Chapitre XVII
En arrivant devant le cabinet, Fanny est étonnée de voir un tel défilé d'aussi belles voitures. Elle n'est pas aussi fan que moi de ce genre de bolide, mais elle n'en est pas moins stupéfaite. Nous montons jusqu'à la salle de réception située au treizième étage, juste en dessous de l'étage où je planche sur mes dossiers.
Lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrent, Fanny et moi faisons face à une foule d'individus dont ni elle, ni moi ne connaissons l'identité. Tous sont sur leur trente-et-un. Les filles sont magnifiques, et les hommes dégagent des assurances et du charisme qui ne semblent pas leur être familier. La magie de l'apparat. Rapidement, Laura m'interpelle, j'attrape Fanny par le bras pour la présenter à mon amie.
- Laura, je te présente Fanny, ma petite soeur.
- Oh ! Enchantée ! J'ai beaucoup entendu parler de toi.
Nous n'avons pas besoin de crier, la musique est seulement là pour créer une ambiance, seules les paroles plus hautes les unes que les autres des convives peuvent éventuellement nous gêner dans notre discussion.
J'explique à Fanny que depuis mon arrivée au sein du cabinet, Laura est mon repère, mon pilier. Elle m'a soutenue même lorsque je me prenais le bec avec Clemence. Comme elle n'est pas au courant de mes querelles avec cette dernière, Laura et moi lui expliquons sa jalousie maladive à l'encontre des jolies filles qui travaillent avec Harry, et son acharnement à mon égard. À l'évocation d'Harry, mon coeur se serre un peu plus. Je ne l'ai pas encore vu, je vais même jusqu'à me demander s'il va venir au cocktail de l'entreprise de son père.
- Tu me montres cette fille qui se croit tout permis ?
Je cherche Clemence dans l'assemblée, et nos regards se croisent. Je me tourne vers Fanny.
- C'est celle qui nous toise, au fond à droite.
Fanny se tourne pour lui faire face. Clémence lui jette un regard noir, elle doit visiblement se sentir menacée par elle aussi. Mais Fanny ne se démonte pas. Je la connais, elle est comme moi et ne compte pas fuir le conflit.
Après plusieurs secondes, Clemence dévie son regard, et Fanny lui lance un regard satisfait qui a pour principal effet de me faire rire.
Chris et moi discutons brièvement, Laura monopolise la conversation, mais il est gentil et aux petits soins de Laura. On peut voir dans son regard combien il l'estime. Cela faisait chaud au coeur de voir autant d'amour, et une part de moi les envie. Je suis ravie pour mon amie de voir que son époux et elle filent le parfait amour.
- Wow. Qui est ce dieu vivant ?
Je regarde dans la direction que Fanny m'indique, des papillons viennent de se former dans mon estomac, et je reçois une vive décharge.
- Harry. Le fils de mon patron.
- Quoi ? Tu avais dis « il n'est pas désagréable à regarder » et t'étais très loin du compte ! Pourquoi tu n'as pas dis ô combien il est sexy ? Je n'en ferais bien qu'une bouchée de ton boss !
- Mon boss, c'est son père, Fanny.
Elle tourne alors le regard vers Hector Crayton.
- Oups. J'ai moins faim maintenant.
Son côté naturel me rend hilare d'ordinaire, mais ce n'est qu'une façade ce soir. J'attrape une flute de champagne. Harry approche de nous, il a adopté sa démarche désinvolte qui me plait tant pour venir nous saluer, Laura et moi. Son regard ne s'arrête que quelques secondes sur moi, mais je peux voir une lueur pétillante dans ses yeux.
- Bonsoir.
- Bonsoir Harry, commence Laura, excusez moi d'avoir à vous parler boulot ce soir, mais vous ne m'avez pas communiqué le formulaire que je dois envoyer au tribunal.
- Oh oui, je vous le transmets en rentrant ce soir.
Il fait une pause, serrant la main de Chris avant de se tourner vers moi.
- Eden, tu es ravissante.
Je le remercie d'un mouvement de tête mesuré. Je suis tendue pour une raison que je n'ignore pas du tout. J'essaie encore de comprendre ce qui se passe avec Harry.
- Je te présente ma soeur, Fanny.
- Enchanté.
Il attrape sa frêle petite main et la serre avec vigueur ; elle a presque disparue dans son immense et puissant membre. Même si elle le trouve beau, je sais qu'elle ne tentera rien avec lui, j'étais là avant ; le serment des sœurs qui ne doivent rien tenter avec un homme que sa soeur a vu en premier.
Je l'attrape doucement par la manche et le tire un peu à l'écart de Laura et Fanny.
- Harry, est-ce que tu crois qu'il serait possible qu'on discute un instant ?
- Oui, mais pas maintenant, j'ai encore plusieurs personnes à saluer et je dois porter un toast, on a qu'à se retrouver à l'étage supérieur après mon discours ?
- Bien, on a qu'à faire comme ça.
- A tout à l'heure, mia bella.
