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   Avec ces expériences récentes, cela ne l’étonnait pas trop. Il ferma les yeux un instant. Le visage en sueur de sa mère apparut aussitôt. Ses doigts se raidirent et il eut envie de chier. Il enjamba la chambre, s’enferma dans la douche, s’assit sur la cuvette des toilettes et perdit son regard dans le carrelage. Son cerveau carburé au scénario de manga fermentait des théories farfelues pour le rassurer. Cependant, elles possédaient ce « peut-être » qui bloquait son optimisme.

   Le temps lui manquait et réfléchir ne servirait à rien. Nathan se leva, le cul en l’air, et décida, pour la première fois depuis le début de tout ça, d’agir. Un geste de son propre chef. Il obéissait aux ordres depuis le début. Laisser les Osborn. Se planquer dans un trou paumé avec un loup-garou. Retrouver un père inexistant…

   L’angalion essuya ses fesses et partit à la recherche de Théo. Il allait lui demander son aide pour sauver sa mère. Une minute plus tard, il pensait n’avoir aucune chance de le convaincre. Son père semblait accorder de l’importance qu’à ses costumes et ce qui s’opposait à l’ordre des gardiens. Rhoda ne se trouvait dans aucune de ces choses.

   Il soupçonna des larmes dans le coin de ses yeux. Alors, il huma un grand bol d’air frais et se convainquit que ce n’était pas le moment. Chialer n’avait rien servi durant son périple, sinon de le faire passer pour un lâche. Mais là, on parlait de sa mère. Cette femme qui l’avait protégé et qui devait en payer le prix fort.

   Nathan accéléra le pas en se concentrant sur son ouïe. Il percevait le bruit de son cœur. Une domestique qui essuyait un meuble. Une page que l’on tournait. Le râle de quelqu’un qui se réveillait.

   Un sourire agrandit ses lèvres. « Fais que ce soit lui. Fais que ce soit lui ! Fais que ce soit lui. » Nathan escalada l’escalier semi-circulaire qui menait au premier, passa devant une autre collection de tableaux style Van Gogh, et s’immobilisa devant la porte qui cachait son seul espoir. Son père était bel et bien là. Il entendait sa voix. Cela ne le rassurait pas pour autant. Il pressa sa tempe droite, source d’un mal de chien, soupira son trac, frappa à la porte. Et il n’attendit pas d’invitation pour ouvrir.

   Son père, à la place de son costume sur mesure, portait un pyjama bleu aux motifs blancs, et ses boucles d’oreilles avaient déserté. Son aura en était diminuée. Ce nouveau chara-design effaça, durant quelques secondes, les préoccupations de Nathan. Il paraissait si normal. *Pas sûr qu’il aimerait ce qualificatif.* Théo fronça ses sourcils en remarquant la sueur sur le visage de son fils, mais, surtout, le rythme saisissant de son cœur.

– Qu’y a-t-il, fiston ? demanda-t-il

– Il faut que tu m’aides à sauver ma mère.

– Sauver ta mère ?

– Oui. Les gardiens vont la tuer si on ne la sauve pas.

– Mais quoi ? Et comment tu le sais ?

– Je le sais. C’est tout.

   Nathan lut le regard méfiant de son père. Il ne le croyait pas. Réaction tout à fait normale. Il lui raconta alors le rêve de ce soir, tout en précisant à la fin qu’il avait eu le 
même avant que Jannick ne meure.

– Qui est Jannick ?

   La bonne question serait : qui était Jannick. Mais les règles de grammaire ne l’avaient jamais intéressé.

– Un loup-garou qui m’a appris à contrôler ma transformation.

– Attends Jannick Andressen, le loup-garou ?

– Tu le connaissais.

– Non, mais j’ai entendu parler de lui. Écoute fiston, je suis désolé pour ton ami. Cependant ton rêve n’a rien à voir avec sa mort. Tu sais, les choses ne sont souvent pas ce qu’ils laissent paraitre aux premiers abords.

   L’adolescent pensa à Belinda et Edgard, qu’ils avaient pris pendant deux ans comme les pires êtres vivants sur terre alors qu’ils le protégeaient. Il pensa aussi aux lycanthropes accros à la nicotine qui ne voulait d’aucune compagnie alors qu’il en désirait. Les mots de Théo possédaient, de toute évidence, une part de vérité. Il se trompait peut-être en pensant qu’il possédait des dons prémonitoires. C’était peut-être un hasard des plus malheureux que Jannick ait été tuer. Mais est-ce qu’il pouvait se permettre de courir le risque ?

– Je sais qu’elle est en danger papa ? Je le sens. C’est au plus profond de moi.

– Ta mère va bien. Tu n’as aucune raison de t’inquiéter.

