Chapitre VII
Je remonte dans mon appartement. Chaussette m'attend déjà devant la porte. Je lui dépose un baiser sur le front avant d'aller me changer. Si je vais à Central Park vêtue de la sorte, on me demandera sûrement le prix de ma prestation et l'idée d'être reluquée par des pervers me répugne au plus haut point, « tout comme être touchée par l'un d'eux ... » me murmure une petite voix intérieure.
J'enfile une tenue rapide composée d'un leggings noir, d'un sweat à capuche et de chaussures de running. J'ai besoin d'extérioriser toute cette tension accumulée ces dernières heures.
Je sens mes muscles se contracter rapidement, mes palpitations cardiaques prennent une allure folle, au rythme de la chanson qui se diffuse dans mes oreilles. Je suis à bout de souffle, mais je veux continuer, repousser mes limites physiques. Je puise au fond de mes réserves. Et cette fois, j'ai réussi à dépasser Chaussette, mais je le soupçonne d'avoir ralentit la cadence pour me laisser le rejoindre.
La semaine s'est écoulée à une vitesse folle. J'ai entamé un nouveau dossier portant sur des maltraitances conjugales exercées par l'épouse, et j'ai également bouclé le dossier du divorce. Si je parviens à être suffisamment convaincante aux yeux du juge, la cliente du Cabinet, ma cliente, devrait pouvoir obtenir la moitié de l'important patrimoine du couple, mais également une compensation alimentaire particulièrement généreuse et la garde exclusive de leurs deux enfants. Je me souviens encore de la réunion qui s'est tenue avec elle et Harry, plus tôt dans la soirée.
- Vous êtes sûrs de vous ?
- Vu le travail fournit par Maitre Clark, si vous n'obtenez pas ce qui est écrit sur le papier, je m'entretiendrai personnellement avec le juge pour qu'il révise son jugement !
Harry savait se montrait persuasif. J'aimais beaucoup le regard pétillant qu'il avait lorsqu'il il mettait tout en oeuvre pour convaincre son interlocuteur. Il enchainait les arguments et ne laissait pas de place aux doutes, il était particulièrement persuasif. Cette rapidité d'enchainement des arguments brouillait facilement les pensées et permettait aisément d'arriver à la même conclusion que lui, sans la moindre protestation.
- Tout ce que je veux, c'est lui faire payer toute la souffrance qu'il m'a fait endurer ! Alors, prenons lui jusqu'au dernier centime si c'est possible, je veux l'anéantir.
- C'est comme si c'était fait.
Nous nous sommes tous les trois levés, et nous sommes serrés la main d'un air entendu. Puis elle a quitté la salle de réunion aux nombreuses étagères éclairées par des lumières internes qui laissaient voir d'anciens livres de droit. Harry s'était tourné vers moi.
- Nous allons le prendre ce verre ?
Il souriait largement. Nous n'avions pas pu honorer notre rendez-vous lundi, il avait beaucoup trop de travail, aussi, je me suis contentée d'acquiescer.
Lorsque nous sommes arrivés au café-bar, la lumière était légèrement tamisée, ce qui laissait planer une ambiance romantique et sensuelle. Ce n'était vraiment pas propice à une simple discussion professionnelle autour d'un verre.
Harry avait bu plusieurs whisky sec, tandis que j'enchainais des Pina Colada. Je ne me souvenais plus du nombre de verre que nous avions écoulés, cinq, peut-être six. La tête me tournait, et je sentais la musique d'ambiance me transporter dans un univers à part dans lequel la présence de l'homme assis en face de moi n'était pas de trop. Mais pourquoi buvais-je autant ?
- Parlez-moi de votre enfance, Harry ?
Il semblait amusé par ma question, et hésita quelques instants avant de me répondre. Il sondait mon regard afin de savoir si je plaisantais.
- J'ai grandi dans une grande maison à l'extérieur de New-York, dans une famille aimante mais avec un père souvent absent comme vous devez vous en douter. On ne peut pas bâtir une telle réputation en restant chez soi à jouer avec ses enfants ...
- Est-ce pour cela que vous avez fait du droit ? Je veux dire, pour passer plus de temps avec votre père ?
Je sentais l'alcool me donner du courage, et je devais admettre que j'en profitais, d'autant que la substance qui coulait dans les veines d'Harry le rendait plus réceptif aux questions. Une mèche de cheveux blonds retombait sur son front, il y passait frénétiquement ses mains, puis ses yeux s'agrandirent ; il paraissait réfléchir largement à la manière de répondre à ma question.
- Peut-être ... Je dois avouer que je n'avais jamais vu les choses sous cet angle ...