Il effleure mon bras, et part en direction d'autres personnes en m'adressant un clin d'oeil. Je me sens un peu plus légère. Il ne me fuit peut-être pas finalement.
Au loin, j'aperçois Stephanie entrer au bras de Jamie, suivi de Gavin. Ils s'approchent de nous. Stephanie a connu Fanny quand nous étions à Harvard, elle venait de temps en temps à la maison, et elles s'adorent. Lorsqu'elle voit Fanny, elle saute presque sur ma place mais se contient du fait de la réception.
- Stephanie !
Elles se prennent dans les bras l'une de l'autre, et Fanny fait une bise à Jamie. Je m'approche de Gavin pendant que Stephanie et Fanny commencent une conversation sur son voyage aux Caraïbes. J'ai des choses à tirer au clair.
- Bonsoir Eden.
- Gavin.
Je lui adresse un sourire forcé, mais il semble n'y voir que du feu.
- Dis moi, qu'est-ce que tu faisais devant chez moi l'autre soir ?
- Je devais discuter avec mon pote.
- Qu'est-ce qui était si important que ça ne puisse pas attendre ?
Il me fixe intensément, mais son regard est glacial. J'ai l'impression d'entrer sur un terrain glissant.
- Si quelqu'un doit t'en parler, je ne pense pas que ce doit être moi. Tu ne connais rien de lui.
Il grince des dents en me parlant. Mais il se reprend rapidement. J'ai envie de prendre la défense de Matthew, je n'aime pas que Gavin en parle de cette façon.
- En tout cas tu es ravissante, plus encore que le soir où je t'ai vu la première fois.
Il agite son whisky, faisant taper les glaçons contre les parois du verre. Je le fixe sans comprendre ses changements de comportement. Je me souviens qu'à la première impression qu'il m'avait laissé, il avait quelque chose d'un peu effrayant, mais là, je trouve qu'il glace le sang. Je ne vais visiblement pas pouvoir obtenir de lui les informations que je cherche. Je me tourne, à la recherche de Fanny, elle est entrain de battre des cils en discutant avec le jeune et charmant Henry qui travaille dans notre service ; il me semblait qu'il craquait pour Martha pourtant ? Mais lorsque je vois la belle brune au bras d'un homme à l'allure de surfeur californien, je comprends pourquoi il ne lui a pas fais d'avantage de charme ; elle est déjà prise. Fanny me surprend, à peine célibataire qu'elle jette son dévolu sur un autre, elle s'est plutôt bien remise de sa rupture. Un vrai coeur d'artichaut.
Je tente de m'écarter de Gavin qui me colle et a son regard qui s'appesantit un peu trop sur mon décolleté à mon goût. J'ai espoir qu'Harry me vienne en aide, mais ce que je vois me fend d'avantage le coeur et me fait même oublier jusqu'à la présence insupportable de Gavin.
Clemence fait les yeux doux à Harry, elle le touche, et il ne se défait pas de son emprise. Il semble même faire des blagues puisqu'elle rit aux éclats, elle est loin de s'en cacher et je la soupçonne même de faire exprès de rire si fort pour que je les vois. Il flirte avec elle juste sous mon nez et cela a l'air de beaucoup lui plaire. Mais qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ? J'ai l'impression qu'il s'amuse avec moi, et cela ne me plait pas du tout.
J'attrape une nouvelle flute de champagne, et ce qui me semble être une Margarita, ou peut-être deux. Je ne veux pas être soule et je suis loin de l'être, j'espère seulement que l'alcool enveloppe mon coeur pour ne pas qu'il se brise.
- Mesdames et Messieurs, s'il vous plait.
Harry appelle au silence dans la salle.
- Mon père et moi voulions vous remercier, vous tous qui faites ce que le Cabinet H & H Crayton est aujourd'hui.
Une première série d'applaudissements se fait entendre.
- Tout d'abord, nous voulons souhaiter une bonne retraite à ceux qui nous quittent, comme vous, George, ne vous cachez pas, je vous vois !
L'assemblée se met à rire et le fameux George lève son verre en direction d'Harry.
- Mais nous souhaitons aussi la bienvenue à nos nouveaux collaborateurs qui ont déjà fait leurs preuves.
Il m'adresse un regard, souriant, mais je reste de marbre.
Harry prends la peine de remercier l'ensemble du personnel, et tout le monde boit ses paroles. « Des salades », pensé-je. Je suis véritablement hors de moi.
Puis il remercie Clemence pour ses "bons et loyaux services". Et je la vois battre des cils. Ils se sourient avec complicité, sans aucune retenue. J'hallucine. Il m'a à peine adressé la parole, et il drague ouvertement et publiquement cette vipère alors même qu'il m'a donné rendez-vous à l'étage quelques instant auparavant ? C'est du délire. À quoi il joue ?
Une fois son discours terminé, il lève son verre pour porter un toast et boit une gorgée de son verre. L'assemblée fait de même, par mimétisme lors de ces moments. En descendant de l'estrade, un photographe prend une photo de lui. Clémence se rue dans sa direction pour apparaitre sur le cliché suivant. « Garce », hurlé-je intérieurement.
