Chapitre XVIII
Je martèle le sol. Je n'ai pas voulu appeler de taxi, j'avais besoin de me défouler. J'entends mes talons marteler le sol, je suis dans un tel état d'énervement que même si mes pieds commencent à me faire souffrir, cela m'est égal. J'avance en m'enserrant les bras, même au mois de juin, il fait un peu frais le soir, après avoir supporté une importante chaleur le reste de la journée. Un bruit provenant d'une ruelle me tire de mes réflexions. Je reste derrière le mur, tentant de savoir ce dont il peut s'agir.
- J't'ai dis que j'voulais ma marchandise.
- Je l'ai pas, je te l'ai déjà dis, je ne l'ai jamais eu !
- T'fous pas de ma gueule, mec !
J'entends péniblement deux hommes dans une conversation très violente, l'un d'eux a une expression lourde et saccadée. Je plisse les yeux pour voir la scène, mais c'est difficile d'obtenir une vision nette du fait de la nuit qui est tombée depuis un moment déjà ; je parviens néanmoins à distinguer quatre silhouettes. Trois d'entre elles font face à une seule personne, un seul homme.
- Je ne me fou pas de ta gueule, je te dis que je ne l'ai jamais eu.
Dans un excès de colère de l'interlocuteur, je peux voir des coups pleuvoir. L'homme seul se retrouve à terre, et les trois autres prennent un malin plaisir à le passer à tabac. J'entends des cris de douleur qui me paralysent. J'aimerai lui venir en aide, mais je suis figée, même ma voix est bloquée. Et qu'aurais-je pu faire ? La seule chose que j'aurais pu obtenir, c'est de me faire violer dans ma tenue actuelle. Je me retrouve donc spectatrice d'une scène horrible. Un rayon de lumière vient dans ma direction, la lueur de la lune vient de se refléter sur ce qui semble être une lame. Elle disparaît quelques instants, s'enfonçant dans le corps déjà à terre avant de ressortir, sans brillance cette fois-ci.
- J'te laisse une semaine pour retrouver ma came ou j'te déboite !
Je vois les trois agresseurs sortir de la rue et se diriger vers une Lamborghini Aventador blanche stationnée en face. Je parviens à me cacher dans un petit renfoncement. Il me semble reconnaitre la silhouette de Gavin s'enfoncer dans le véhicule. J'entends le moteur du bolide vrombir avant de démarrer en trombe. Je sors de ma cachette et m'assure qu'ils sont bien partis avant de m'engouffrer dans la ruelle.
Je m'approche en courant du corps presque inanimé qui gît encore par terre, des cris de douleur étouffer se font toujours entendre.
- Monsieur, vous allez bien ? Je vais appeler les secours ...
- Non !
Cette voix m'est familière. J'attrape doucement le bras de l'homme, en prenant soin de ne pas exercer de pression pour que je puisse voir son visage, mais avant même que j'ai à reconnaitre ses traits, les tatouages sur les bras me sautent aux yeux.
- Matthew !
- Oh putain, Eden !
Il prononce mon nom dans un nouveau cri de douleur. Il essaie de se redresser sur les coudes. En vain.
- N'appelle pas les secours, s'il te plait ...
- Mais, qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
Il me confit des clés de voiture. Je m'approche de lui et l'aide à se relever avec beaucoup de difficultés. Il s'appuie sur moi, et marche douloureusement.
J'aperçois le véhicule au loin, je peux savoir duquel il s'agit grâce à la clé, on ne voit rien, alors elle me permet d'allumer les phares pour connaitre son emplacement. Il est venu avec une McLaren P1 noire mat. Je m'approche du côté passager pour ouvrir la porte et l'installer avec le plus de douceur qu'il puisse être possible avant de me prendre place du côté conducteur.
- Tu veux bien me ramener chez moi ?
Avant que je n'ai le temps de lui répondre, il perd connaissance avant d'émerger quelques secondes après.
- Non, on va à mon appartement, c'est plus proche.
- Ma voiture ...
- Ne t'en fais pas, il y a un parking sous-terrain.
Je démarre précipitamment. Quelques minutes plus tard, j'ai déjà garé le véhicule et prend le temps d'aider Matthew à sortir avant qu'il ne sombre définitivement dans le sommeil.