Il fit une brève pause avant de continuer rapidement, il ne voulait visiblement pas s'attarder sur le sujet.
- J'ai aussi un frère. Il prenait souvent ma défense quand nous étions petits. On a longtemps été rivaux, mais nous avons pris des chemins ... différents. Je le protège à présent, en un sens.
- C'est très généreux de votre part.
Il avait relevé la tête vers moi, un sourire séducteur se dessinant sur ses lèvres.
- Vous êtes vraiment intrigante.
Pardon ? Je ne savais plus où me mettre, j'étais totalement déstabilisée ! Mais il ne fallait pas que je perde mon sang froid. Je repris une gorgée de cocktail pour reprendre un peu de contenance avant de poser la question qui me brulait les lèvres depuis son invitation.
- Vous emmenez toutes vos nouvelles recrues siroter des cocktails dans un bar ?
Nous nous mimes à rire. Il avait ses manches retroussées, et il bascula sa tête en arrière, et les muscles de ses pectoraux apparurent dans l'encolure de sa chemise. Sous ce faible éclairage, il était divinement beau, j'en avais le souffle coupé.
- Non, pas toutes les nouvelles recrues, seulement celles dont j'ai envie d'en apprendre plus.
Oh.
Il a tendu sa main pour replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille, et sa main s'est attardée sur ma joue. Mon rythme cardiaque s'est accéléré. Je voyais son visage se rapprocher doucement du mien. Ses lèvres étaient si proche que je pouvais sentir l'ambre du whisky mélangée à son haleine mentholée. Les choses se déroulaient à une lenteur affolante. Je voulais seulement sentir ses lèvres sur les mienne. J'ai légèrement avancé mon visage pour me rapprocher, mais il a fait un mouvement de recul en retirant immédiatement sa main. Il s'était éclairci la voix en faisant mine de toussoter avant de mettre fin à notre petite sortie.
- Il se fait tard et je dois me rendre tôt au bureau demain. Nous devrions y aller.
Alors que je me retrouvais pantelante face à lui, je commençais à réaliser ce qui venait de se produire. J'étais véritablement plus enivrée que ce que j'aurais dû. Qu'étais-je entrain de faire ? Visiblement il en avait envie aussi, pourquoi me repousser de la sorte ? J'ai senti un malaise s'installer. Après être montée dans un taxi, je l'ai regardé s'éloigner vers le Cabinet.
Ce matin, je me suis de nouveau dirigée vers le parc avec Chaussette pour me défouler. J'enchaine les foulées de plus en plus vite, je veux me vider de mon énergie. Décidément, cela fait deux semaines à peine que je suis arrivée dans ce Cabinet, et je n'ai jamais fait autant de sport, je me sens tellement tourmentée !
Alors que j'entame un nouveau tour du parc, je sens mon téléphone accroché à mon bras vibrer et ma musique s'arrêter. Je ralentit la cadence pour appuyer sur le petit bouton des écouteurs, essoufflée.
- Oui ?
- Eden ? C'est Harry.
Ah. Harry. C'était bien la dernière personne que je pensais m'appeler un samedi. Quoique non, c'est plutôt un appel de Clemence qui me surprendrait. Je préfère le laisser continuer plutôt que de prendre la parole. Je suis bien trop gênée depuis notre soirée d'hier, et ce n'est pas le sport qui me fait accélérer le pouls en cet instant.
- Je suis confronté à un problème. Pouvez-vous venir exceptionnellement au Cabinet à treize heures ?
Je consulte ma montre. Midi dix. Je vais devoir interrompre ma séance sportive. Il n'est quand même pas gêné de me laisser à peine cinquante minutes pour me préparer, il n'est pas au courant que les femmes mettent un temps fou à se pomponner ?
- Bien-sûr, c'est comme si j'étais là.
Je dois reconnaître que je suis assez enthousiaste en un sens. Après m'avoir gratifié d'un remerciement soulagé, je raccroche et rentre prendre une rapide douche avant de prendre la direction du cabinet.
Après ma séance de sport improvisée, je dois reconnaître de que je suis très fatiguée. D'autant que j'ai peu dormi cette semaine, depuis mardi en fait. J'aurais voulu pouvoir profiter de mon après-midi pour dormir un peu.
En arrivant au Cabinet, je monte directement au quatorzième étage, mais lorsque les portes s'ouvrent, je ne vois pas Harry m'attendre. Suis-je en retard ? En regardant le cadrant de ma montre je constate que j'ai cinq minutes d'avance, ce qui me surprend moi-même. Je le vois sortir en trombe de son bureau, et se diriger à grands pas vers moi. Il a de grandes cernes sous ses yeux, depuis quand est-il là ?
