La chambre de Ibtissem se situe en face de la cage d'escalier, et quand elle entre, Madi est surprise par ce qu'elle voit : c'est la pièce la mieux rangée qu'elle n'ait jamais vue. Le lit est fait, les livres sont alignés dans la bibliothèque, aucun vêtement ne traîne, aucun bibelot n'est posé sur les meubles. La seule chose qui contraste avec la sobriété de la pièce est le mur contre lequel s'appuie le lit d'Ibtissem, qui est rempli de photographies. Aucun visage à l'horizon, mais des scènes de pâtisseries. Des gâteaux qui sortent du four, des pâtes à sablés découpées avec des emportes-pièces, des fraises dans un bol.

-C'est toi qui as fait ça ? demande Madi, curieuse, et Ibtissem acquiesce.

-Les photos. Et les pâtisseries.

Madi hoche la tête, essayant de passer en revue chacune de ces photographies.

-Bon, pour tout te dire, euh... je sais plus vraiment où j'ai mis la perforatrice de cœur, avoue soudainement Ibtissem, et Madi se tourne vers elle, surprise.

-Quoi ? demande-t-elle avant de pouffer de rire. Mais... comment ça ?

Ibtissem hausse les épaules.

-L'annonce est postée depuis, genre, deux ans. Mais t'inquiète, je vais la trouver. Chaque chose à sa place ici.

-J'ai remarqué, répond Madi. Tu veux que je t'aide à chercher ? Je veux pas fouiller dans tes affaires, mais je veux pas non plus... rester là à rien faire.

-Elle est forcément dans l'un de ses tiroirs. Je m'en occupe.

Madi hausse les épaules avant de se replonger dans sa contemplation de la pièce. C'est très différent de chez elle, où il y a de nombreux bibelots, mais surtout, des dessins accrochés partout sur les murs, à tel point qu'on n'en voit plus la couleur. Pourtant, elle se surprend à penser qu'elle aimera bien vivre dans un environnement comme celui-ci. Ibtissem semble avoir les idées aussi claires que sa chambre est ordonnée ; Madi a les idées aussi emmêlées que ses murs le laissent entendre.

-J'ai trouvé ! s'exclame Ibtissem, levant les bras d'un air triomphant. La voilà pour toi.

Madi sourit avant d'attraper l'objet de toutes ses convoitises.

-J'avais exactement la même.

-Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

-Je l'ai surmené. Elle est décédée.

Ibtissem sourit.

-Qu'est-ce que tu faisais, avec ? Je veux dire, des cœurs j'imagine, mais dans quel but ?

-Je fabrique une guirlande de cœur.

Elle plonge sa main dans sa poche et en sort une pièce de deux euros qu'elle tend à Ibtissem. Celle-ci secoue la tête.

-Tu peux les garder. Mais je veux voir le résultat quand la guirlande sera terminée.

-D'accord, répond Madi, assez surprise.

Elle se demande si elle devrait insister, mais Ibtissem semble avoir déjà oublié leur échange. Elle remet à sa place les quelques objets déplacés, et elle se tourne vers Madi.

-On y va ? propose-t-elle, et Madi acquiesce d'un petit signe de tête. Comme à l'aller, Ibtissem ne l'attend pas, et Madi en profite pour poser la pièce de deux euros sur un meuble avant de descendre les escaliers à la suite de Ibtissem.

-Tu veux un cookie à la fraise ?

Madi n'a pas de grand talent de cuisinière, mais elle n'a jamais entendu parler de cookies à la fraise avant d'arriver chez Ibtissem. Cependant, elle accepte de goûter en voyant que Ibtissem semble en être particulièrement fière.

-Alors ? demande cette dernière, et Madi sourit avant de hocher la tête.

-C'est surprenant mais c'est bon.