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Le regard de sa mère l’exécuta. Il crut en avoir trop dit et qu’il l’avait blessé.. Mais, quelques secondes plus tard, il comprit que son esprit planait ailleurs. Réfléchissait-elle à qu’il venait de dire ? Si oui, il y avait de quoi s’inquiéter.
— T’inquiètes ! rassura-t-elle en se vautrant dans son siège. N’aie pas peur et fais-moi confiance.
— La peur, moi, je lui ris au nez.
— Le roi lion, pas vrai ?
— Même si c’est le plagiat d’une œuvre japonaise, cela reste un classique de Disney.
Rhoda acquiesça et enchaina avec divers avis sur les films de ladite maison de production. Nathan se laissa bercer par les critiques acerbes envers les musiques, les plots qui se répétaient et les princesses qui rêvaient de château sans prince charmant (ou vice-versa).
Le taxi traversait le paysage et Nathan oublia l’espace de quelques minutes, les carcasses qu’il trainait. Cela l’étonnait d’entendre sa mère parler de film récent. À croire qu’elle trouvait le temps de s’offrir une séance de ciné entre deux chasses. Cette idée ne le déplut pas. Cela s’approchait du quotidien d’une femme normale et Dieu sait à quel point il avait soif de « normalité ». Il scruta ses cheveux noirs et se rendit compte qu’il ignorait tout d’elle. Sa couleur préférée, ses tics de langage, son roman favori. Ronflait-elle quand elle dormait ? cuisinait-elle de meilleures omelettes que « celles » de sa sœur ?
— Tu cuisines ? questionna-t-il. Mieux vaut tard que jamais.
— Quoi ?
— Est-ce que tu cuisines ? Cela doit être une capacité bien pratique pour quelqu’un avec ton métier.
— Pas plus que de ne savoir faire la vaisselle. Mais oui, je cuisine.
— Et quel est le plat que tu cuisines le mieux ?
Rhoda déposa ses yeux sur son front et les laissa un bon moment.
— Des pâtes.
— Mais tout le monde peut faire des pattes. Même un bébé.
Elle sourit, fière de l’avoir contrarié un peu.
— De plus, les pattes ne sont pas de la vraie cuisine.
— Je te déconseille de dire cela à un italien.
— Ah, ton esprit est stéréotypé. Tu sais qu’il y a des Italiens qui n’aiment pas les spaghettis ?
Rhoda haussa les sourcils.
— Vraiment ?
— Je ne sais pas, mais le contraire serait flippant.
Cela décrocha un autre sourire à sa mère, ce qui l’encouragea à continuer sur sa lancée. Ils discutèrent comme deux personnes qui se croissait pour la première. Gêné quand les blancs devenaient pesants et, bien évidemment, une excitation surprenante. Nathan découvrit que sa mère était une vraie fan des Beatles et de 2pac. Ado, elle possédait une vieille radio dégotée pour vingt balles sur lequel, elle entendait des tubes populaires. Nathan fut frappé par le manque de cohésion dans ses choix musicaux, mais n’objecta rien. Elle aimait beaucoup le droit jusqu’à vouloir en faire son métier. Rêve de gosse, précisait-elle. Les celtiques de Bostons l’attiraient beaucoup et lisaient que des livres disponibles dans les bibliothèques des gardiens.
— Quoi ? Vous possédez des bibliothèques ?
— Oui. La plupart des livres sont des études sur des créatures, des légendes, des raisonnements philosophiques sur le bien et le mal, des formules magiques, des évènements historiques de la plus haute importance. Etc.
— C’est géant !
— Pas tant que ça. Ça parle le plus souvent de truc beaucoup trop sérieux pour pouvoir y prendre du plaisir. T’imagines toi, trainer une malédiction t’empêchant de voir un être vivant sous peine de le désintégrer.
Cette simple phrase lui fit l’effet d’une grosse claque. On pouvait aller jusque là dans ce délirium ? Sans trop le vouloir, il s’imagina le calvaire du malheureux ou de la malheureuse. Forcé de garder les yeux clos, ne plus pouvoir admirer le visage de ses amis, des gens qui comptaient. Quel scénario horrible !
— Et pour pimenter l’histoire, tomber sur roi avide de pouvoir transformer cela en une arme redoutable. C’est l’une des histoires qui résume ce que nous sommes.
— Quoi donc ?
Rhoda l’observa avec une lueur de fatigue dans les prunelles.
— Des êtres capables d’empirer le pire.
Ces mots sonnaient si poétiques dans la tête de Nathan que cela lui donnait le tournis. Il n’avait jamais été le genre à philosopher, pourtant, il comprenait ce qu’elle voulait dire. Sur cette note joyeuse, il laissa l’atmosphère fermer de la voiture rythme par la mélodieuse voix de Chritina père, pour s’envoler en dehors et, plus tard, piquer une petite somme.
Lorsqu’il se réveilla, la voiture venait de s’arrêter. Comment a-t-il pu roupiller dans un moment pareil ? Il ne dormait jamais durant un trajet. Il sortit de la voiture en cherchant un bagage à trainer et se rappela qu’il n’y en avait pas.
La première chose qui l’intéressa fut le ciel et le soleil (L’astre était assez haut pour supposer que le trajet avait duré trois heures ou deux.) Puis la seconde fut cette longue clôture faite de grosse pierre travaillée et polie. La muraille s’étirait sur des kilomètres, à droite comme à gauche. Un immense portail noir se dressait avec fierté en plein milieu. Il luisait sous les rayons du soleil et renvoyait ne renvoyait rien d’accueillant. Un simple bout de métal peinturé, pensa-t-il. Il ne put s’empêcher de penser à une demande précise du propriétaire des lieux. Il déglutit, accosta sa mère, lâcha un : « au revoir » à peine audible au chauffeur et patienta.
Il commençait à avoir mal aux pieds quand la porte s’ouvrit dans un grincement souple et qu’une femme enroulée dans un costume trois pièces apparut. Elle avait les cheveux blonds et l’allure bien droite. Son regard fier et touché d’une méfiance très visible ne l’aborda que quelques secondes que Nathan comprit qu’elle était du style pointilleux sur les détails. Que ce soit à ses habits sans le moindre pli, ses mocassins plus que parfaits, cette belle frimousse sans expression.
— Ravie de vous accueillir aux manoirs des Lancaster. Je vous en prie, monter !
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