CHAPITRE 11(POLA)
Je cache un peu plus mon visage dans l'ombre de mon borsalino noir et allume mon portable. Il est quinze heures,et Anaë m'a donné rendez-vous à quatorze heures trente. Cette fille n'est décidément pas ponctuelle.
Pourtant, je l'aime bien. J'aime les efforts qu'elle fait pour m'intégrer. J'aime son caractère sarcastique et sympathique en même temps, même si je le soupçonne de cacher un passé bien plus compliqué. J'aime sa façon d'être si théâtre, si entière. Et avant tout, j'aime sa détermination pour que l'on devienne amies.
Car j'aime les gens déterminés. Andrew l'était énormément, ma mère l'est, Anaë l'est aussi. Elle travaille d'arrache-pied et malgré le fait qu'elle n'a pas toujours tout, elle continue à essayer. Ce qui n'est pas toujours mon cas, il faut se le dire.
La voilà qui me fait signe à travers la vitre. Je me dépêche de la rejoindre et elle me serre aussitôt dans ses bras.
Aujourd'hui,elle a opté pour un look originale: jean droit, t-shirt d'un groupe de rock et bandeau rouge bordeau. Autant dire qu'avec sa chemise bûcheron, c'est à croquer.
Rapidement, elle m'entraîne à sa suite dans divers magasin. Nous traînons dans une librairie-disquaire, ou plutôt j'attends qu'elle se décide à partir. La jolie brune achète quelques affaires, dont une très belle édition d'un livre français. Quant à moi, je ne m'offre qu'un bracelet en quartz rose. D'ailleurs, nous avons le même.
Nous sommes à présent assise à la terrasse d'un café, Le café gourmand. Je sirote un smoothie tandis que Anaë boit un matcha en sifflotant,laissant des traces de baume à lèvres sur le rebord de son mug.
-《Alors,t'as trouvé ça comment? C'était cool,hein?
-Ouais! On a bien rigolé!
-Je suis contente que tu es pû venir. Tu sais, Pola, tu es vraiment quelqu'un de bien.
-Toi aussi,je lui réponds avec sincérité. Merci de passer du temps avec moi.
-Mais je t'en prie! On est amies,non?》
Je vois une lueur inquiète passer dans son regard intense et je la prends dans mes bras.
Oui,je crois bien que je considère Anaë comme une amie. Elle est sympa,originale et talentueuse. Et puis elle m'accepte comme je suis, ce qui est assez rare. La plupart des gens ne prennent pas cette peine. Il est vrai que ma timidité peut paraître rebutante parfois.
Je rentre à la maison vers dix-huit heures. À peine arrivée dans ma chambre, j'enfile mon maillot de bain une pièce et prends une serviette dans le meuble de la salle de bain pour aller profiter du jacuzzi. Il possède une superbe vue sur le lac qui a donné son nom à la ville. Il se trouve vers la partie est de la ville,non loin des quartiers chics.
Le plus étrange lorsque l'on regarde cette ville,c'est la façon dont elle se découpe. Les vieilles maisons se tassent à l'ouest,à côté de l'ancienne gare. Elles se ressemblent toutes: toits bas, murs de briques, fenêtre avec moustiquaires. La campagne est au sud,quelques kilomètres derrière chez moi. Des maisons plus grandes et avec plus de charmes se dressent fièrement au-dessus des champs et des serres. Le centre ville brille de mille feux,on aperçois les néons du Down Lake Memorial Hospital et les lampadaires en face du lycée. Des voitures glissent le long de l'autoroute en direction d'Houston. Le ciel se confond avec le paysage ambiant. Ça aurait sûrement plu à Andrew,il aurait écrit un poème sur l'atmosphère qui se dégage de cet endroit,m'aurait embrassé délicatement pour me réchauffer.
Une larme roule sur ma joue. Je ne devrais pas penser à lui lors d'une journée si heureuse mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est comme si je le revoyais sur son lit d'hôpital,la peau bleue par les médicaments et les yeux à demi-clos. Je l'entends encore m'avouer ses sentiments dans ce parc désert,il y a quasiment deux ans. Ses bras qui me serrent fort. Ses petits sourires en coin. Ses lèvres douces.
Mais à présent,plus rien de tout cela n'existe.
Puis je repense à sa tombe. Je l'ai fleurie avant de partir mais les fleurs doivent être morte,maintenant. Ça me rend triste. Andy n'avait plus grand monde vers la fin, à part ses parents et moi. En fait, les gens l'ont toujours évité. Il était un peu différent, avec ses pensées décalées et sa passion pour les vieux bouquins. Sur ce coup-la, Anaë et lui se seraient bien entendus. Il adorait piquer les livres de la bibliothèque de son grand-père. Tout y passait: poésie, roman policier, vieilles revues, encyclopédie...
Je tourne la tête et je vois la BMW neuve de ma mère se garer dans l'allée. Puis elle en descend,dans un tailleur gris anthracite,ses cheveux retenus en un chignon bas. Elle me souris et je lui rend,cachant mes peurs derrière ce signe du mieux que je peux en sentant mes joues se crisper. Comme si elle allait y croire.
C'est l'histoire de ma vie ce sourire.
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