Nathan ne se souvenait pas depuis quand, il avait vu Ophélia aussi énervée. Son visage expulsait sa rage d’être dans l’ignorance. Il la comprenait, mais de quel droit se permettait-elle de l’insulter ?
— Tu me fais chier ! ragea-t-il. Voilà, vous me faites tous chier avec vos questions à la con.
Son cœur enchaina sur une cadence folle. Cependant, il misa tout sur la colère et continua sur sa lancée. Cela risquait de finir en cacahouètes, mais ses quatre vérités allaient sortir. Il se leva afin de mieux instaurer sa présence, renifla deux litres d’air et poursuivit.
— Comment vous dire que je compte garder mes putains de problèmes pour moi ? C’est si difficile pour vous de comprendre ? Tout le monde à ses petits secrets autant que je sache. Et puis, vous n’êtes ni mon père, ni ma mère, ni mon frère, ni ma sœur. Alors, lâchez-moi la grappe !
Il hurlait. Cela n’avait pas la moindre importance. Ça lui faisait du bien. Affreusement bien. Il éprouva le bienfait de cette explosion dans ses entrailles. Devenait-il plus léger ? Plus libre ? Un peu.
Néanmoins, cette sensation, comme tout sur terre, fut de trop courte durée. La colère reprit ses droits, et cette fois-ci, cela retourna contre lui. Comment avait-il pu penser que parler aurait pu arranger quoi que ce soit ? Il avait craqué. Il ne croyait pas à ces expressions qui justifiaient le fait de ne pas pouvoir fermer sa grande gueule. Suretout pour ce lien précieux : l’amitié. C’était tout ce qui lui restait.
Le silence, le soleil, la chambre fermée, et quatre ados, la scène parfaite pour démarrer une tragédie, pensa-t-il. Nathan ne put regarder le visage vexé de ses amis. Il envisagea un instant de revenir sur ses mots pour limiter la case. Mais à quoi bon ? Il les ressortirait. Autant en rester là.
Il adressa un dernier regard à ses amis qui ne le seraient peut-être plus demain avant d’ouvrir la porte. Des mots d’excuse alourdirent sa langue. De la culpabilité. Il se rappela tous ses bons moments passés ensemble et il pensa qu’il ne pouvait pas partir sur cette note.
— Au revoir, lança-t-il.
Il dévala l’escalier alors que les larmes coulaient, ignora madame Andrews et enfourcha son vélo réchauffé par le soleil. Il pédala pour se perdre, pour tout écraser, pour tout effacer, pour tout oublier. Il avait l’impression de faire le grand terrassement. D’abord Belinda, maintenant ses amis. Et le pire était cette sensation d’être poussé par un autre lui. Une face sombre.
Il conclut qu’il visionnait beaucoup trop d’animés et se concentra sur la route. Il ne se sentait pas d’attaque pour retourner à la maison. Il lui fallait son ciel dans lequel s’évader, s’oublier ou tout saccager. Cela allait de soi. Nathan se dirigea hors de la ville et s’engagea, vingt-cinq minutes plus tard, sur un sentier qui traçait une petite colline qui se perdait dans les bois.
Les arbres faisaient cinq à six mètres de haut. Leurs branches projetaient de délicieuse ombre qui tenterait tout paresseux. L’odeur de la terre s’intensifiait à mesure qu’il s’enfonçait et les cris des oiseaux accompagnaient le tapage de l’engrenage de son vélo. Il finit par laisser le sentier et dix minutes plus tard, se retrouvait devant un ruisseau.
Nathan s’assit sur le grand rocher qui se trouvait à deux pas, mit sa tête sur ses genoux et regarda l’eau couler. Il avait découvert cet endroit avec Aoki. Durant un jour de printemps ou peut-être pas. Cela faisait tellement longtemps. Mais il se rappelait très bien qu’il jouait aux aventuriers et que ça avait été le plus beau jour de cette année là.
Cet endroit l’appartenait. Et quoique c’était faux, ce sentiment se renforçait de jour en jour. Quand cela allait mal, il venait ici vivre la nature. Entendre l’eau qui filtrait entre les cailloux et la mélodie des arbres. Sentir la terre fraiche et le vent. Mais ça ne marcha pas aujourd’hui. Cet endroit n’amoindrissait pas ses peines. Pourquoi n’avait-il pas droit à la même chose que ses amis ? Un père, une mère, une sœur, un frère, un corps normal, un esprit sain. Non, il fallait qu’il soit le parfait exemple de cette phrase qui disait : c’était trop beau pour être vrai.
Il gueula sa rage et son désespoir. Aidé par les griffes dans sa chair et la migraine qui percutait sa tempe. Il se transformait, toutefois, il ne paniqua pas et pensa qu’un moment à l’autre, il retrouverait sa forme normale. « Et si tu ne la retrouves pas ? » Il se voua à une longue réflexion sur les possibilités infinies qu’offraient les suppositions. Avec des « Et si », on pourrait construire une cathédrale sur la lune, faire flotter des maisons avec des ballons ou créer une armée avec de la boue.
Mais trente minutes plus tard, les lignes étaient toujours là.
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