Elle - Lundi 20 Octobre 2014
Mince alors ! Je crois qu'il y a un garçon qui me plaît. Je ne sais pas trop en fait. Je n'avais jamais ressenti ça comme ça. Je mets toujours des plombes à tomber amoureuse. Et c'est toujours quand je le connais bien et que je me mets à adorer des détails de sa personnalité. Mais là, c'est pas du tout comme ça. Pourtant, je crois bien que je suis en train de tomber amoureuse. Ou que je pourrais, si je voulais. Mais je crois que je veux. Enfin, ouais, ce n'est pas comme si je ne voulais pas. Ce n'est pas comme s'il y avait quelque chose qui devrait m'en empêcher. Ce n'est pas comme si je ne voulais pas tomber amoureuse, ou comme si je ne voulais pas tomber amoureuse de lui. Alors, ce que je ressens maintenant, je suppose que si rien n'intervient, c'est comme ça que ça va évoluer ; que je vais finir par tomber amoureuse. Mince alors ! Peut-être que je le suis déjà.
Je suis arrivée en retard ce matin. Ce n'était pas de ma faute ; c'était le RER. Pourtant, pour aller en cours aussi je prends le RER, et je n'ai jamais été en retard. Enfin bref, j'ai pris le RER dans la mauvaise direction et ça m'a bousillé la matinée. Je suis arrivée super en retard, mais, heureusement, ils m'ont quand-même laissée rejoindre le groupe.
J'aurais cru que je serais super gênée et tout. Que j'aurais eu peur, et envie de me confondre en excuses, et surtout que ça m'aurait empêchée d'agir normalement après. Mais, en fait, non. Je crois que la nouvelle Amandine, elle s'en fiche. Puis en plus ce n'est pas comme si j'avais loupé quelque chose de vraiment intéressant. Les chants et les petits jeux de blabla, c'est amusant, mais bon, ça ne va rien m'apprendre.
Je suis arrivée au début du temps théorique. Et le temps théorique c'est ce que je préfère. Donc, on était en classe. Et le formateur parlait, et je prenais des notes. Et je posais plein de questions, et je faisais des remarques. Et je mangeais aussi. Je mangeais et je regardais mon téléphone. Mais ce n'est pas parce que je m'en fichais du cours ! C'est tout l'inverse en fait. Moi je veux rester concentrée sur le cours. Mais si je n'ai pas assez de stimulation, mon cerveau part dans tous les sens et je me mets à penser à autre chose ; et puis ensuite, pour que je revienne, c'est compliqué.
Ce n'est pas que ce n'est pas intéressant. Ça m'intéresse vraiment vraiment ! C'est juste que le prof il est TROP pédagogue. Il répète, il explique la même chose de plusieurs façons différentes, il s'assure qu'on a bien compris, il donne des exemples, il pose des questions. Et bon, c'est vachement bien ; je ne vais pas lui faire des reproches pour ça ! Mais pour moi ce n'est pas ce qu'il faut. Parce que je n'ai pas besoin de tout ça. Des fois c'est le cas, sur les trucs avec lesquels j'ai du mal. Par exemple en cours de stats. Mais là, bah on parle de pédagogie justement. Et moi, je suis en troisième année de sciences de l'éducation. Donc je m'y connais déjà un peu on va dire ; il y a pleins de choses qui se recoupent. Et bon, de toute façon, en général, je comprends vite et j'analyse et je n'ai pas besoin qu'on m'explique les trucs mille fois.
Donc, pour maintenir mon attention, je pose un millier de questions. C'est trop bien, parce que comme ici je n'ai pas peur que les gens me trouvent chiante, je peux poser autant de questions que je veux. Enfin, ce n'est pas que je n'ai pas peur, parce que je pense pas qu'ils vont me trouver chiante de toute façon. C'est que, ici, même s'ils me trouvent chiante, je n'en ai rien à faire ! Je sais, c'est fou ! Je me surprends moi même ! Du coup je pose plein de questions, et je fais partir le formateur dans des digressions. Mais c'est tellement plus intéressant comme ça ! Et quand il raconte des choses que je sais déjà, je mange et je regarde des trucs sur mon portable.
