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   Il n’était pas un ange, mais pas un démon non plus. Il était comme lui : une anomalie.

   Nathan éclata un sanglot que les murs absorbèrent bien vite et inspira un ou deux litres d’air. La pièce cherchait à l’étouffer. Il sombrait dans une énième phase dépressive quand la porte crépita. Le bruit ne l’apeura pas. Au contraire, il se retourna avec intérêt pour voir la ou les personnes qui l’avaient emmené ici.

   C’était une femme en tenue décontractée : Basket, jogger, sweat géant et casquette. Elle portait un sac à dos en bandoulière. Grâce à la surprise qu’elle afficha, Nathan remarqua que ces yeux étaient noisette et évoquait des barres de chocolat. Des boucles de ses cheveux noirs, lui tombait sur le front et le rajeunissait. Nathan lui trouvait une étrange ressemblance avec sa mère. Adoptive. Suretout au niveau des contours du visage. Dessert les traits de ces yeux.

   L’inconnue resta un instant immobile, mais elle se ressaisit cinq secondes après, ferma la porte et enleva sa casquette. Deux longues tresses tombaient sur son dos. C’était une très belle femme. Sexy aussi. Le genre à faire tourner les têtes sous un soleil qui tapait sa peau d’ébène.

— Vous êtes qui ?

   La femme déposa son sac.

— Tu ne me reconnais donc pas ? Je suis déçu.

— Voix-de-ferraille ?

— Bien évidemment.

   Ce fut au tour Nathan de devenir immobile sous le choc. Une si belle personne assurait donc sa protection. Devrait-il se sentir heureux ou gêné ? Il se rappela de sa dernière phrase.

— Ma mère ?

— Oui.

Nathan plaqua sa main sur sa bouche. Non pas à cause d’une information aussi capitale dans sa vie désorientée, mais à cause de ses pensées récentes. Il venait de dire que sa mère était belle et sexy, et s’il avait eu davantage de temps, aurait fantasmé sur elle.

— Qui y a-t-il demanda, voix-de-ferraille, une panique perceptible dans la voix.

— Non, rien. Je viens juste de penser que vous étiez sexy.

— Et je ne le suis pas ?

— Non… Je, enfin. C’est que… vous êtes ma mère. Vous êtes ma mère ?

   Sa question contenait beaucoup de surprise. Comme s’il venait de saisir le sens de sa phrase. Il se réfugia dans le coin opposé du canapé.

— Oui.

— Vous êtes ma mère ?

— Mais je viens de te répondre.

— Quoi ? Et vous pensez qu’on répond à cette question avec un pathétique oui ?

   La femme se gratta la tête en tirant une moue qui laissait penser qu’elle réfléchissait.

— Je ne vois pas d’autres mots. Peut-être ? Bien évidemment ou bien sûr ?

   Nathan fut culoté par le fait qu’elle tentait de l’humour à un moment pareil. Il essaya de jouer aux ados en fureur qui fuyait la conversation avec leurs parents, mais il tomba au premier pas. Ses pieds ne pouvaient toujours pas le supporter. Voix-de-ferraille accourue à ces côtés et l’informa qu’il ne devait pas trop forcé, car il avait dormi trois jours.

— TROIS JOURS !

— Ne gueule pas si fort ! Je te signale qu’on est dans un hôtel ici.

— J’ai grave le droit de faire tous les putains de bruits que je veux. Je viens d’apprendre que tu es la soi-disant mère qui aurait dû m’élever, que j’ai dormi pendant trois jours. Et que… et que Jannick est mort.

   Le silence reprit ses droits suite à ces mots. Nathan fixa cette femme dans le blanc des yeux en se promettant de ne pas flancher. De ne pas se laisser porter par les flots. Promesse vaine. De grosses larmes dévalèrent son visage et il sanglota à s’en asphyxier. Il s’étala sur le carrelage froid et tenta d’y étouffer sa voix.

  Voix-de-feraille lui toucha le dos et, quoi qu’il aurait aimé la repousser, il ne put refuser cette chaleur que son contact propageait. Il la laissa le relever et le serrer dans ses bras. Les émotions qui le traversaient le rendaient étrange.

   Dix ou quinze minutes plus tard, quand il n’eut plus la force de continuer à chouiner, il fut submergé par des tas questions. Que pensait sa mère de sa situation ? Le trouvait-il trop mollasson comme fils ou appréciait-elle son côté sensible ? Qu’est-ce qu’elle devait penser du monstre qu’il était et du fait qu’il avait tué un ou deux hommes ? Il serra la capuche en se rendant compte d’une telle dinguerie.

— Attends, mais je suis moi aussi un meurtrier ?

   Il se détacha du buste de « Voix-de-feraille », pour lire le paragraphe de son regard. La déception s’affichait en grande lettre.

— Tu n’es pas un meurtrier, convainquit-elle tout de même.

— J’ai tué Jo, et j’aurais fait de même avec Nobody.

— Qui est Nobody ?

   Il ne lui prêta aucune attention et se rongea les ongles en dodinant.

— Tu n’es pas un meurtrier pour la simple et bonne raison que personne n’est mort.

   Nathan arrêta de bouger et abandonna ses doigts.

— Tu mens pour me remonter le moral ? T’es peut-être ma mère tout compte fait.

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