Chapitre IV

Je rentre chez moi en début d'après-midi, et toutes ces émotions m'ont épuisé. Je me saisis d'une couverture en polaire dans le placard de la chambre avant de m'installer devant la télévision du salon pour regarder un nouveau film.

Lorsque je me réveille en sueur et paniquée, l'après-midi s'est écoulée. Chaussette lui dort encore, imperturbable. J'aurais dû le nommer « marmotte ». Je me lève pour me servir un thé aromatisé au caramel, toujours enveloppée dans ma couverture pour méditer au rêve que je viens de faire.

Je me trouvais au Cabinet et il faisait nuit. La pendule du bureau dans lequel je me trouvais indiquait vingt-trois heures trente. La seule lumière qui éclairait la pièce plongée dans le noir était la lampe de bureau et l'écran de mon ordinateur. Je commençais à rassembler mes affaires quand quelqu'un frappa à la porte. Je me demandais qui cela pouvait être à cette heure-ci, le service de nettoyage était déjà passé, et en théorie, personne ne devait être là, à part moi. La porte s'était alors ouverte, et une silhouette en franchit le seuil. Harry.

- On fait des heures supplémentaires ? m'avait-il demandé, totalement immobile.

- Je voulais terminer une recherche.

Je continuais de rassembler mes affaires alors qu'il referma la porte derrière lui.

- Essayeriez-vous d'impressionner votre patron, Mademoiselle ? M'avait-il interrogé sur le ton du défi.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que c'est ce que j'essaie de faire, Monsieur ? Avais-je demandé sur le même ton.

Je m'étais arrêté de ranger mes affaires et avais croisé les bras sur la poitrine, signe de protestation. Je l'observais avancer doucement dans ma direction.

- Ne vous ai-je pas dis de ne pas m'appeler ainsi ?

- Ne vous-ai je pas dis de faire de même ?

S'il pensait que je comptais m'incliner sous prétexte qu'il était le fils du patron, il se trompait lourdement à mon égard.

- C'est vrai. Vous avez le sens du détail, Eden.

Il était derrière moi, j'entendais son souffle se faire de plus en plus court dans mon dos ; sa respiration s'était considérablement accélérée.

- Pour en revenir à ma question initiale, essayeriez vous de m'impressionner ?

- N... Non, Harry.

Je me sentais encore plus intimidée que le jour où je l'avais rencontré. Mon coeur tambourinait dans ma poitrine, et mon sang battait mes tempes si fort que je ne m'entendais même plus penser.

Il avait fait glissé une main le long de mon dos et j'avais senti un courant électrique me parcourir le corps sous le poids de sa main.

- Ce n'est pas l'impression que tu me donnes.

Me tenant fermement par la taille, il me retourna face à lui. Le marron de ses yeux avait pratiquement laissé place au noir de sa pupille, entièrement dilatée. Je sentais son souffle chaud sur ma nuque. Il lâcha ma taille, et pris doucement mon visage entre ses mains.
Ses lèvres s'approchèrent des miennes avec une lenteur affolante. Quand enfin elles se rencontrèrent, je me rendis compte de leur douceur avant que son baiser ne se fasse plus fougue et pressant. Je ne savais ce que je devais penser, ce que je devais dire ou même faire. Je sentais une moiteur s'installer rapidement au creux de mon intimité. En cet instant, plus rien n'avait d'importance que le contact de ses lèvres charnues sur les miennes, et la sensation nouvelle que ses baisers me procuraient.

Puis, tout avait basculé. Je me retrouvais spectatrice de la scène que je venais de vivre, mais ce n'était pas moi dans les bras d'Harry. C'était elle. J'entendais son rire sanguinaire, et lorsqu'elle posa son regard sur moi pendant qu'Harry déposait des baisers dans son cou, elle me gratifia d'un sourire satisfait et sournois. Le genre de sourire qui vous glace le sang.

Heureusement, c'est le moment que mon subconscient a choisit pour me réveiller, je n'ai aucune envie d'imaginer le reste de la scène, assister à cela dans mon rêve avait déjà été déstabilisant en soi. Qu'est ce que ce rêve peut bien vouloir signifier ?