Mais bon, les sciences de l'éducation et l'apprentissage, je suis sûre que personne ne trouve ça aussi intéressant que les histoires d'amour. Enfin, personne sauf moi. Donc, euh, revenons à ce gars. Je ne sais même pas comment il s'appelle. Il était là hier mais je ne l'avais pas remarqué. Enfin, je l'avais un peu remarqué vu que je sais qu'il était là hier. Mais je l'avais pas remarqué remarqué. Et là, ce matin, à un moment pendant le temps théorique, mon regard s'est porté trois chaises plus loin et je l'ai remarqué.
Je ne sais pas ce qui m'a pris. C'est juste que... bah... il avait un pull ringard ! C'était un pull avec un robot dessiné dessus, et on aurait dit que ça avait été tricoté par sa grand mère. Et je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai juste eu une terrible envie de venir me blottir dans les bras de ce robot. Et ensuite, bah ça n'allait plus du tout. Parce que dès que je jetais un œil vers lui, je ressentais des trucs comme ça. Ses cheveux faisaient des petites boucles sur son crâne, et il passait sa main dedans et ma main était jalouse de la sienne. Je voulais passer ma main à moi dans ses boucles, mais je ne pouvais pas alors je caressais mes propres cheveux. Et je voyais ses mains qui faisaient balancer son stylo sur un rythme régulier et j'avais envie qu'elles viennent caresser ma joue, et mes lèvres.
Et je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Pas du tout. Je n'avais jamais ressenti ça de cette façon là. Ouais bon, ça m'était déjà arrivé ce genre de perturbations de la pensée ; mais seulement quand j'étais déjà amoureuse du gars depuis pas mal de temps. Sauf que là, je ne le connais pas. Je ne sais rien de lui. Enfin si, il participe beaucoup lui aussi. Je trouve que ça parle beaucoup en sa faveur. Surtout le fait qu'il s'implique. Et que ça l'intéresse. Puis il avait l'air vachement intelligent quand même. Enfin bref, peut-être que c'était ça. Ou peut-être que c'était le pull ringard. Je crois que j'ai vraiment un truc pour les pulls ringards.
Et le pire, c'est qu'hier il avait une chemise blanche et il était habillé comme s'il allait à un entretien d'embauche. Et ça, moi, je ne supporte pas ! Ça m'énerve tellement les conventions sociales, et de devoir s'habiller de telle ou telle façon pour telles occasions. Moi, les seules règles que je suis pour m'habiller, c'est celles que je m'impose moi-même. Mais ce n'est pas une histoire de vêtements, c'est symbolique. Je n'aime juste pas ce que ce type de tenue représente, ce que ça me rappelle sur le monde. Et donc le contraste entre hier et aujourd'hui, entre la tenue d'entretien et le pull robot, bah ça m'a fait de l'effet je crois. D'un coup, il a eu l'air humain ! Et moi, j'ai eu vraiment vraiment envie d'aller me blottir dans les bras de cet humain là. Mais bien sûr, je ne pouvais pas.
Et je ne suis pas le genre de fille qui croit au coup de foudre, ou au Destin, ou aux âmes-sœurs. Quand je dis que je n'avais jamais ressenti ça avant aujourd'hui, je veux pas du tout dire ça de la même façon que quand on le dit et que c'est cliché. Je ne crois pas que ça veuille dire quelque chose, que ce soit un signe ou quoi. Je crois vraiment que c'était à cause de son pull ringard et de sa façon d'être en cours. Ouais, je sais, ce n'est pas romantique de penser comme ça. Mais je m'en fiche.
Je m'en fiche s'il me m'était pas destiné ; même si on finissait ensemble je m'en ficherais. Je m'en fiche si mes sentiments sont nés d'un pull et d'un enthousiasme pour la pédagogie. Je sais juste qu'ils sont en train de naître, là. Et que si je veux en faire quelque chose, et que si lui aussi il veut, bah on pourrait créer quelque chose de vachement bien. Peut-être. Je ne sais pas. Je ne peux pas être sûre. Je ne le connais pas. Mais je voudrais bien. Ouais, je voudrais bien savoir ce qu'on peut donner lui et moi. Parce que ce que je ressens là, c'est assez rare pour que je me décide à ne pas le jeter à la poubelle. Je voudrais nous donner une chance. Absolument aucune idée de comment je vais pouvoir faire. Décidément, je suis sérieusement atteinte.
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