- Ne t'endors pas, reste avec moi Matthew.
- Hum ...
J'entre rapidement dans l'appartement avec lui avant de le déposer sur mon lit pour qu'il soit confortablement installé pendant que je le soigne.
J'enlève mes escarpins, attrape ma trousse de secours dans le meuble bas de la salle de bain, ainsi qu'un gant de toilette et une bassine d'eau chaude que je dépose sur la table de chevet. Je m'agenouille sur le lit, près de Matthew, et m'attèle à lui retirer ses vêtements. J'ai déjà retiré son pantalon quand j'enlève son tee-shirt.
Je vois qu'on est pressé de me déshabiller.
Une lueur taquine brille dans son regard. Même dans son état, il trouve le moyen de blaguer. Il me surprend vraiment.
- Tu triches, t'es habillée toi.
- C'est pas moi qui suis couverte de bleus et de sang. Laisse moi voir.
Son visage se tord de douleur lorsque j'effleure sa peau bleuie. Je cherche l'endroit où la lame s'est enfoncée. En réalité, la plaie n'est pas très profonde, mais il a perdu pas mal de sang. Je prends le gant imbibé d'eau et commence le nettoyage de son torse.
- Pourquoi est-ce que tu étais dans le coin, habillée comme ça ?
Il m'observe pendant que je m'occupe de lui. Pour dire vrai, il ne peut rien faire d'autre parce que je l'empêche de s'endormir.
- Il y avait une sorte de gala que donnait l'entreprise dans laquelle je travaille.
- Ils ont bien de la chance d'avoir pu profiter de te voir dans cette tenue.
- Je ne dirais pas ça ...
Son regard se fait plus inquiet. Je sais que je vais devoir lui parler.
- Je ne vais pas te mentir, j'avais rencontré quelqu'un. Il travaille avec moi, et ce soir j'ai compris que ça n'irait pas plus loin.
Il mérite la vérité. J'ai peur qu'il le prenne mal, qu'il ne veuille plus me voir, mais au lieu de ça, un sourire franc se dessine sur son visage. Même couvert de sang et de bleus, il est incroyablement beau. Je commence à essuyer la substance rouge qui perle au bord de sa lèvre inférieure. Je suis toujours hypnotisée par la particularité de ses lèvres, dès que mon regard se pose dessus, je meurs d'envie de presser ma bouche contre la sienne.
- Il ne sait pas ce qu'il rate, et ça m'arrange bien !
Il est vraiment touchant ainsi. Ce doit être la première fois que je le vois vulnérable.
- Dis moi Matthew, qu'est-ce qu'ils te voulaient, ceux qui t'ont mis dans ... Cet état ?
Il ferme les yeux.
- Tu as dis que m'avoir pour toi t'arrangeait il y a pas une minute, alors parle moi, s'il te plait.
Il souffle.
- Tu ne me laisses pas le choix ?
- Pas le moindre, sauf si tu veux sortir d'ici dans un état pire que celui dans lequel tu es entré.
Il rit, mais il s'arrête rapidement tant la douleur lui est insupportable. Il prend une profonde inspiration avant de commencer. Je vois bien qu'il a du mal à en parler.
- J'ai fais des choses dont je ne suis pas fier, Eden. Et pour que tu comprennes, je dois te raconter tout depuis le début.
J'incline la tête en silence, je préfère le laisser continuer, je ne souhaite pas le couper pour qu'il arrête de se livrer à moi juste après.
- Je suis né avec une cuillère en or dans la bouche, et j'avais besoin de sentir le gout du risque, alors je me suis mis à trainer avec les mauvaises personnes.
Je continue de le panser pendant qu'il me fait son récit. De temps à autre, je passe mon regard de ses plaies à ses muscles saillants, ou encore et surtout à ses prunelles qui me témoignent une grande honnêteté.
- J'ai commencé à faire des délits mineurs, et même quand je me faisais attraper, mon père me couvrait toujours, alors je n'ai jamais senti le besoin d'arrêter. Après, je suis tombé dans la drogue. J'ai consommé. Beaucoup, j'ai même frôlé l'overdose. Mon père m'a encore sauvé de justesse. Mais cela ne m'a pas suffit. Il me fallait plus, plus d'adrénaline alors j'ai commencé à revendre. Mais après des désaccords entre mon fournisseur et moi qui ont failli me coûter la vie, j'ai enfin pris conscience que je devais arrêter.