Le lendemain matin, j'arrive avec un quart d'heure en avance au Cabinet. Je dois faire preuve de professionnalisme et être particulièrement ponctuelle, surtout le premier jour. Pour l'occasion, j'ai choisi de mettre un tailleur-jupe bleu nuit moderne. La jupe arrive juste au dessus du genoux, et est fendue sur une dizaine de centimètres à l'arrière, révélant partiellement les muscles de mes jambes qui, grâce aux talons aiguilles noirs vernis, sont d'avantage galbées. J'ai également mis une blouse en soie blanche avec un décolleté carré cassant l'aspect trop strict de la tenue. Ce matin, j'ai même opté pour un brushing afin apporter du volume et de la légèreté à mes cheveux, tout en arborant mon nouveau rouge à lèvre bordeaux. Je presse le bouton de l'interphone afin de pénétrer mon nouveau lieu de travail.

- Cabinet H & H Crayton.

- Excusez-moi de vous déranger, mais je n'ai pas les clés et ...

Je n'ai pas le temps de poursuivre que Laura a déjà repris.

- Mademoiselle Clark, je vous ouvre !

Le même bruit d'ouverture qui s'est élevé la veille me surprend les tympans, et je pousse la lourde porte. Le hall est toujours aussi majestueux et je n'en demeure pas moins sous le charme. Laura m'adresse de nouveaux sourires tout en m'annonçant qu'elle va devoir appeler Harry pour lui faire part de mon arrivée.

- Il est déjà là ?

Je sens déjà mes palpitations cardiaques s'emballer en l'imaginant sortir à nouveau de cet ascenseur, si bien que j'en ai les mains moites. Mais je dois aussi reconnaitre que cela m'effraie aussi ; je vais entamer une nouvelle vie dans ce Cabinet, je dois faire de mon mieux pour ne pas décevoir Harry, et le fait qu'il soit beau à damner ne m'aide en rien à garder mon sang-froid.

- Bien-sûr, il est là tous les jours avant tout le monde, dès sept heures et demies.

J'incline doucement la tête, pensive, tout en attendant devant le comptoir qui sépare Laura des clients qui viennent pour une consultation avec leurs avocats. Je l'observe, la main accrochée sur le téléphone. Hier, je n'ai pas remarqué le bleu de ses yeux. C'est un bleu clair qui me rappel la mer du sud de la France, si je ferme les yeux, je peux presque humer l'iode. La douce voix de Laura n'inspire que gentillesse et bonté. Je l'imagine bien derrière un micro, entonnant des airs de « l'hymne à l'amour » d'Edith Piaf. Son accent américain apporterait de la gaieté ainsi qu'une certaine part de tendresse à la mélodie. Elle repose le combiné.

- Vous pouvez monter, il vous attend. C'est au quatorzième étage.

Je me dirige vers l'ascenseur tout en la remerciant. Je suis un peu déçue que ce ne soit pas lui qui vienne, la vision que je venais de me faire précédemment ne se réaliserait donc pas. Je fixe à nouveau nerveusement les numéros des étages défiler en me triturant les mains. Les portes s'ouvrent brusquement et je me fige. Il est là, dans un costume marron glacé et une irrésistible chemise blanche entrouverte. Ses cheveux blonds sont suffisamment longs pour qu'ils prennent un aspect faussement négligé. Il consulte des documents présents dans une pochette noire en s'appuyant contre le mur, sa jambe droite croisée sur celle de gauche. Sa position semble avoir été étudié méthodiquement. Il relève les yeux et me détaille de bas en haut, avant de soutenir mon regard en souriant.

- Bienvenue, Eden.

- Bonjour, Harry. Dis-je, un charmant sourire plaqué sur mes lèvres.

Cette journée commence mieux que je ne m'y attendais.

- Avant de vous laisser vaquer à vos occupations, nous avons quelques formalités à régler. Allons dans mon bureau.

Sans plus attendre, il tourne les talons en direction de son office dans lequel je suis entrée la veille, d'un pas particulièrement décidé. Il prend place près de la porte et d'un geste d'une galanterie absolue, il me fait signe d'entrer la première. Après avoir pris soin de refermer la porte, il s'installe derrière l'imposant iMac, et de la même manière que le jour précédant, je m'assois sur le siège en face, posant mon sac cartable en cuir grainé sur le sol.

- Avant toute chose, mon père est en déplacement jusqu'à la fin de la semaine, vous le rencontrerez lundi matin. Je lui ai parlé de vous et il a hâte de faire votre connaissance !

