Chapitre XIV
Je me réveille doucement, mes muscles aussi. Je sens des courbatures naissantes, et c'est tout à fait compréhensif. Je n'ai pas eu de relation sexuelle depuis tellement de temps que c'est comme courir un marathon après être restée sur un canapé une année durant. Nous avons passés une nuit merveilleuse, pleine d'euphorie, de bonheur, de magie et de légèreté. Peu importe qu'il soit mon collaborateur, peu importe qu'il soit le fils de mon supérieur, et peu importe qu'il finira par devenir mon patron. Rien d'autre que nous n'a eu d'importance cette nuit.
En m'étirant, je cherche Harry à tâtons mais sans succès. Je me redresse furtivement. L'idée qu'il ait pu prendre l'avion du retour sans moi en refusant délibérément de me réveiller me traverse l'esprit. Peut-être a-il regretté ? Puis, j'écoute plus attentivement et entend le bruit de l'eau. Je me sens soulagée, il est entrain de prendre sa douche dans la pièce d'à côté. De retour dans ma bulle, je rediscipline rapidement mes cheveux et me laisse retomber dans les coussins.
Quelques minutes s'écoulent avant que je n'entende la porte de la salle de bain s'ouvrir. Harry a ouvert le seuil de la porte et en apparaît une serviette enroulée sur ses hanches, entrain d'ébouriffer ses cheveux à l'aide d'une deuxième serviette de bain, plus petite. En me voyant, son visage s'illumine. Même si je peux contempler et embrasser ce corps durant des heures, je ne peux m'empêcher de le détailler encore. Cela doit être une violation des lois fédérales que d'être aussi beau.
- Je vois que la marmotte se réveille !
- Marmotte ? Il n'est que sept heures du matin, et on ne peut pas dire que tu m'ai laissé dormir suffisamment cette nuit, sans parler du décalage horaire ...
Il secoue la tête en souriant et je glisse dans sa direction. Je l'attrape doucement en l'attirant vers moi pour commencer à embrasser son torse. Il soupire de plaisir, et enfouit ses doigts dans ce qui reste de mes boucles d'hier soir. Puis, il prend mon visage entre ses deux mains, et me fixe de ses yeux marrons intenses.
- Il est sept heures et demi, on doit être dans la voiture d'ici une demi-heure pour avoir notre avion puisque Monsieur Starling nous a confirmé qu'il faisait appel à nous, donc, on dois partir plus tôt ... Mais crois moi, tu vas manquer quelque chose !
Il dépose un baiser sur mon front, puis prend la direction de sa chambre pour s'habiller en m'adressant un clin d'oeil. Je vais avoir besoin d'une douche froide pour tempérer cette frustration. Ma petite bulle de bonheur vient d'éclater, pourquoi ne pas avoir justement profité de cette journée de répit pour être juste entre nous ?
Nous prenons le petit déjeuné dans l'avion, et peu après, je m'endors sur l'épaule d'Harry qui n'a cessé de me caresser les cheveux. Je suis vraiment exténuée mais, je ne me suis jamais sentie aussi bien près d'un homme, surtout le lendemain d'une nuit aussi folle. Lorsque nous atterrissons, je me sens chez moi. Mais une petite boule vient de se nicher dans mon estomac : mon séjour idyllique se termine et je vais devoir affronter les aléas de la vie, ou du moins la tornade Clemence qui, a coup sûr, n'a pas supporté que je puisse partir en France avec Harry.
J'ai le reste de la journée pour moi. En rentrant, Chaussette me fait une fête d'enfer ; je lui ai terriblement manqué, et c'est vrai que j'avais hâte de retrouver ces petits yeux implorants de câlins.
- Désolée mon gros, mais aujourd'hui on ne va pas courir, je suis toute courbaturée !
En allant le promener, j'appelle Stephanie pour la remercier de s'être occupée de lui et lui dire que j'étais rentrée un jour plus tôt, elle est ravie d'avoir eu l'occasion de le faire.
- Si Jamie n'était pas allergique, j'en aurais une colonie ! Me dit-elle, euphorique.
Après avoir raccroché, Laura m'a envoyé un texto : « Alors, ce séjour ? Je veux tout savoir ! On prend un café au Starbucks pour un débriefing ? ». Elle me fait rire, toujours impatiente, mais j'accepte sa proposition avec entrain.