– Ah vraiment ? ragea Nathan. Tu dis ça pour me rassurer ou parce que t’en as rien à cirer de ce qui pourrait lui arriver. Après tout, c’est une gardienne.

  Théo approcha vers lui et le fixa.

– C’est une gardienne certes, mais c’est avant tout la mère de mon enfant. Ne parle donc pas de ce que tu ignores.

   Ces derniers mots résonnèrent comme une menace. Ce qui était rassurant. Réagir de la sorte signifiait qu’elle comptait un minimum pour lui.

– D’accord. Mais comment peux-tu me demander de me calmer alors que je sais que je dis vrai ? Elle va mourir si on n’agit pas.

   Théo soupira.

– Bon d’accord. Attends-moi ici, je vais prendre une douche.

Nathan n’en revenait pas. Une douche ? Il ne voulait pas qu’on lui apporte le petit déjeuner aussi ? Ses boyaux vibraient de colère, néanmoins, il ne pouvait rien faire. Il s’assit sur le lit tandis que son père disparut dans la salle de bain. Heureusement, il fut bref et dix minutes plus tard, il se trouvait dans son imposant costume.

– Pour être honnête, fiston, si tu vises juste, je ne pense pas que je puisse faire grand-chose.

   Ils quittèrent la chambre.

– Je croyais que tu étais la créature la plus puissante qui existait.

– La force ne fait pas tout. Sinon, j’aurais déjà exterminé ces minables.

– Alors quoi, on ne va rien faire ?

– Au contraire, on va tous faire

   Nathan passa deux doigts sur ses tempes et éprouva un petit relâchement. Un liquide chaud se rependit dans ses veines et lui fit du bien.

   Une heure plus tard, Zuri les avait rejoints dans le salon et objectait le don de voyance de Nathan.

– On sait bien que ça ne vaut pas une pipe. Un rêve reste un rêve.

– C’est la vérité, protesta le principal intéressé. Je sais que je dis vrai.

   Les deux adultes échangèrent un regard complice et un petit rire moqueur. Cela dura une fraction de seconde, mais Nathan eut le temps de lire tout leur scepticisme. Pourquoi ne le croyaient-ils pas ? Ils étaient pourtant les mieux placés pour comprendre. L’un était une créature de nature inconnue, et l’autre était une sorcière capable de faire léviter des objets. Il avait besoin d’eux. Devait-il jouer un coup de bluff ? Comme certains joueurs de poker avec une mauvaise main. Il menacerait de secourir sa mère, avec ou sans leur aide, et qu’il ne reculerait devant rien. Le genre de phrase que sortirait Naruto dans un moment désespéré. Cela pourrait toucher la fibre paternelle d’un père à peine retrouvé, qui sait. Toutefois, il réalisa qu’il ne jouait pas au poker, qu’il n’était pas le personnage d’un manga populaire et que son père pourrait juste l’enfermer à double tour, ou pire, le laisser partir.

– Écouter, débuta-t-il. Je suis persuadé que ma mère court un grand danger. Je sais aussi qu’elle fait partie de cette confrérie que vous haïssiez tant, mais elle reste tout de même ma mère.

Nathan leva les yeux vers son père, décidé à ancrer ses prochains mots au fond de son cœur d’angalion.

– Quand j’ai compris que j’avais une autre mère outre celle que j’avais déjà, j’ai haï les deux. J’ai pensé que j’étais le truc dont on ne voulait pas. Mais la vérité, c’est qu’elles m’ont protégé. Alors, si quelque chose devait les arrivées par ma faute, je ne me le pardonnerais jamais.

   Nathan réalisa qu’il le pensait chacun de ses mots. Belinda et Rhoda lui ont donné ce que ne pouvait pas espérer une anomalie comme lui : une vie normale.

– S’il est toujours vivant. Je me rendrais aux gardiens pour qu’il la laisse en vie.

   Les narines de Théo s’élargirent. Singne trahissant une profonde inquiétude Zuri, quant à elle, cessa de fumer.

– Tu n’es pas sérieux ?

– Si ça peut la sauver.

– Tu ne connais même pas cette femme. Et tu me dis que tu pourrais donner ta vie pour elle ?

– C’est ma mère.

Le silence s’installa dans le grand salon et les personnes présentes se lancèrent dans une communication visuelle des plus étrange. Des clignements de paupières par là, froncer les sourcils par ci. Et des changements de cibles à tout-va.

— Ok. D’accord, lâcha son père en se levant. Je te promets de faire tout ce que je peux pour secourir Rhoda. Mais pour cela, il va nous falloir un plan d’enfer,

Entendre son père prononcer le mot « enfer » lui imposa des visions d’horreur.

– Enfer, comment ?

– Enfer où l’on doit localiser et infiltrer le château d’Angora. Le quartier général des gardiens.

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