Chapitre XV
Je termine ma journée, exténuée. Mon appétit est coupé si bien que seules quelques feuilles de salade peuvent trouver refuge dans mon estomac. Je n'ai pas eu de nouvelles d'Harry de la journée et j'ai pris la décision de ne pas chercher à le joindre, je ne veux pas donner l'impression que je lui cours après, que tout est gagné avec moi, ce serait le summum du pathétisme. Au contraire, son comportement me déstabilise.
En arrivant chez moi, je prends la laisse de Chaussette pour aller courir, il doit se dégourdir et moi me vider l'esprit. Le souvenir de la nuit passée avec Harry me revient en mémoire. Mon souffle s'en coupe encore. C'était tellement intense. Mais je tiens à chasser sa présence de mon esprit, alors j'enchaine les foulées, je sens mon pouls s'accélérer et ma respiration devenir de plus en plus saccadée. La chaleur me monte aux joues. Chaussette a une bonne longueur d'avance sur moi, comme à son habitude. Soudain, quelque chose attire mon attention. Quelqu'un vient de se placer à côté de moi pour courir. Comme technique de drague, j'ai connu mieux. Parler avec quelqu'un en étant transpirant, ce n'est pas idéal. J'entends qu'il essayait de me parler malgré mes écouteurs. Je n'aime pas qu'on insiste trop, alors je me tourne pour lui dire gentiment que je ne suis pas intéressée, mais lorsque je croise son regard, ma course s'arrête immédiatement. Matthew. Entre le comportement d'Harry aujourd'hui et l'apparition soudaine de Matthew, je ne sens que de la colère monter en moi.
- Eden, en voilà une bonne surprise.
C'en est trop. Ce doit être ma fête aujourd'hui.
- C'est sûr que ce ne peut-être qu'une surprise de se croiser puisque tu ne m'as jamais répondu.
Je vois son expression changer. Il semble presque gêné. Presque.
- J'avais des choses à régler.
- Quel genre de « choses » avais-tu à régler avec Gavin, Matthew ? Hein ? Quel genre de « choses » pouvaient bien t'empêcher de m'envoyer ne serait-ce qu'un message me disant que tu allais bien ?
Je prends le soin de bien accentuer le mot « choses » en plaçant mes mains sur mes hanches pour lui faire comprendre mon agacement. Plus je parle, plus je m'énerve. Je sens mon ton augmenter à mesure que mon agacement croit.
- Je ne peux pas t'en parler.
Je soupire en levant les yeux au ciel. Chaussette a vu que je ne le suivais plus et est venu me rejoindre. En voyant Matthew, il récupère une branche d'arbre pour qu'il lui lance, comme le soir où il m'a retrouvé dans ce parc. Je vais vraiment devoir lui apprendre à ne pas jouer systématiquement avec toutes les personnes qui me parlent.
- Oh, tu ne peux pas ou tu ne veux pas ? Tu as disparu sans aucunes explications et tu reviens aujourd'hui la fleur au fusil ? Tu te moques de moi ?
- Non, Eden, je ne me moque pas de toi.
- Alors parle moi.
Des passants nous regardent. Je tente de calmer la fureur qui émane déjà de moi alors que je n'ai toujours pas repris mon souffle.
- Non.
Matthew ne va pas tarder à atteindre un point de non retour dans mon énervement. S'il ne connait pas le cyclone Eden Clark, il va bientôt faire sa rencontre et se trouver en plein dans son oeil.
- Non ?
Mon ton est glacial, mes yeux se plissent de colère. Je replie les bras sur ma poitrine, attendant des explications que je ne vais probablement pas obtenir. Devant son silence, je reprends la parole.
- Alors pourquoi es-tu là ? Pourquoi avoir couru pour arriver à ma hauteur et être revenu si ce n'est pas pour me parler ?
Je suis clairement entrain de m'emporter, je suis peut-être même dans l'excès au regard de mes grands gestes qui attirent le regard de plus en plus de passants.