Je suis déjà assise en terrasse avec nos cafés lorsque j'aperçois Laura, j'ai l'impression que son ventre s'est encore arrondi. Elle n'a plus que deux mois à tenir avant d'arriver aux termes de sa grossesse.
- Oh merci pour le déca', c'est adorable.
Je la vois peiner à s'assoir, mais une fois qu'elle y est parvenue, c'est comme si elle venait de faire une interminable ascension au Mont Everest.
- Je crois qu'elle commence à faire de la danse dans mon ventre ... Je la sens déjà entrain de faire ses grands jetés !
Sa remarque me fait rire. J'imagine aisément Laura dans quelques années, assister aux spectacles que sa fille donnera, peut-être est-ce une future danseuse étoile ?
- Bien, maintenant tu vas me dire ce qui te fait autant sourire !
Elle est impatiente, et je sais que si je ne m'exécute pas, je vais subir ses foudres, elle peut se montrer extrêmement persuasive.
- Tu seras sans aucun doute contente d'apprendre que j'ai appliqué tes conseils à la lettre.
Son sourire s'étire d'avantage, et son regard laisse comprendre qu'elle attend la suite et ne lâchera pas le morceau de si tôt.
- Je ... Hum ... Disons que nous avons dormis dans la même chambre.
- Je le savais ! J'en étais sûre ! Comment c'est arrivé ?
Je lui raconte la provocation d'Harry et ma réponse à son jeu avant qu'il ne me suive jusque ma porte et ce qui en a suivit. Elle n'en revient pas.
- Attends ... Tu es entrain de me dire qu'il t'a quasiment sauté dessus ?
- Plus ou moins oui.
- Wow. C'est ... Surprenant.
Elle a longuement hésité avant de finir sa phrase, elle cherche ses mots et semble pensive. Ce silence soudain ne me dit rien qui vaille.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Et bien, cela ne lui ressemble pas.
À présent c'est mon regard qui l'oblige à poursuivre.
- Il m'est arrivé de parler avec des anciennes petites amies d'Harry et elles me l'ont décrit comme étant tempéré et mesuré. Sur tous les plans. Elles ont toujours dû prendre les devants avec lui.
Je dois admettre que l'évocation d'anciennes petites amies ne me plait pas. Cela me fait l'effet d'un couteau que l'on plante en pleine poitrine. Mais je ne dois pas montrer mes faiblesses, même devant mon amie. Il s'agit de son passé, et je ne peux lui en tenir rigueur.
- Qu'est-ce que tu insinues ?
- Je ne sais pas, ce n'est pas l'homme dont on m'a parlé maintes fois ... C'est étrange.
La réflexion de Laura me laisse perplexe. Je regarde Chaussette couché à mes pieds, il m'adresse un regard implorant, désireux de rentrer boire après s'être dépensé au parc, et je choisi délibérément de mettre fin à la conversation, celle-ci me perturbe trop, je ne sais quoi penser de ces révélations. J'ai besoin de temps pour réfléchir, mettre les choses au clair avec moi-même.
Le lendemain matin, je suis un peu angoissée à l'idée de retourner au cabinet. J'appréhende de voir Harry. Voilà pourquoi j'ai toujours refusé et mal vu l'idée d'avoir une relation avec un supérieur ou un collègue, cela génère des situations délicates mêlées d'angoisse et de gêne dont on pourrait clairement se passer. Plusieurs questions traversent mon esprit : comment allons nous nous comporter face aux autres ? Va-il assumer ? Que sommes-nous l'un pour l'autre ?
En croisant le regard amusé de Laura, je comprends qu'il est déjà arrivé, mais lorsque je passe devant son bureau, celui-ci était vide. Je me rends dont dans le mon, déposant mon sac sur la table avant d'entendre la porte se refermer avec fracas.
- Que lui avez-vous fait ?
Clemence. J'en suis arrivée à un point dans mes réflexions tournant exclusivement autour d'Harry que l'idée qu'elle puisse me cracher son venin dessus à tout moment m'était complètement sorti de la tête.
- Pardon ?
- Je l'ai vu ce matin. Il n'était clairement pas comme d'habitude et nous savons que vous revenez de France ! Alors je répète, que lui avez-vous fait ?