Il m'adresse un sourire qui illumine son visage d'ange. Je suis d'ors et déjà nerveuse à l'idée de rencontrer Monsieur Crayton ... Toutefois, et ce juste avant que Harry n'interrompe le court de mes pensées, je me demande ce qu'il a bien pu dire à son père pour qu'il soit impatient à l'idée de me rencontrer ?

- Voici votre contrat, je vous laisse le consulter. Vous pourrez me le rendre à la fin de la journée, si vous avez des questions à ce sujet ou des amendements, n'hésitez pas à revenir vers moi.

Je survole les clauses, et je constate que la plage horaire s'étend de neuf heures du matin à dix-huit heures trente, comprenant une pause d'une heure et demie à midi. Ce temps de travail me convient parfaitement puisqu'il me permettra amplement de retourner chez moi pour sortir Chaussette.

Par ailleurs, je n'ai jamais perçu un salaire aussi scandaleusement élevé que celui précisé dans les clauses du contrat, et cela dans aucun de mes précédents emplois ; que ce soit durant un stage rémunéré, ou à l'occasion de l'exercice de l'un des petits boulots que j'ai pu obtenir au cours de mes études.

- Votre premier dossier à traiter est un divorce, c'est assez classique. Le Cabinet représente l'épouse qui a surprit son mari au lit avec sa meilleure amie. Enfin, je vous laisse découvrir toutes les pièces que nous avons pu récolter.

Il me montre le dossier noir qu'il examinait plus tôt, devant l'ascenseur. J'écoute patiemment toutes les instructions que Harry me donne en tachant de les retenir. Il est incroyablement expéditif. Veut-il en finir avec ces formalités qui semblent l'agacer, ou est-il seulement pressé de se débarrasser de moi ? J'ai l'impression d'être un poids en ce moment.

- Enfin, voici la clé de la porte d'entrée principale. Vous n'aurez donc plus besoin de sonner ou encore de vous présenter à Laura pour entrer.

Il se tait soudainement. Il semble particulièrement pensif en se saisissant d'une seconde petite pièce métallique.

- Et voici la clé de votre bureau. Il jouxte le mien.

Il marque une nouvelle pause, et prend une profonde respiration. Je peux constater que ses pupilles se sont légèrement dilatées, c'est presque imperceptible, mais le trouble qui a prit place l'espace d'un instant dans son regard l'a trahit.

- Je vais vous le montrer.

Il se lève, regroupant le dossier, le contrat et les clés. Sa main frôle la mienne lorsque je prends les divers documents de ses mains, et je sens un frisson me traverser de part en part. Je me demande silencieusement si Harry l'a ressenti aussi, mais je ne veux pas l'interroger du regard, cela pourrait aggraver ma situation.

En sortant du bureau, nous faisons faire quelques pas avant de nous retrouver face à une nouvelle porte, certes moins grande que celle d'Harry puisqu'elle n'a pas de double battant, mais elle demeure encore très large.

Il fait tourner la clé dans la serrure de la porte, et la pousse doucement ; je ne parviens pas à croire que cela puisse être mon bureau. Les sièges sont en cuir véritable, il y a une large commode, une armoire pour ranger mes divers livres de droit, et encore une pour archiver mes documents. Le bureau est aussi en bois noble, surmonté d'un ordinateur de travail Apple. Tout est parfait, magique. Alors que je furète dans mon nouvel espace de travail à la découverte de chaque recoins, Harry reprend la parole.

- Si l'envie vous prend de vouloir refaire la décoration, vous en avez la possibilité, mais venez m'en parler au préalable.

Il pose doucement sa main sur mon épaule et ce simple contact m'électrifie.

- Je vais vous laisser prendre possession des lieux. Lorsque tous les membres du Cabinet seront arrivés, je vous présenterai. Et n'hésitez surtout pas à m'interrompre pour me poser vos questions.

En prononçant cette dernière phrase, sa main s'est légèrement refermée sur mon épaule, et l'intonation dans sa voix a changé, se voulant plus insistante.

Je parcours les divers livres juridique qui garnissent les étagères de l'armoire. Certains sont devenus obsolètes, tandis que d'autres ont récemment été actualisé. Je marche dans la somptueuse pièce pendant plusieurs minutes avant de finalement décider de m'assoir, encore emprunte d'euphorie. J'allume l'ordinateur, et m'aperçois rapidement qu'aucun document de quelque sorte que ce soit ne vient parasiter le bureau virtuel de l'iMac.