Laura est avec Chris entrain de parler de leur bébé, Stephanie regarde amoureusement Jamie, et Fanny semble de plus en plus proche d'Henry.
Je prends le soin de lancer un énième regard à Harry avant de prendre la direction des escaliers. Je dois attendre peu de temps dans le hall de l'étage avant qu'il ne franchisse le seuil de la porte.
- Je suis tout à toi.
Je me mords la langue. Tout à moi ? Quelle blague ! Il faut que je garde mon calme, je dois savoir pourquoi il m'a évité depuis notre retour de la France avant que je n'explose.
- Tu m'évites ?
- Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
- Depuis qu'on est rentrés, tu ne m'as pas adressé la parole, et hier tu n'es pas venu, alors je me pose la question.
Je le vois souffler doucement en s'appuyant contre la tranche d'un bureau.
- Mon père était souffrant hier et m'a fait venir chez lui. Il ne voulait pas que cela se sache et je n'ai pas vraiment travaillé hier, même Laura me l'a fait remarqué en me demandant de lui envoyer le formulaire.
Devant mon silence gêné, il reprend.
- Donc non, je ne te fuis pas.
- Excuse-moi ...
Il s'approche de moi pour me caresser la joue, mais je me recule rapidement.
- À quoi tu joues ?
- Je te demande pardon ?
Il ne comprend visiblement pas où je veux en venir.
- En bas, avec Clemence.
Il soupire de nouveau, même cette fois-ci, il semble agacé et ne veux pas répondre.
- Tu flirtes avec elle devant tout le monde, devant moi, Harry.
- C'est du business.
- Tu plaisantes ? Tu fais les yeux doux à une collaboratrice, une employée pour du business ? Tu me prends pour une idiote ?
Il ne sait visiblement plus quoi me répondre, prit la main dans le sac.
- Tu crois que je ne vois pas que ça te plait, ce petit jeu du chat et de la souris avec elle ?
- Arrête de fabuler, Eden.
- Je ne fabule pas. Tu sais qu'elle et moi, nous avons une relation ... Disons tendue. Elle me déteste, tu l'as vue s'en prendre à moi puisque tu es intervenu, et tu la dragues sous mes yeux, après ce qu'il s'est passé en France ?
Harry se passe la main dans les cheveux avec vigueur. Son énervement est si important qu'il transparaît dans son attitude même.
- Eden, ça suffit.
Il marche de long en large dans le bureau depuis plusieurs instants.
- Pourquoi ? Explique moi.
Je croise les bras sur ma poitrine, j'attends une réponse et j'ai mon temps, surtout qu'il n'y a que nous deux dans cet espace. Je ne veux pas me dégonfler avant d'avoir la réponse à ma question.
- Je fais encore ce que je veux, nous ne sommes pas ensemble, Eden !
Il n'a pas pris la peine de me regarder lorsqu'il m'a presque crié cette phrase ; il continue sa course contre la montre dans le hall de l'étage. Je me sens minable. Qu'est-ce que je croyais ? Même si c'est un gentleman, Harry peut avoir n'importe quelle fille, pourquoi se limiter à moi ? Je suis une idiote. Il m'a poignardé dans le dos et sa dernière remarque me rabaisse plus bas que terre. Puis, comme s'il se rend compte de ce qu'il vient de dire, il lève les yeux vers moi, pas réellement sûr de l'avoir dit. Je ne suis moi-même pas réellement sûre de l'avoir entendu.
- Non, attends, ce n'est pas ce que je voulais dire.
Il tente encore de s'approcher de moi, mais je recule toujours.
- J'ai compris Harry, message reçu. Bonne soirée.
Je tourne les talons en direction des escaliers. Du coin de l'oeil, je le vois me regarder partir, impuissant. Il se prend la tête entre les mains, il s'arrache presque les cheveux. Même si le voir comme ça m'est insupportable, je ne compte pas faire demi-tour, il m'a suffisamment fait mal.
Je retourne à la réception, je veux rentrer et je cherche Fanny du regard. Lorsque je la trouve, je ne suis pas surprise de la voir avec Henry.
- Fanny, je vais rentrer.
- Euh ... Ça ne t'ennuie pas si je reste encore un peu ?
Elle s'approche de moi pour ajouter dans un murmure.
- Je pense que je vais rentrer tard.
- Ou très tôt ... Tiens, prends ce double.
Je lui tends le trousseau de secours que j'ai toujours sur moi. Elle retourne s'assoir près d'Henry et je dis au revoir à mes amies. Je m'engouffre dans l'ascenseur, je vois Harry retourner au cocktail, il se tourne vers moi, son expression est indéchiffrable, un mélange d'énervement et de culpabilité. Lorsque les portes referment devant moi, je ne ressens plus rien tellement je suis vide, à part les larmes qui roulent sur mes joues.
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