- Eden, pardonnez-moi pour le dérangement.
Il me fait rapidement signe d'entrer dans son bureau. Je suis inquiète face à tout cet empressement. Je prends place sur le siège que je connais vraiment bien à présent.
- J'ai pu lire sur votre curriculum que durant vos études, vous aviez suivi une spécialité en droit français ?
- C'est exact.
Son visage s'illumine instantanément.
- Un nouveau client vient d'arriver au Cabinet. Un potentiel gros client français qui a un litige dans son pays et il demande notre avis. J'ai passé la nuit sur ce dossier mais le droit français est assez complexe quand on ne l'a jamais étudié. Pensez-vous pouvoir m'aider ?
La nuit ? Il est revenu travailler après notre virée ? Je me sens de nouveau rougir.
Je peux voir dans son regard toute la détresse et la supplication que cela implique. Il est vraiment au bout du rouleau.
- Bien-sûr ! Mais, je n'ai pas terminé le dossier sur les violences et ...
- Ne vous en faites pas pour ça, votre audience est dans un laps de temps suffisamment long, et si jamais c'est nécessaire, je confirai ce dossier à Clemence.
Comme c'est étonnant. Une vipère, sournoise comme elle, doit repérer des proies masculines, des victimes, pour les mettre dans son lit et je l'imagine parfaitement capable d'y trainer le client. Cette idée me déforme le visage de dédain.
- Je vais vous aider, je ne vous laisserai pas dans cette panade ! M'exclamé-je.
Après avoir poussé un soupir de soulagement, il récupère ses papiers et m'annonce que durant toute la semaine, on va travailler dans la salle de réunion. Tous les deux. Puis il a ajoute un peu plus bas.
- Si je vous ai fait venir aussi rapidement, c'est pour la bonne et simple raison que je dois aller en France, deux jours durant, dès mardi afin de rencontrer ce client et lui expliquer nos angles d'attaque.
Une seconde, vais-je faire un travail dont il va s'attribuer tout les mérites auprès du client ? Il dois lire dans mes pensées, puisqu'il reprends sa phrase en m'adressant un large sourire.
- Enfin, maintenant, nous serons deux à le rencontrer !
Je reste muette, et sens que mes yeux s'écarquillent légèrement. J'ignore si c'est perceptible, mais cette nouvelle me laisser à la fois angoissée et excitée. Je vais partir deux jours en France, avec Harry. Et l'autre vipère ne sera pas là pour se l'accaparer. Je jubile intérieurement, mais je ne dois vraiment pas perdre de vue que Harry est un collaborateur de ce Cabinet, je ne suis pas sûre que je puisse céder à mes pulsions ... Mais pourquoi suis-je déjà entrain de m'asséner mentalement de questions qui ne me seront certainement d'aucune utilité ? L'incident d'hier soit était parfaitement clair à ce sujet, rien n'arrivera entre nous, alors je dois arrêter de m'imaginer toute sorte de scénarios qui me déstabilise plus qu'autre chose ! Souvent, je me demande si je suis la seule personne au monde s'imaginant des scènes romanesques absolument improbables ...
Nous nous installons dans la salle de réunion accompagnés de Macbook pour effectuer nos recherches.
Il s'agit d'une affaire assez complexe visant un cas d'accident particulier au travail. Notre client, Monsieur Starling, est le PDG d'une grande entreprise de transport française. Il rencontre quelques difficultés avec un de ses employés qui vient de gravement se blesser lors d'une mission qui lui a été attribuée : au cours d'un transport, l'enjoliver de la voiture le précédent sur l'autoroute s'est décroché et est venu s'encastrer dans le pare-brise. Sous le choc, l'employé a donné un grand coup de volant, la camionnette s'est retournée, entraînant deux autres véhicules dans l'accident. Si lui a été grièvement blessé, ce n'est pas le cas du conducteur d'un véhicule impliqué, décédé sur le coup ... Quelles étaient les probabilités pour que cette situation puisse arriver ? Je ne pensais même pas qu'un enjoliver puisse se décrocher avec autant de facilité d'une roue en mouvement ...
Harry cherche à minimiser la responsabilité de notre client et celle de son employé, mais, si l'audience est la finalité absolue de notre travail, il faut en premier lieu le convaincre que nous sommes les plus à même d'organiser sa défense.