- Écoute Eden, calme toi. J'ai dû quitter la ville un temps et je n'avais pas de réseau alors je n'ai pas pu te joindre.
Le coup du réseau. Il y a une éternité qu'on ne me l'a pas faite celle là. Je suis prise d'un rire nerveux qui se transforme en sanglots. Je suis venue courir pour me vider l'esprit, au lieu de ça, Matthew est arrivé et a apporté encore plus de préoccupations ; et je ne parviens pas à m'ôter le comportement d'Harry. Je commence à vaciller, je me sens perdre l'équilibre. Je n'ai presque rien avalé de la journée, et je suis venue courir, respirant rapidement et à pleins poumons, ce n'est vraiment pas raisonnable. Le cocktail molotov parfait pour faire un malaise vagal.
- Eden ...
Matthew m'attire vers lui pour me consoler. Même si je ressens une immense et profonde colère à son égard, je me laisse aller. J'ai besoin d'extérioriser ce que je ressens, et il est le seul à m'apporter du réconfort en cet instant. Durant plusieurs secondes, Matthew me caresse doucement les cheveux d'une main, m'enserrant par la taille avec l'autre bras. Il a son menton appuyé sur le sommet de mon crâne. Me sentir dans ses bras m'a manqué en un sens. Je dois admettre que sa présence et sa désinvolture m'ont manqué aussi. Aucun de ses gestes n'est déplacés, il cherche seulement à me réconforter et je lui en suis reconnaissante.
- Si tu crois que tu vas t'en sortir avec ta panne de réseau, tu fais fausse route.
Je parle contre son torse, et je senti que ma remarque le fait sourire lorsque la peau de son menton, toujours appuyé sur ma tête, s'étire.
- Je le sais, tu me défies toujours. Je vais te ramener chez toi, si tu le veux bien ?
Je n'ai plus la force d'avancer seule, mes jambes flagellent trop. J'incline doucement la tête en signe d'acquiescement.
- Tu veux que je te porte ?
- Je n'ai plus d'énergie mais je ne suis pas morte.
Si cela l'amuse, moi je n'ai pas le coeur à rire. Il me tient par la taille et me presse contre ses hanches pour s'assurer que je ne tombe pas. Chaussette reprend sa course à une allure plus lente, mais près de nous. Je sens le regard de Matthew s'attarder sur moi à de nombreuses reprises, mais je décide de ne pas relever, je n'en ai ni la force, ni l'envie.
En arrivant dans mon appartement, Matthew semble surpris. Nous sommes effectivement assez loin de la superficie de son immense villa, mais il demeure particulièrement vaste pour Chaussette et moi.
- Il y a un problème ? En plus de ne pas m'avoir donné de nouvelles durant plusieurs jours, mon appartement n'est pas à ton goût ?
Mon ton est on ne peut plus sec, le comportement hautain de Matthew m'agace. Juge t-il mes gouts en matière de décoration ? Il s'approche de moi pendant que je m'asseois dans le canapé, complètement épuisée. Il glisse une mèche de cheveux derrière mes oreilles, m'offrant un magnifique sourire. Je suis toujours aussi subjuguée par ses lèvres si atypiquement sexy. Il plonge son regard bleu océan dans le mien, se faisant plus intense. Même s'il lui arrive de m'irriter, j'aimais sentir son regard sur moi, il a sa façon de me rendre unique.
- Pas du tout, Princesse, je t'imagine simplement vaquer à tes occupations, chez toi.
- Alors pourquoi cet air surpris ?
- Parce que je me disais que j'aimerai te voir faire ces choses de mes propres yeux.
Sa réponse me coupe le souffle. Je ne sais quoi répondre. Il me perturbe, énormément, mais je dois réprimer mon envie de lui sauter au cou après cette déclaration, surtout depuis ma nuit avec Harry. Devrais-je en parler à Matthew ? Honnêtement, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Matthew se lève et prend la direction de ma cuisine.
- Où sont tes verres ?
- Dans le placard du haut, à droite.