C'en est trop. Voilà qu'elle m'accuse d'avoir causé du tort à Harry maintenant ! Elle va beaucoup trop loin, il faut qu'elle se calme, je ne compte pas être son bouc émissaire.
- Ne vous êtes vous pas dit qu'il était fatigué à cause du décalage horaire ?
Je tente une dernière fois d'être courtoise, c'est sa dernière chance.
- J'ai déjà fais plusieurs voyage avec lui, et le décalage horaire ne l'a jamais mis dans état pareil, ajouta t-elle sereinement en croisant les bras sur sa poitrine, l'oeil perçant.
Elle me pique au vif et je viens de ressentir un nouveau coup au coeur. Elle a fait des voyages d'affaire avec lui. Cela n'implique pas nécessairement qu'il se soit passé la même chose qu'entre nous, mais je ne parviens pas à chasser cette image de la tête. Après tout, le seul fait de voyager seuls est particulièrement propice à des rapprochements ... Je me souviens alors de la photo d'Harry et de Clemence que j'ai trouvé sur Google le jour de mon entretien, elle m'avait fait le même effet ; il m'était complètement impossible de chasser de mon esprit la possibilité qu'ils soient simplement amis.
- Alors peut-être que de vous voir de bon matin lui a tourné sur le coeur.
Elle me regarde interdite. Et après plusieurs secondes au cours desquelles nous entamons une joute visuelle, elle retrouve l'usage de sa voix.
- Vous avez couché avec lui ?
- Quoi ?... Non ! Mais, cela ne vous regarde pas !
- Au contraire, je dois savoir dès maintenant si quelque chose est susceptible d'altérer la qualité de son travail, et si vous êtes ce « quelque chose ».
Bien, maintenant je suis une chose. Cette histoire va de mal en pis. Plus le temps passe, et plus nous nous détestons elle et moi.
- Sachez que vous n'êtes pas moi, alors cessez de prendre vos désirs pour des réalités. Vous devriez retourner travailler au lieu de passer votre temps à m'agresser.
- Moi ? Je vous agresse ?
Elle prend un air ingénue en mettant ses mains sur son coeur, comme si ce que je venais de lui dire l'avait blessé. Comme si elle avait un coeur. Clemence peut jouer l'innocente, mais cela ne prendra pas avec moi.
- Je peux faire de vous ce que bon me semble, Harry sera plus enclin à m'écouter et prendre mes remarques en considération. J'ai réussis à faire démissionner bien des filles avant vous, ce ne sera pas bien différent cette fois-ci.
- Serait-ce une menace ?
Je suis au bord de l'explosion. Je vois qu'elle jubile au souvenir de ses anciennes persécutions. Un tel comportement me révolte. Comment peut-on jouir du seul fait de s'en prendre à quelqu'un ? Et de manière purement gratuite de surcroit ! Cela me dépasse franchement.
- Non, c'est une mise en garde.
Sur ces mots pleins de sens, elle m'adresse un sourire cruel et conquérant avant de sortir de mon bureau.
Dans le même instant, la sonnerie de mon téléphone retentit, le numéro de l'accueil s'affiche.
- Laura ?
- Oui, il s'est passé quelque chose avec Harry ce matin ?
- Non, pourquoi ?
Son ton est pressé mais elle parle faiblement, elle doit surement faire en sorte qu'on ne l'entende pas.
- Harry vient de partir, il m'a dit qu'il se sentait mal, qu'il travaillerait à domicile pour aujourd'hui. Depuis que je travail ici, ce n'est jamais arrivé. Même avec quarante de fièvre il vient travailler au Cabinet.
- Oh ...
Après un long silence, Laura reprend.
- Je dois raccrocher, un client arrive.
Je raccroche le combiné. Je reste debout encore quelques instants avant de me poser sur mon fauteuil en prenant ma tête entre les mains. Harry est parti. Il ne m'a pas adressé un mot. Cela a surement un rapport avec notre séjour en France, je vois difficilement comment cela pourrait en être autrement. Mais pourquoi ? Je ne comprends pas ce que j'ai pu faire de mal. Je masse vigoureusement mes tempes, tachant de me ressaisir avant de me remettre au travail. Mais que se passe t-il ?
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