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Son père continua de parler, mais il ne l’écouta plus. Ses paroles chargées de haine ne l’aideraient pas à retrouver l’humanité. En effet, il désirait cette chose que son père traitait de faible et de stupide. Les hommes renfermaient d’autres qualités qui en faisaient des êtres spécial. Ils pouvaient être des parents protecteurs. Des amis fidèles sur qui l’on pouvait compter. Des frères collants. Des sœurs réconfortantes. Son cœur trembla et un sourire s’afficha sur ses lèvres. Son corps lui rappelait les bons souvenirs de sa vie normale. Le plaisir de dessiner des visages familiers. Les moments de détente au bord de la rivière. Les repas de famille. Des larmes alourdissaient ses paupières. Des larmes de bonheur.
— Je ne veux pas, coupa-t-il en s’arrêtant.
Théo le regarda et découvrit ses pleurs.
— Qu’y a-t-il, fiston ? Pourquoi est-ce que tu pleures ?
— Je ne veux pas rencontrer tes amis. Et je pense que les gardiens ne personnifient pas les humains. Certains sont prêts à vous protéger même au péril de leur propre vie.
Il pensa à Belinda et à Edgard. Ses faux parents sur lesquels il avait pesté ses deux dernières années. Jamais, il n’avait essayé de prendre l’histoire selon leur point de vue. Et maintenant qu’il le faisait, il avouait qu’il s’en voulait encore plus.
— Je sais, répondit Théo en affichant un triste. Je suis vieux à un point où j’ai oublié mon âge, mais je mentirais si je disais n’avoir rencontré aucunes belles personnes.
Nathan essuya ses larmes et sentit une douce brise sur sa joue. Une fraîcheur étrange enveloppait ces mots. Que cherchait-il à lui faire comprendre ? Son sujet de conversation le contrariait, mais la pression qu’il subissait diluait sa frustration. Théo s’appuya sur un tronc d’arbre, et mata dans le vide.
— Quel idiot que je suis ! En effet, certaines personnes sont justes. Pardonne-moi, mon fils. J’ai vu tant d’horreur que j’oublie les bonnes choses. Elles ne sont pas beaucoup, mais elles doivent être sauvegardées.
Théo déposa un regard vaseux sur son fils.
— Je ne suis pas un monstre comme tu l’imagines, fiston. Cependant, je dois tuer les gardiens.
— Pourquoi en arriver là ?
Nathan se surprit avec cette question. N’était-il pas en colère contre cette confrérie ? Bien sûr que oui. Mais comment un ado de quatorze ans pouvait-il vouloir exécuter des gens ?
— Parce que c’est la seule solution pour t’éviter la vie que j’ai mené. Ma force est plus grande que celle de toutes les créatures répertoriées et je suis immortel. Parfois, je me prends même pour Dieu. Aucune raison d’avoir peur de ces ploucs masqués donc. Mais les gens auxquels je m’attache ne le sont pas. Et ces bâtards s’en servent et n’hésite pas à les tuer sans aucune forme de procès. J’ai beau être puissant, je ne peux pas être partout en même temps. Cela te ronge de l’intérieur. Quand j’ai su que j’avais un fils, j’ai compris qu’il fallait que je mette tout en œuvre pour qu’il n’ait pas à subir cela.
« Que dire face à cette déclaration ? », questionna Nathan en son for intérieur. Surement rien. Il devait laisser le silence couvrir son étonnement. Théo se souciait de lui, tout fin de compte. Cette découverte lui embauma le cœur et tout lui parut moins dangereux. Enfin, durant quelques secondes.
Cela lui faisait plaisir de savoir qu’il était assez important pour qu’il soit sa source de motivation. Cependant, la réalisation de son objectif inclurait un nombre imposant de morts. Il ignorait combien de gens comportait la confrérie, mais pour avoir un contrôle conséquent sur le monde, il en fallait un sacré paquet.
Et puis, il pensa à sa famille et à ses amis rester à Milocity. Aurait-il pu leur couter la vie ? Une question à un million de dollars. Il avait longtemps cru que le principal danger émanerait de lui. Il affichait des anomalies qui le poussaient à réfléchir ainsi. Des yeux de prédateurs. Des griffes acérées, des dents aiguisées. Une force brute. Nathan s’attendait à devoir payer un lourd tribut pour continuer à garder ses pouvoirs. Les vampires buvaient du sang humain. Les loups-garous dévoraient des kilos de chair. Pourtant, voilà plus d’un mois et demi que les lignes sur son corps n’avaient fait surface et aucune contrepartie jusqu’à présent. L’absence de cet élément essentiel lui vrillait la tête. Bon, il avait un truc bizarre, mais il ne constituait aucune danger pour les humains. Pourquoi donc le traquait-on ?
— J’aimerais te poser une question… père.
— Vas-y !
— Quelle menace représentais-je pour que ces gens veuillent me capturer ? demanda-t-il en faisant deux pas vers son père.
Theo arracha une brindille au sol et la caressa.
— Il y en a… trois. Parceque, tu es mon fils. Parce que ton sang est une source d’énergie inépuisable. Parcequ'il déteste ce qui échappe à leur contrôle.
— Je ne ressens aucun besoin de faire quoi que ce soit de dangereux. Et toi ?
— Tu veux dire à part d’éradiquer ces bandes de crapules. Non.
— Tu manges quoi d’habitude ?
— Je ne mange pas d’humain pour le petit déjeuner si c’est ce que tu veux savoir. Mais au diner, oui.
Un ouragan d’inquiétude ravagea l’estomac de Nathan.
— C’est une blague.
Il poussa un ouf de soulagement. Ce n’était pas drôle, mais bon, l’intention comptait plus que tout. Le silence tomba et la gêne s’installa. Nathan regarda autour de lui pour voir s’il y avait des gens, mais il n’y en avait pas à l’horizon. Alors, ses pupilles se rebattirent sur son père. Cet homme qui le fascinait et l’effrayait tout autant. Il n’avait jamais tenu un livre de psychologie ou autre, mais il était certain de son déséquilibre mental. Comment pouvait-il en être autrement avec cette éternité qui lui collait aux fesses ?
— Comment as-tu rencontré ma mère ?
Nathan s’assit en califourchon près de Théo sans pour autant le toucher.
— On s’est connu à une fête dans une université.
— Tu y étudiais.
— J’y étais pour le sexe. Je faisais profiter aux belles femmes, ma queue monstre.
Est-ce qu’il venait vraiment de dire ce qu’il venait de dire ? Avec le sérieux d’un pape en plus ? Son fils était stupéfait, s’attendant à des conséquences encore plus graves. Comme ajouté : « Je l’insérais de toute sa longueur ».
— La musique sonnait fort. L’alcool remplaçait l’air et il y avait du bleu partout. Je me rappelle que, lorsque je l’ai vue pour la première fois, j’ai éprouvé un truc spécial.
— Un coup de foudre.
— Non. C’était comme si je devais la baiser coute que coute.
— Qu’entends-tu par « coute que coute » ?
— J’étais terriblement excité. Ce fut la première et dernière fois que je ressentis cet effet-là.
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