrer mon frère de plus belle. Il rit de bon coeur avec moi, et dépose un baiser sur mon front.


- Je vais pouvoir t'embêter encore longtemps !


- C'est une question d'habitude, ajouté-je en tirant la langue.


Il me lance un nouveau sourire, et s'éclipse par la baie vitrée. Je retourne à mon lave vaisselle pour reprendre ma tache, sans cesser de penser à ce qui nous attend, à New-York.








Tout le monde est parti se coucher. Je regarde l'heure sur mon téléphone et constate qu'il est deux heures trente du matin. Je me retourne vers Matthew qui ne dort pas non plus ; bien trop occupé à m'arracher mes vêtements.


- Les nuits ici sont horriblement chaudes, je vais chercher une bouteille d'eau. Tu m'attends ?


- Ne tarde pas trop, Princesse.


Il attrape l'arrière de ma nuque et approche mon visage du sien pour déposer un baiser. Il s'éternise et sa langue se fraie un chemin dans ma bouche. Je sens à nouveau de la moiteur s'insinuer dans le creux de mon intimité tandis que nos lèvres ne se décollent pas. Je sens que je vais céder, mais je meurs de soif. À regret, j'interromps notre baiser.


- Je fais vite.


Je me lève, enfile rapidement mon carcaco et mon mini-short en soie noire avant de sortir de la chambre. Vraiment, il fait une chaleur étouffante, c'est épuisant et on ne parvient même pas à savoir comment faire pour dormir. Même le brumisateur ne nous est d'aucune aide.

Je descends les escaliers, contente de n'avoir réveillé personne à l'étage, et me dirige vers la cuisine. J'ouvre le frigo, attrape une bouteille que je m'empresse de boire. Une fois terminée, je m'en saisis d'une autre, et referme la porte du réfrigérateur.

Je reprends la direction des escaliers, mais un faible gémissement attire mon attention.


- Oh mon bébé, tu as chaud toi aussi ?


Je me rapproche de Chaussette qui me demande un câlin avant que je ne parte me coucher, lui aussi doit souffrir de la chaleur, le pauvre ... Il n'y a pas que les humains qui ont le monopole de la souffrance ! Demain je l'emmènerai se baigner un peu.

Je dépose la bouteille sur le meuble a proximité, et me baisse pour lui faire un bisou. Lorsque je me redresse, je suis instantanément plaquée face contre le mur. Je me mets à rire en sentant des mains me maintenir fermement les poignets.


- Matthew, je t'ai dis que je faisais vite ...


Je sens qu'il se presse d'avantage contre moi, si bien que son excitation est clairement appuyée contre mes fesses.


- Qui a dit que c'était Matthew ?


Quoi ? Non mais ce n'est pas possible ! Je suis ébaubie d'entendre sa voix, de savoir que ce n'est pas Matthew. Je tente de me débattre, mais rien n'y fait.


- Harry ? Lâche moi tout de suite !


Il me retourne pour lui faire face, me maintenant encore mes poignets au dessus de la tête, et me bloquant avec ses hanches pour ne pas que je m'échappe.


- Chut, tu vas réveiller tout le monde.


Je suis pétrifiée quand il accompagne ses paroles d'un doigt qu'il place lascivement sur mes lèvres. Non mais à quoi il joue ?


- Je veux avoir une conversation avec toi, mais mon frère m'en empêche, alors aux grands maux les grands remèdes ... Et quand je t'ai vu là, dans ta petite tenue, je n'ai pu m'empêcher de me souvenir de notre voyage en France.


Je refuse de laisser mes pensées aller vers ce souvenir, dieu sait ce qu'il pourrait réveiller en moi. La seule chose que je veux, c'est qu'il me lâche.


- Je t'ai dis qu'on allait discuter demain soir ! Grondé-je.


- Je veux parler, maintenant.


J'essaie une nouvelle fois de m'extirper de sa prise, mais je n'ai décidément pas assez de forces. Je sens son haleine me caresser la peau, elle est emprunt d'alcool. Je me demande bien à quel point cela lui est monté à la tête ...


- Ton odeur m'a manqué ... Dit-il en humant mes cheveux.


- Harry, arrête.


- Pourquoi tu ne me donnes pas une autre chance ? Je viens ici pour toi, et j'apprends que finalement tu as jeté ton dévolu sur mon frère. Ce n'est qu'une pale copie de moi, et tu le sais.


- Pas du tout, vous n'avez rien en commun à part du sang et un nom. Craché-je.


Il me regarde intensément, et un sourire carnassier se dessine au coin de ses lèvres.


- Vraiment ? Je présume que si tu es dans ses bras, c'est parce que tu en avais envie, mais tu n'étais pas tout autant attirée par moi ? Peut-être plus, même. Si tu es avec lui, c'est parce qu'il n'est qu'un substitut de moi.


Non mais je rêve !


- Tu pars trop loin dans ton interprétation Harry. Je ne suis pas avec Matthew par rapport à toi, mais bien parce que j'ai envie d'être avec lui.


- Autant envie d'être avec lui que d'être avec moi ?


