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— Je suis une excellente guérisseuse. Avec les gouttes de sang trouvé sur ton front, j’ai pu opérer des miracles.

   Il y avait dans ces mots un symbole ironique. Cela le consolait que Jo, Nobody et Carla n’eussent pas payé sa rage de leurs vies. Mais comment ne pas avouer qu’il regrettait de les savoir vivants alors qu’ils étaient des assassins ? Se sentaient-ils comme lui ? Minable et honteux ?

— Tu m’écoutes ? reprit la femme. Tu n’es pas un meurtrier.

— Ça ne change pas grand-chose. Je… je voulais vraiment les tuer et je pense toujours qu’ils ne méritent pas de vivre.

   Il planta ses yeux dans ceux de cette femme pour découvrir un trait qui trahirait ses réflexions. Mais il ne trouva rien. Elle avança ses mains pour saisir les siennes.

— Tu penses heureusement.

   Nathan contempla les courbes de sa mâchoire, son menton pointu et ce grain de beauté sur son cou. Cette femme était donc sa mère. S’il n’était pas déboussolé, il aurait pû en être fière. Elle n’avait aucun pli sur le visage, à croire que la magie qu’elle pratiquait retardait la vieillesse.

   Une mère absente durant quatorze ans.

— Qui es-tu ? demanda-t-il un moment à l’autre.

   Pour montrer qu’il se libérait de sa tentative d’apprivoisement, il recula, grimpa sur le canapé et remarqua enfin qu’il portait un maillot blanc. Bordel, elle l’avait changé.

— Ta mère.

— Pas la peine de te répéter. Je veux dire qui es-tu ? Et si tu pouvais enchainer sur le pourquoi de tout ce bordel, j’en serais ravie.

   La femme encaissa le coup et resta assise sur le carrelage. Elle se mit en tailleur et laissa le silence se prolonger. Nathan pensa qu’elle ne faisait pas très adulte dans sa position, et cela le convenait.

— Je suis Rhoda Burnnet.

   Le cœur de Nathan chamboula vers sa gorge. Burnnet ? Ah, voilà donc pourquoi elle renvoyait cet air de déjà vue.

— Donc tu es la sœur de ma mère ? Je veux dire de Belinda.

— Sa petite sœur.

— Mais attends, je croyais que t’étais morte dans un accident de voiture ?

— Bah, je suis là.

   Cette perspective le laissa mi-figue, mi-raisin. Bien des temps qu’il considérait que Belinda ne lui devait rien et pourtant, elle l’avait accueilli et l’élevé comme son fils. Cela l’empêchait de la haïr au point qu’elle méritait. Maintenant, avec cette pièce du puzzle, tout paraissait clair. Et cela lui fit regretter beaucoup de choses. Nathan lécha ses lèvres. Des perles de sueurs apparurent sur son front et sur le dos de sa main. La chaleur avait monté d’un cran. Il se questionna sur la suite logique d’une telle conversation. Devait-il attendre que Rhoda poursuive sans détourner le fil de ses idées ou au contraire, devrait-il prendre les rênes de cette avalanche ? Il choisit la seconde option.

— Qui est mon père ?

   Rhoda écarquilla légèrement les yeux. Pas assez pour être remarqué, mais Nathan la fixait avec une telle avidité que rien ne lui échappait. Il venait surement de toucher un point sensible. Il se faisait déjà une petite idée sur son géniteur. Malgré les barrières imposées, son imagination revenait au même personnage, ce qui éveillait sa peur.

— Il s’appelle Théo Arris. Enfin, il s’appelle c’est un bien grand mot. Et comme en doute, c’est bien le numéro un des « MNG ».

Il visait juste depuis le début.

— Tu m’as donc menti ?

— Oui, mais c’était pour ton bien.

   Nathan tira une grimace. Il avait tellement entendu réponse que cela sonnait comme un vieux dicton. Il ne ragea pas et resta calme.

— Esr-il aussi monstrueux que le laisse envisager son rang ?

— Ce que je sais est qu’il est un fin manipulateur et prêt à tout pour arriver à ses fins. Après, les autres choses sont des rumeurs qui courent dans les couloirs du château.

— Bon, voilà qui est génial ! Ma mère est un masque noir tandis que mon père est une star chez les créatures surnaturelles. Je m’attendais à être choqué, mais là c’est le paquet.

   Dix secondes après, il demandait de lui raconter l’histoire au tout début en partageant le moindre détail. Oui, il était prêt à entendre le récit le plus insensé. Tant que c’était le sien, cela le conviendrait. N’était-ce pas ce qu’il avait toujours voulu depuis son douzième anniversaire ? Défloutter les premiers chapitres de sa vie. Il n’avait plus la sensation que cela l’aiderait à aller de l’avant, mais ce désir continuait de bruler. Il ramenait un genou à sa poitrine et ouvrit grand ses oreilles.

   C’était à l’époque où Rhoda entamait sa deuxième année de droit. Elle avait à l’époque de belle idée en tête. Terminer ses études, trouver un emploi dans un grand cabinet, tomber amoureuse, fonder une famille et pourquoi pas adopter un chien ? Cependant, après une petite fête où elle avait rencontré un beau gosse du nom de Théo et couché avec lui, tout fut perturbé.

— Je me suis retrouvée enceinte d’un inconnu. Et ça m’a vraiment ébranlé.

  Rhoda attrapa une mèche de ses cheveux et joua avec. Elle perdait son regard ailleurs, évasive et songeuse. Elle reprit.

— J’avais vingt ans à l’époque, alors j’ai essayé de faire ce que toute bonne femme incapable d’assumer ses erreurs pouvait faire : avorter.

  Nathan se liquéfia. Avorter ? Il avait donc failli mourir avant de naitre. Cette pensée éleva une colère. Pas du genre à tout casser, mais une colère quand même. Rhoda lâcha son jouet et le regarda de ses beaux yeux marron. Son visage ne trahissait aucune émotion.

— Tu ne dis rien ? demanda-t-elle.

— Que voudrais-tu que je te dise ?

  En effet, il n’y avait pas grand-chose à dire. Ces genres de révélation ne pouvaient être accueillis qu’avec une touche d’humour, mais Nathan n’était pas d’humeur.

— Heureusement ce fut un échec.

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