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   Rien ne se passa. Il tenta alors de cogner sa tête sur les murs, tel un déjanté tout droit sorti d’un asile psychiatrique. Il débuta avec prudence, et enchaina avec des coups puissants. Cela ne marcha pas. Cette situation le porta au comble du désespoir. S’il n’y arrivait plus ? Tout le plan tomberait à l’eau. Sa mère serait perdue. Cela voudrait-il dire qu’il n’était plus un angalion ? L’urgence l’empêchait de savourer cette perspective. De toute manière, il ressentait toujours la présence de ces démons à l’intérieur.

   Son cerveau lui proposait les souvenirs de sa dernière transformation. Il rejoua le film dans sa tête et le passa au peigne fin comme dans faux raccord. L’émotion qui revenait en boucle était la colère. Sa colère. Si un passant l’insultait dans la rue, il y parviendrait peut-être. Il préféra penser à toutes ses bonnes raisons d’être irrité. Échec. Faute de moyen il chopa ce disque de pneu appuyé contre le mur et explosa son orteil avec. De belles lignes bien fraiches apparurent sur sa peau.

   Les invités se firent désirer telles des femmes coquines. Nathan avait l’impression qu’une heure s’était épuisée avant qu’un personnage suspect apparaisse. En vérité, cela avait pris cinq minutes. L’angoisse modifiait sa perception du temps.

   L’accoutrement de l’inconnue ressemblait beaucoup à celle de Jo et de Nobody. On y avait ajouté des pans au manteau et troqué le masque noir pour contre du gris luisant. De l’argent ? Il portait un long katana près de sa ceinture qui n’entravait pas ses gestes. Perché sur le toit, il détailla le couloir avant de sauter dans le vide. Nathan crut qu’il allait s’écraser et imaginait l’échec de son plan, mais au moment de toucher le sol, les chaussures du masqué propulsa une fumée verte qui diminua la force de l’impact. Il dégaina son katana aussi rapidement qu’un samouraï et le pointa sur le front de l’adoslecsent. Malgré la préparation, Nathan faillit se chier dessus.

   Il leva les mains pour montrer qu’il n’était pas une menace.

— Je me rends. J’en… ai marre de fuir.

   L’étranger appuya la pointe de l’épée sur son front. Cet homme pourrait être aussi cinglé que les autres, voire plus. Il connaissait son massacre sur la face de Nobody, et voulait le lui faire payer le plus possible. Son épée tailladerait sa peau comme Jannick tailladait ses steaks. Cependant, l’épée cessa de caresser son front.
   Il ouvrit les yeux.

— T’as intérêt à te tenir tranquille, menaça-t-elle.

   C’était la voix d’une femme ! Son invité tendit les mains devant elle et fit apparaitre un portail identique à celle que sa mère pouvait créer.

— Avance.

   Ses pieds hésitèrent un instant, bougèrent et entrèrent dans cette porte visqueuse. Le vide l’enveloppa deux dixièmes de seconde avant de toucher la terre ferme. La première phrase qui lui vint à l’esprit fut : « que c’est grand ». À raison, voilà la première fois qu’il visitait un désert. Malgré la douce pénombre qui s’étirait à l’horizon, il percevait cette immensité, ce tremplin d’espace à faire perdre la tête. Il distinguait des touffes de verdure par-ci, par-là, des cactus, le silence, les contours des montagnes au loin. Mais pas la moindre tente, et encore moins un château. Le masqué attrapa ses mains et déposa une corde qui se noua toute seule.

— Maintenant, marche droit devant !

   Sa voix raide le convainquit de s’exécuter, même s’il ignorait où il mettait les pieds. Quels genres de bestioles venimeuses se tenaient en embuscade ? Il ne fallait surtout pas qu’ils mordent son guide. Il se billait surement pour rien. Quelqu’un qui pouvait sauter d’un édifice de huit mètres de haut ne pouvait pas mourir ainsi. De plus, il devait connaitre ce chemin sur le bout des doigts.

   Dix minutes de marches plus tard, Nathan n’en pouvait déjà plus. On ne parlait pas là d’une fatigue physique, mais mentale. Le suspens additionné à la peur déréglait sa perception. Son impatience grandissait tandis qu’il enchainait les pas. Deux minutes plus tard, sa kidnappeuse lui demandait de s’arrêter. Elle se plaça à ses côtés et fixa l’horizon. Nathan essaya de repérer le point qu’elle lorgnait dans cette immensité, mais il ne voyait rien. « Un beau monde de cinglé », pensa-t-il. L’assaillante tendit quand même les mains et caressa un cactus tout en murmurant une phrase incompréhensible. Une étincelle d’orée apparut. Suspendue dans le vide, elle dansait et brillait. D’un coup, elle piqua au sol et dessina un rectangle en abandonnant des lignes sur son parcours. Une porte se matérialisa. Porte dans le sens où elle possédait les mêmes utilités (séparant l’intérieur de l’extérieur). Par contre, le liquide doré en guise de rideaux et l’image derrière qui distordait de part et d’autre suggéraient qu’elle était unique en son genre.

  Quand il traversa cette barrière, il ressentit une grande chaleur dans son ventre. Une chaleur réconfortante. Cela le surprit, mais cet état fut vite écrasé quand il remarqua la dinguerie qui se trouvait devant lui. Une salle aussi grande qu’un terrain de football. Sa hauteur pouvait sûrement défier un géant de quinze mètres haut. Les murs éclataient d’une blancheur aveuglante et arboraient des illustrations dorées. Des boucliers, des portes, des chevaux, des armes… Le sol semblait être du marbre. Nathan le pensait parce qu’il ressemblait beaucoup aux matériaux qui formaient l’évier de la maison des Osborn.

   Une grosse lampe de cristal en bâton éclairait toute la pièce depuis le plafond, sans pour autant y être attachée. Un comptoir circulaire s’y trouvait juste en bas. Des gens, peut-être, des secrétaires tapaient sur leurs claviers à folle allure tout en discutant avec leurs clients. Des masques blancs pour la plupart. Il y avait aussi des créatures qu’il voyait pour la première fois. Un raton laveur aux yeux rouges qui crachait du feu (il possédait même des ailes). Une planche de bois avec une gueule qui ne cessait de lancer des injures. Une femme avec la bouche cousue. Un centaure. Un loup avec trois queues… Il y avait de quoi là donner le tournis, mais cela l’attirait plus qu’autre chose. Il s’attendait à voir sur des murs en briques érodées par le temps des tableaux anciens, des toiles d’araignées et des rats courir çà et là. Des trucs typiques qu’on voyait dans un château du moyen-âge quoi.

— Avance !

   Nathan obéit et se fraya un chemin parmi les créatures bizarres. Un son d’ampoule qui explosait lui fit retourner la tête, et là, il perçut des dizaines d’autres portails qui s’ouvraient pour de nouveaux arrivants. Il percuta quelqu’un dans ce moment de distraction.

— Tu veux que je te tranche la tête, menaça-t-il.

   C’était un masque blanc. Il avait parlé sans le regarder, mais quand il le fit, Nathan perçut la peur.

— Ne me dis pas que c’est lui ? demanda-t-il en reculant. Ne me dis pas que c’est l’angalion.

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