65
La journée s’épuisa dans la peur qui pouvait accompagner un condamné durant ses dernières heures. Nathan savait qu’il exagérait. Sa situation n’était pas aussi catégorique. De plus, lui-même avait insisté auprès de Zuri pour effectuer ce satané sort qui lui permettrait de localiser sa mère. Il ne voulait pas laisser le temps galvaniser les chances de la sauver. Il préférait éviter de penser à l’éventualité qu’elle soit déjà morte. Cependant, l’une des particularités du sort « d’endoloris » que Zuri allait effectuer était qu’il ne localisait que des personnes en vie. Ce qui ajoutait un autre poids.
Et si l’on ne localisait personne ?
Il réfléchit aussi à ce plan ampoulé dont il ne comprenait que les gros points. Localiser Angora, l’infiltrer, récupérer sa mère et sortir. Résumé comme ça, cela ressemblait qu’à une simple équation à une inconnue. Nathan ne se voilait cependant pas la face. Beaucoup de zones d’ombre s’invitaient dans ce planning. Pourquoi localiser le château et pas simplement l’infiltrer ? Cela lui épargnerait moult souffrances. Comment allait-il sortir de là ? Etc. Lorsqu’il insistait, son père lui répondait qu’il devait avoir confiance en lui avec un beau sourire.
Un fils qui se confiait en son père, rien de plus logique. Mais Théo ne méritait pas ce privilège. Lorsque ses demandes devinrent lassantes, il lui avoua : « On doit être à environ cinq kilomètres pour que l’artéfact puisse téléporter nos amis à l’intérieur du château. »
— Ah moi qui pensais qu’il n’y avait pas de règle en magie.
— Il y a des règles partout et la magie ne fait pas exception. Tu sais, pour localiser l’énergie nascianta, il faut que celui sur qui est réalisé soit muni de sa propre volonté. Sans contraintes extérieures.
« Fastoches, après tout, les gens qui voulaient subir des douleurs atroces de leurs propres chefs couraient les rues. », pensa Nathan sur le coup.
— Tu n’inquiètes pas fiston. Tout ce que tu as à faire c’est localiser ta mère, te laisser capturer et nous faire entrer.
L’envie lui démangeait d’ajouter un mot pour le contredire. Il ignorait la raison, mais le désir était présent.
Aux environs de 23 heures et demie, Zuri vint le chercher devant sa chambre. Nathan avait hésité quelque temps avant de la rejoindre. Ses pieds touchaient le vide. Son corps frissonnait au moindre courant d’air. Il avait peur de la nuit et il se disait qu’on aurait plus évité les clichés de « minuit ». Combien de films avait-il regardés où des trucs pas nets se déroulaient à cette heure ?
Il ne croisa personne durant le trajet, et la majorité des lampes étaient éteintes. Le silence remplissait ses tympans et l’enivrait avec douceur. Nathan sortit dans la cour et admira les étoiles. Il y en avait beaucoup. Il marcha près d’une centaine de mètres avant d’arriver dans le lieu du rituel. Le manque de décoration macabre comme des têtes de mort, des dagues, ou de serpents venimeux le rassura un peu. Il n’y avait qu’un cercle de bougie à « l’intérieur d’un cercle de terre d’un noir prononcé. Quatre flèches pointaient quatre directions différentes. Les quatre points cardinaux peut-être. Théo se tenait près du cercle, une grosse livre et un rouleau dans les mains. Il portait son habituel costume et un air préoccupé qui ne le ressemblait pas. Il clignait constamment de l’œil droit.
— Nous y voilà, déclara-t-il en donnant le livre à la sorcière. T’es sûr que tu veux faire ça fiston ?
— Sur et certain.
— Bien.
Zuri feuilleta le grand bouquin, s’arrêta sur une page où la lettre N apparaissait en gros plan et ordonna à Théo d’ouvrir la carte. Ce dernier s’exécuta et la plaqua au sol.
— Nathan, enlève tes vêtements.
— Je peux quand même garder mon slip ?
— Tu peux.
L’adolescent retira d’abord son maillot arborant un Badbunny souriant, délogea son pantalon et les envoya valser. Juste pour frimer un peu hein ! Il voulait se donner un peu d’aura avant d’entamer ce processus inconnu.
— Maintenant, entre dans le cercle et assieds-toi !
Nathan pensa qu’elle lui donnait trop d’ordre. « Même pas un petit s’il vous plait. Cela ne changerait rien, mais ce serait mieux. » Il plaqua ses fesses sur le sol.
— Maintenant, tu vas commencer par te vider la tête. Ne pense plus à rien. Détends-toi !
Il essaya, néanmoins, il n’y arriva pas. La peur bousculait tout dans son esprit. La peur que sa mère soit morte. La peur de la douleur.
— Désolé, mais je n’y arrive pas.
— Tu vas devoir te penser très fort sur ta mère. Concentre-toi sur une chose en particulier chez elle. Ses cheveux, son nez, son sourire. N’importe quoi. Et ne laisse pas la douleur te déconcentrer.
La sorcière ferma les yeux et prit une grande respiration. Lorsqu’elle les réouvrit, elle psalmodia un texte d’une autre langue tandis que le vieux livre lévita. La température passa d’un froid mordant à un chaud ardent. Quelques secondes plus tard, les flammes des bougies qui l’entouraient s’élevèrent à une hauteur anormale. Le sable noir bougea avant que huit branches prennent la direction de Nathan. Ce dernier regarda les petits serpents se diriger vers lui dans un calme de façade avant de plonger dans le noir en pensant très fort à sa mère. Il fut étonné de voir Belinda apparaitre. Il chassa cette image de son esprit. « Rhoda. Je veux voir Rhoda ». Nathan sentit le sable monté sur sa jambe.
« Pense fort à elle. À un truc chez elle que tu as toujours en tête »
Les serpents atteignirent son dos et s’agglomérèrent sur sa colonne vertébrale.
« Ne te déconcentre pas et pense imbécile. Pense à ses yeux, ses chevaux, sa peau, sa voix. »
Nathan se plia à sa volonté. Avec ses paupières closes, il ne vit pas la boule de feu, aussi grosse qu’une balle de tennis, qui s’était formée sur sa tête. Elle lévita un moment, dansa au gré du vent avant d’être fragmentée et tombée sur la matière noire. Cette dernière s’embrasa aussitôt et la douleur apparut. Nathan ressentit tout d’abord une chaleur apaisante qui laissait penser qu’il se trouvait près d’un feu de camp. Et, petit à petit, il se rapprochait de plus en plus pour servir lui-même de carburant.
Ses hurlements déchirèrent la nuit. Les lignes la marquèrent et lui rappelèrent la sensation de se transformer en monstre. Il détestait ça. Son corps s’embrasait et, par-delà ses cris, par-delà les incantations de Zuri, il entendait la voix de son père. Il lui demandait de tenir bon et de continuer à penser fort. Sa voix remplie d’inquiétude n’apposait pas la souffrance. Nathan sentait son corps le lâcher. Mourrait-il ? Peut-être. Quoiqu’on le disait immortel, il n’avait aucune garantie.
— J’en peux plus, beugla-t-il.
Les larmes déferlèrent.
— Tu ne dois surtout pas flancher, fils. Tu dois faire appel à toute ta volonté pour que le sort puisse marcher.
— J’y arrive pas. C’est trop dur !
— Tu peux le faire. T’es un être unique et puissant. Tu peux tout faire. Rappelle-toi de ton rêve. L’expression de peur plaquée sur le visage de Rhoda. Dis-toi que tu dois tout faire pour éviter que cela arrive pour de bon.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top