Il m'apporte de l'eau, prend son téléphone et me demande si je préfère manger chinois ou une pizza. Devant mon inquiétude, il reprend.
- Tu ne penses quand même pas que je vais partir sans m'assurer que tu manges quelque chose ?
Il marque un point, je n'aurais sans doute pas eu la force de me préparer à manger ce soir encore. Après qu'il ait commandé une Margherita pour deux, nous mettons une comédie romantique à la télévision, « Crazy Stupid Love ». Matthew m'a recouverte d'une couverture, et si j'ai gardé une distance de sécurité entre lui et moi, il ne tarde pas à m'attirer contre lui. Je pose ma tête contre son épaule. Je ressens vraiment un besoin de réconfort et Matthew est toujours là pour m'en donner.
Lorsque Emma Stone se retrouvé dans la villa de Ryan Gosling, je ne peux m'empêcher de rire quand elle perd toute son assurance en y entrant, et des larmes de rire se mettent à couler en entendant sa réflexion « on dirait du photoshop ! » quand le blondinet retire son tee-shirt.
- Tu es belle quand tu ris.
Je ne pensais que Matthew me regardait encore, et je me contente de lui répondre par un sourire provocant avant d'ajouter.
- Tu n'as rien à lui envier, tu es aussi passé par la case photoshop.
Je le sens agiter sa tête en riant. Il ne sait plus quoi dire alors je tourne la tête. Il rougit ! Matthew vient de rougir sans savoir quoi répondre, est-ce que c'est possible ? Je sens mes yeux s'écarquiller et mes lèvres former un « O » parfait.
- Quoi ?
- Je ne te connaissais pas si muet !
Il plante de nouveau son regard dans le mien, et je sens une tension naitre entre nous. C'est dangereux. Beaucoup trop dangereux, tous mes sens sont en alerte, ma raison me conjure de m'écarter de lui, mais mon corps ne veut rien savoir. Heureusement, le livreur de pizza sonne à la porte en bas de l'immeuble. Mon ventre se rappel à mon bon souvenir, j'ai une faim de loup.
- Est-ce que tu me diras un jour la vraie raison de ton absence ?
- Est-ce que tu me diras un jour la vraie raison de ta tristesse ?
Touché. Il a donc compris qu'il n'était pas la seule raison pour laquelle des larmes ont décidé de s'évader de mes yeux tout à l'heure.
Lorsque le générique de fin apparait à l'écran, je vois Matthew se relever et mettre sa veste. Il me surprend beaucoup de partir après avoir seulement veillé sur moi. Devant mon incompréhension, il me gratifie d'un nouveau sourire franc.
- Non, Eden, je ne compte pas passer la nuit avec toi.
La tournure de sa phrase est presque blessante, et il doit le percevoir puisqu'il se reprend.
- Je ne profite pas d'une femme à moitié endormie, et maintenant que je sais que tu vas mieux, je te laisse le temps de souffler. Je viens de rentrer et je ne vais pas te sauter dessus comme un barbare, bien que l'envie ne m'en manque pas. Je ne suis pas un homme de cromagnon.
C'est incroyablement gentil. Il s'approche de moi et dépose un baiser sur mon front. J'en profite pour l'agripper par sa manche et le faire revenir.
- Tu ne vas pas oublier de me donner des nouvelles ?
- Non, je ne peux pas oublier, et je te donne ma parole qu'on se reverra vite.
Il m'attrape doucement le visage et plante un pieux baiser sur mes lèvres ensommeillées avant de prendre la direction de la porte. En fermant la porte, il me lance un dernier regard, comme s'il partait à regret.
- Bonne nuit, Princesse.
Je reste sur mon canapé, à regarder un épisode de ma série quand la sonnette retentit. Je consulte l'heure, il est vingt trois heures quarante cinq. Qui cela peut-il être ? Je m'approche de la porte, m'apprêtant à voir Matthew derrière qui aurait fait demi-tour, et avant même que je n'ouvre la porte, je reconnais la voix qui s'élève.
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