L'après-midi s'écoule à toute allure. Vers dix-huit heures trente, je vais nous chercher des cafés ; nous commençons sérieusement à fatiguer et à être moins productif. Je tends le gobelet à Harry dont la main effleure la mienne lorsqu'il s'en saisit. À ce contact, je sens un frisson me parcourir de part en part en voyant les yeux de mon séduisant patron se plonger dans les miens avant qu'il ne se détourne, le rose lui étant monté aux joues. Je ne l'avais pas encore vu rougir, et cette légère teinte le rend touchant, comme si je me trouve face à un adolescent. Il baisse les yeux, tentant de se concentrer à nouveau sur le dossier en question et je suis subjuguée par sa beauté. Durant l'après-midi, il s'est débarrassé de sa veste de costume et s'est retroussé les manches de sa chemise noire. Il a tellement maltraité ses cheveux qu'ils sont dans un désordre monstre, mais cet ahuri le rend craquant. Je constate également qu'il n'a pas remis ses lunettes, à vrai dire, la seule fois où je l'ai vu les porter, c'est lorsque je suis entrée, un peu à l'improviste, lors de mon premier jour et il s'en est immédiatement débarrassé. Souvent, il se frotte le menton à l'aide de son index et de son pouce tout en mordant ses lèvres. Je me surprends à penser que j'aimerai qu'il pose ses longs doigts sur ma peau ... Mais je me file aussitôt une gifle mentale pour avoir de telles pensées et je pars à nouveau en quête de ma concentration !
- Je vous propose que nous nous arrêtions pour ce soir puisque nous avons quasiment terminé notre travail. Pour me faire pardonner de vous avoir ôté votre samedi, je vous invite à manger dans un petit restaurant proche d'ici.
Je sens mon coeur faire des bonds dans ma poitrine. Je suis toute excitée à cette idée, le malaise de la veille s'est dissipé. J'en suis même venue à la conclusion qu'il n'y avait que moi qui étais mal à l'aise. Deux rendez-vous en deux jours ? Je m'empourpre telle une adolescente, mais mes neurones me rattrapent rapidement en me répétant « c'est purement professionnel, il n'a pas voulu t'embrasser hier soir, c'était simplement les effets de l'alcool ».
Nous prenons nos affaires et quittons la salle de réunion. Une fois les portes de l'ascenseur fermées, je sens que l'atmosphère devient plus lourde. Il règne une tension palpable, mais j'ignore si cela vient seulement de moi ou si Harry la sent aussi.. Il se tient les mains et ne cesse de regarder dans tous les sens tout en balançant imperceptiblement d'un pied sur l'autre. Il la sent aussi. Je ne parviens pas vraiment à savoir ce que je suis censée dire, c'est une situation assez perturbante et je pense qu'il vaut mieux que je me taise pour ne pas aggraver la situation. Je dois sortir rapidement de cette boite étriquée avant que je ne commette l'irréparable ...
Lorsque nous sortons de l'ascenseur, nous passons devant le bureau de Laura et je me dis que je devrais lui proposer d'aller manger avec moi, lundi midi. Elle s'est montrée tellement gentille avec moi depuis mon arrivée à H&H Crayton, j'ai envie d'apprendre à la connaitre. Cela n'avait pas été possible cette semaine, elle était absente pour cause de maladie.
Nous marchons quelques mètres, parlant de l'immensité de New-York et des diverses manières d'en découvrir tous les secrets avant d'arriver devant un petit local particulièrement explicite quant au nom du dirigeant "Billy's House".
- J'espère que vous n'avez rien contre la junkfood ? Je dois reconnaître que je suis un fervent admirateur de Billy, il fait les meilleurs hamburgers de la ville.
- Bien sûr que non ! J'ai une folle envie de frites.
Il me regarde en arborant un sourire conquis, puis il pousse la porte pour me la tenir et me laisser entrer. Une petite clochette se fait entendre suivie de plusieurs voix, mais une s'élève plus haut que les autres.
- Harry ! Je me demandais quand tu allais venir ! Comme d'habitude ?
Un homme brun aux cheveux mi-longs avec un tablier l'interpelle depuis l'arrière du comptoir. Il n'y a qu'un seul cuisinier, j'ai donc rapidement déduis qu'il s'agit du fameux Billy.
- Oh, mais je vois que tu es en charmante compagnie ! Che bella ! Que voudriez-vous ma belle ?
Il m'adresse un large sourire dont le sens amical ne faisait aucun doute, mais je perçois Harry se tendre faiblement avant de s'interposer.
- Je te rappelle que tu n'es pas italien, Billy. Tu devrais attraper tes ustensiles pour nous préparer tes burgers et ranger tes yeux qui se baladent un peu trop sur ma collaboratrice.