Il me murmure cette question en soufflant dans mon cou, ce qui me donne des frissons. Si Chaussette pouvait faire quelque chose qui m'aiderait à sortir de cette situation, ce serait bienvenue ! Mais non, il ronfle et me laisse bloquée contre le corps d'Harry, incapable de faire le moindre mouvement.


- Plus encore.


Il se recule un bref instant et me dévisage.


- Oh vraiment ? Et qu'aurait-il donc que je n'ai pas ?


- Pour commencer, il n'est pas toi.


Je laisse un bref instant Harry assimiler mes paroles avant de renchérir.


- Tu as fais de moi une personne détestable, à mon insu. Tout ce que j'ai toujours refusé d'être, je l'ai été par ta faute ! Et puis, maintenant que tu as quitté Clemence, tu veux que je te tombe dans les bras ? Tu te berces d'illusion. Alors non, je ne suis pas avec Matthew parce qu'il serait supposément une copie de toi, je suis avec lui parce qu'il n'est effectivement pas toi ! Lui au moins, il est sincère et honnête, ce sont des qualités qui t'échappent.


Harry me fixe, visiblement touché par ce que je viens de lui révéler. Il voulait parler, non ? Tant pis pour lui.


- Eden, non ... Je suis tellement désolé, je ne voulais pas te faire ça, tu ne méritais pas toute cette situation. Je te l'ai dis, j'avais peur de ce que je pouvais ressentir pour toi, en aussi peu de temps. Je suis un homme ... Merde ! Je fais parti de ces personnes qui ont peur de leurs émotions.


- Tu es lâche, c'est tout.


- Je te demande pardon ... Ajoute t-il. S'il te plait, accorde moi une autre chance, une dernière ! Je te promets que tu ne le regretteras pas.


- Non.


Cela me fait de la peine de le voir comme ça, j'ai envie de le consoler. Mais non. Je me souviens des larmes que j'ai versé par sa faute, de la culpabilité que j'ai ressenti et combien je me suis maudite.

Non.

Il rouvre ses yeux et les rive aux miens. Je vois que son regard triste passe de mes yeux à mes lèvres. Pitié, pas ça. Une de ses mains me lâche le poignet, et il utilise l'autre pour immobiliser mes deux bras. Il fait courir ses doigts le long de mon bras, puis me caresse la joue de son pouce avant d'attraper l'arrière de ma tête pour approcher brusquement mon visage du sien et coller nos lèvres. J'écarquille les yeux sous la surprise, je ne sais pas ce que je suis censée faire, lui mordre la lèvre ? Lui donner un coup de genoux dans ses bijoux de famille ? Mais il va crier, et tout le monde sera réveillé, je n'ai aucune envie d'attirer des problèmes entre nos familles ; après tout, nos parents sont de vieux amis.

Une idée me vient. Qui ne tente rien, n'a rien ?

Je ne me débats pas, j'attends horrifiée que ce baiser impromptu prenne fin, mais je ne lui rends pas. Quand il essaie de se frayer un chemin dans ma bouche, avec sa langue, je sens sa prise autour de mes poignets se desserrer. J'en profite pour les tirer d'une traite et je le repousse violemment. Il me fixe, incrédule. Ni une, ni deux, je lève la main et la plaque violemment sur sa joue.


- Ne refais plus jamais ça !


J'attrape ma bouteille d'eau et me précipite dans les escaliers. Harry se retourne vers moi en se tenant la joue, et ajoute.


- Tu crois que Matthew est sincère ? T'as t-il dit quand il a couché avec Clemence ?


- Ça ne te regarde pas.


- Je crois que notre séjour en France n'a pas été créateur de liens que pour nous, ma belle ...


Je m'arrête dans ma course. Effectivement, j'ai le vague souvenir de Clemence disant le soir du repas qu'elle a fait « connaissance » avec Matthew pendant l'absence d'Harry. Matthew m'a menti ?


- Est-ce qu'il a été honnête avec toi sur ça aussi ?


Je ferme les yeux et souffle. Je viens de recevoir un coup au coeur, mais je me ressaisis rapidement. Sans regarder Harry, je termine cette discussion.


- Même si ça s'est passé lorsqu'on était en France, nous n'étions pas ensemble, il n'a donc pas à se justifier. Et je ne le blâmerai pas non plus en sachant que j'ai fait exactement la même chose. Bonne nuit, Harry.


- Je t'attendrai, souffle t-il.





J'ouvre rapidement la porte de ma chambre et tombe sur un Matthew paisiblement endormi. Je m'approche et l'observe dans son sommeil. Il est si beau et semble si doux comme ça ... Je lui raconterai cette incartade avec Harry mais pas ce soir ; je ne veux pas de secrets entre nous car nous devons partir sur de bonnes bases, d'autant que j'ai su gérer la situation.

Je lui dirai quand on sera rentrés à New-York, sinon j'ai bien peur que la douceur de ses traits ne laisse place à une rage folle.

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Bonjour à tous ! 😊


Le chapitre de la semaine vous a plu ?

Alors cette conversation avec Harry, qu'en avez-vous pensé ? 😏


Je vous souhaite un agréable week-end ensoleillé et sous la chaleur, personnellement, et maintenant que je vous ai mis le chapitre en ligne, je fonce dans la piscine ! 🔥☀️

Calypsote ♥️.

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