- Et tes agresseurs ?
- C'était mon fournisseur et ses sbires. Il est persuadé que j'ai gardé une partie de sa drogue.
- Et c'est le cas ?
- Bien-sûr que non.
Je n'ai aucune raison de douter de sa franchise puisqu'il est honnête avec moi depuis le début. Il fixe mes mains entrain de le soigner.
- Mon père a entamé des négociations pour que je puisse vraiment vivre une vie loin de tout ça. Mais je ne peux pas sortir totalement pour l'instant.
Je ne comprends pas. S'il veut arrêter le traffic et ne plus voir ces personnes, pourquoi ne pas le faire définitivement ? Matthew relève ses yeux vers moi.
- J'ai peur pour toi.
- Pour moi ?
Je suis totalement perdue. Pourquoi il se fait du soucis pour moi ? C'est lui qui vient de se faire agresser dans une ruelle.
- Disons que tu as tapé dans l'oeil de mon fournisseur, et comme il est persuadé que je lui ai volé une partie de sa drogue, dieu sait ce qu'il peut faire ...
- Quoi ? Mais qui ?
Je sais qu'avec les coups qu'il a reçu, la tête doit lui être douloureuse, et je parle plus fort que je ne le veux.
- Tu te souviens du soir où nous on est allés dîner ?
- Gavin ?
Il acquiesce doucement, et sonde mon regard. Je soupire nerveusement. De mieux en mieux. Je suis venue à New-York pour mener ma parfaite petite vie d'avocate, j'aurais trouvé un mari, on aurait eu des enfants et vécu une longue vie. Au lieu de ça, mon esprit est tourmenté par deux hommes scandaleusement beaux mais que je cerne difficilement et maintenant, je me trouve aussi dans une histoire de traffic de drogue. À cet instant, je prie pour retrouver le calme de ma vie passée.
Inconsciemment, j'arrête de nettoyer les plaies, je suis en pleine réflexion. Gavin m'insupportait déjà avant, mais là, cela avait atteint des sommets ! Si je viens à le croiser de nouveau, je ne donne pas cher de sa peau.
Il lève péniblement son bras pour caresser mon visage du dos de sa main. Je me laisse aller à ce contact. Il m'apporte vraiment le réconfort dont j'ai besoin malgré la situation complexe dans laquelle je me trouve.
- Je suis tellement désolé de t'avoir entrainé là dedans ...
- Je ne peux pas vraiment t'en vouloir, tu essayais de t'en sortir, je suis juste arrivée au mauvais moment.
Je finis de panser ses plaies et rassemble tout mon attirail avant de prendre la direction de la salle de bain pour ranger le tout. Après avoir tout organisé, je vais dans mon dressing pour mettre ma combinette en soie bordeaux violine et dentelle blanche avant de m'envelopper dans le kimono qui va avec. Je retourne dans la chambre avec un verre d'eau que je pose sur la table de chevet avant d'aider Matthew. qui somnole déjà, à se mettre sous la couverture.
- Si tu as besoin de quelque chose, n'hésites pas à m'appeler, je serais à côté.
Il m'attrape par la manche de mon kimono pour me retenir et m'attire doucement vers lui. Je comprends qu'il veut que je reste. Je lève les yeux au ciel et soupire en capitulant.
- D'accord ...
Je me lève pour aller fermer la porte, il ne manquerait plus que Fanny arrive et nous voit ensemble dans mon lit ... J'imagine d'ailleurs sa tête lorsque Matthew va sortir de la chambre demain matin. Cela s'annonce comique. En me tournant, je fais face à Matthew qui me dévore du regard. Je me racle la gorge.
- Tu veux bien éviter de faire ça ?
Je suis encore perturbée par l'histoire avec Harry, je n'ai pas tout à fait la tête à me faire reluquer. Néanmoins, il sait qu'il n'est pas en position de force, alors il obtempère, le temps que j'atteigne le lit. J'enlève mon kimono et me glisse rapidement sous les couettes près de Matthew qui me regarde encore avec désir.
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