Billy se met immédiatement au travail en lançant un « oui, chef ! » amical à l'intention d'Harry. Ils semblent se connaitre depuis longtemps ! Des amis de longue date surement. La dernière remarque d'Harry me fait rougir. Pourquoi cet élan de possessivité ? Je me dis intérieurement qu'il ne prend ma défense que parce que je travaille dans son cabinet. Du moins, je m'efforce de me convaincre moi-même même si j'aimerai toute autre chose ...
Nous nous asseyons l'un en face de l'autre, autour d'une petite table ronde. Mon téléphone sonne, mais le numéro ne m'est pas familier alors je décide de ne pas y répondre, et heureusement parce que nos sandwichs sont arrivés. Ils respirent le gras et la friture, aussi étrange que cela puisse paraitre, cette odeur est extrêmement appétissante.
Après quelques bouchées, je m'exclame malgré moi avec un râle de satisfaction qui n'est en rien séducteur.
- Hum ... C'est tellement bon !
- Je suis ravi que cela vous plaise.
On s'observe un instant entrain d'engloutir notre repas. Nous sommes comiques avec de la sauce partout sur le visage, les mains pleines de graisses et la bouche pleine. Nous avions vraiment un grosse faim.
- Je dois reconnaitre que vous me surprenez, Eden. Le travail que vous avez abattu aujourd'hui était impressionnant.
- Je dois vous rappeler que je n'étais pas la seule à fournir ce travail.
Je m'essuie délicatement la bouche, je viens de finir mon hamburger et je tente de paraitre encore un peu distinguée, tout du moins, j'essaye de sauver les meubles. Mais Harry se met à rire aux éclats en me regardant.
- Vous ... Avez de la sauce ... Sur le front !
Je sens ma mâchoire s'ouvrir et mes lèvres prendre un air stupéfait tout en essuyant la tâche en haut de mon crâne. Je ne peux pas m'empêcher de rire nerveusement, mais de quoi ai-je l'air ?
- Je passe un excellent repas avec vous, Eden. Je ne me suis jamais autant amusé avec un membre du Cabinet.
- Ce fut un plaisir partagé, Harry. Dis-je un peu ironiquement sachant qu'il fait sans doute référence à ma tache de sauce.
Intérieurement, je fais quand même des bonds. C'est comme si je piétinais Clemence en lui sautant dessus à pieds joints. Je suis sur mon petit nuage privé.
En sortant, Harry me tiens la porte, et m'invite à sortir en pressant délicatement sa main dans le creux de mon dos. Ce simple contact électrifie tout mon corps, et une vague de chaleur s'empare de moi si bien que je ne sens pas l'air frais m'envelopper. Instinctivement, j'entoure mon corps de mes bras, même si je suis en ébullition intérieurement, la chair de poule me trahie et je m'aperçois que j'ai oublié ma veste dans la salle de réunion. Harry retire la sienne pour la passer autour de mes épaules.
Il tient à me raccompagner puisque je ne souhaite pas prendre de taxi ; le restaurant ne se trouve qu'à deux rues de chez moi. Durant le trajet, nous continuons de parler des diverses modalités relatives au dossier, et notamment les points qu'il nous faudra d'avantage développer. Une fois devant mon appartement, il plante son regard dans le mien et rompt le silence qui venait de s'installer entre nous.
- J'ai hâte de faire ce voyage avec vous.
Je ne sais quoi répondre à cette déclaration, il me déstabilise de plus en plus. Voyant mon absence de réponse, il ajoute un peu maladroitement.
- Enfin, je veux dire que j'ai hâte de voir la façon dont vous allez défendre vos arguments face à notre client ...
- Ne vous en faites pas, je compte bien maitriser mon sujet sur le bout des doigts.
S'il savait combien j'aimerais passer mes doigts dans ses cheveux d'ailleurs en ce moment précis ...
Je lui rends sa veste, et il me serre la main de façon cordiale avant de s'éloigner. Ce geste me fait sourire, je le trouve presque inapproprié après la soirée que nous venons de passer ensemble. Enfin, avant que je ne me dise à nouveau qu'il n'attend rien de plus de moi que mon professionnalisme et mes connaissances juridiques. Rien de plus. Je l'observe tourner à l'angle des buildings avant d'entrer dans mon immeuble. Son odeur a déjà imprégné mes vêtements, c'est une odeur forte et boisée que j'hume avec plaisir.
Je sors de l'immeuble accompagnée de Chaussette que je dois sortir visiblement de toute urgence, et en le récupérant, je vois l'écran de mon téléphone s'allumer. Le même numéro de l'appel que j'ai rejeté tout à l'heure s'affiche, « ce doit être important » me dis-je en décrochant.
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