Ce constat n'est pas grand chose en soi, mais il me fait prendre conscience que je tiens enfin mon nouveau départ, ma page blanche à écrire. Je me sens vraiment prendre ma vie en main, pour la première fois.

J'ouvre le dossier noir en poussant un soupir de plénitude, et me mets à analyser les différentes pièces produites par notre cliente.


Vers onze heures et quart, quelqu'un frappe à la porte. Je me lève pour aller ouvrir et tombe nez à nez avec Harry, qui visiblement s'apprêtait à entrer. Il semble aussi surpris que moi de ce face à face.

En éclaircissant sa voix, il m'explique qu'il est venu me chercher pour procéder aux présentations avec les différents membres de cet étage.

Je peux ainsi faire la connaissance de Greg, un brillant avocat spécialisé dans le droit pénal dont la rondeur de son crâne atteint d'une calvitie n'a d'égale que la rondeur de son ventre. Fanny a raison, je ne peux décidément pas m'empêcher de détailler les personnes que je rencontre, et souvent avec un esprit bien trop critique. Néanmoins, Greg semble sincèrement gentil. Il ne cesse de tourner son alliance autour de son doigt, il doit être en proie au stress.

Je fais également la connaissance de Jennie, une jeune femme rousse adorable et extrêmement souriante qui excelle en droit social. Elle est filiforme, et a une voix enfantine. Elle me fait penser à une petite fille sûre d'elle qui peut se mettre à taper du pied pour se faire entendre. Harry m'attrape doucement par la taille pour m'inviter à continuer les présentations et ainsi rencontrer la jeune et plantureuse Martha, une stagiaire temporaire avec des cheveux noirs et un regard de braise marron. Elle a un teint halé et des dents extrêmement blanches. Elle est vraiment ravissante, une beauté sans nom.

Henry se présente ensuite à moi, il est grand, plutôt jeune et séduisant. Ses yeux verts s'accordent parfaitement avec ses cheveux châtains mi-longs. Il s'occupe principalement de la liaison entre Laura à l'accueil, et cet étage, sans compter les diverses recherches juridiques qui lui sont attribuées. À la façon dont il regarde Martha, je comprends très vite qu'il en pince un peu pour elle.

- Mais, où est-elle passée ?

Je vois Harry courir partout. Je n'ai aucune idée de ce qu'il cherche, mais il ouvre violemment les portes de tous les bureaux.

- Quelqu'un a vu Clemence ? Je lui avais dis d'attendre ici !

Clemence ? Ce nom me dit quelque chose ... Clemence Chesterfield ? Pitié, non ... Le cours de mes pensées est interrompu quand une jeune femme blonde qui a relevé ses cheveux en une queue de cheval parfaitement exécutée et portant une tenue outrageusement moulante sort de la salle de pause, un café à la main.

- Inutile de t'agiter comme ça Harry, je suis là. Dit-elle d'un air supérieur.

- Je t'avais dis d'attendre avec tout le monde, Clemence.

- Harry, tu vois bien qu'elle ne s'est pas envolée ta petite recrue, affirme t-elle en arborant un impeccable sourire aux lèvres.

En disant cela, elle s'est approchée de lui, et s'est mise à caresser son épaule. Sans y prêter plus attention que cela, Harry reprend les présentations. Après quelques instants de nervosité où l'on se détail les uns les autres, Harry décide de congédier tous salariés du cabinet venus m'accueillir. Il se détache de l'emprise de Clemence, et s'échappe précipitamment dans son bureau.

Je me retrouve ainsi seule, en tête à tête avec Clémence dans le hall. Elle pose alors ses yeux méprisants sur moi et me lance sur un ton glacial.

- Je ne chercherai pas à être courtoise avec vous, Mademoiselle Clark. Et ne vous avisez jamais de me toucher, je déteste les microbes.

Je pense que cette dernière remarque s'adresse à ma personne même plus qu'aux véritables microbes qui provoquent des maladies sinon elle ne se supporterait pas elle-même. Toutefois, la violence de ses mots me laissent dans l'incapacité de formuler la moindre réponse. Et même si j'avais voulu rétorquer, c'était impossible puisqu'elle a déjà pris la direction de son bureau en ondulant des hanches.

Finalement, je dispose de toutes les raisons du monde pour ne pas l'aimer, et plus seulement d'une simple d'une photo.

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