Elle - Jeudi 23 Octobre 2014
Armando et moi, on est stupides. Armando et moi, on s'aime vraiment bien. Enfin, je crois. J'en suis sûre à... disons soixante-dix pourcents. Je n'en sais rien. Mais je crois que j'ai de bonnes raisons d'espérer. Non, vraiment, on se l'est quasiment avoué. Bon, ok, on est toujours bloqués un peu. Mais quand même sacrément beaucoup moins !
En début d'après-midi, on a fait des petits exercices d'improvisation. Mais il faut savoir que l'improvisation n'est jamais totalement improvisée. On se met par deux, on pioche un thème, on discute trois minutes de ce qu'on va faire, et paf, on se retrouve à jouer devant les autres. Bien sur, il faut s'adresser à un public imaginaire d'enfants auquel ont attribue un rôle et que l'on doit motiver à nous suivre dans un jeu que l'on doit appeler autrement qu'un jeu et pour un quelconque motif qu'on doit aussi inventer. Je me rends compte qu'en seulement quelques minutes, on peut mettre sur pieds quelque chose qui rend super bien même si ça n'a pas été prévu et anticipé dans les moindres détails. Et surtout on s'amuse !
Puis c'est fou, de voir comment, dans ce genre de situation, alors qu'on est avec des personnes qu'on ne connaît pas, on peu avoir de la facilité à communiquer, à échanger des idées et à se mettre d'accord. C'est vrai un peu avec tout le monde. Mais ça l'est surtout avec Armando. Avec lui, c'était presque magique, comme on se comprenait, comme on brodait sur les idées de l'autre, comme on avait presque les mêmes parfois. On aurait dit que nos deux cerveaux étaient branchés sur la même fréquence. Je crois qu'au fond on se ressemble vraiment pas mal tous les deux. Mais en même temps on est différents. Et je crois que tout l'attrait est là ; dans un certain équilibre entre semblable et différent. Et dans l'effet magique de deux cerveaux branchés sur la même fréquence.
On a abouti à quelque chose de super génial. Ça donnait ça :
Un fantôme : Oh ! Une sorcière ! [part se cacher sous le bureau]
La sorcière : Ininin ! Je suis la méchante sorcière Grabouilla ! Je vais vous jeter un sort, petits enfants. Abracadabra, vous allez tous devenir des fantômes ! Ahahaha ! Vous êtes tous des fantômes maintenant !
Le fantôme : Oh ! Vous aussi à ma droite vous êtes des fantômes maintenant ? Vous allez voir, c'est horrible d'être un fantôme ! [Sanglotant] Moi, ça fait longtemps que je suis un fantôme. Oui, c'est vraiment dur d'être un fantôme. Vous êtes invisible, personne ne vous voit, personne ne vous parle, personne ne fait attention à vous. [Il voit par terre un papier que la sorcière a fait tomber] C'est quoi ça ? [Il le prend et le déplie. Son visage s'illumine]. C'est une recette ! La recette d'une potion pour redevenir humain ! Vous aimeriez redevenir humain vous aussi ? De la poussière de fée, de la bave de crapaud,... Ça a l'air dur à trouver tous ces ingrédients. Vous voulez qu'on essaye ? Venez avec moi, on va chercher tous les ingrédients et faire la potion pour redevenir humains.
La sorcière : Et vous, ceux à ma gauche, vous avez eu de la chance ! Vous avez eu de la chance ! La seule raison pour laquelle je ne vous ai pas transformés en fantômes, c'est parce que j'ai besoin de vous. Vous voyez, le fantôme qui parlait. Non, vous ne le voyez pas, vu que c'est un fantôme. Mais vous l'avez entendu. Bah s'il est un fantôme, c'est parce que je ne l'aimais pas. Lui il était amoureux de moi. Mais moi j'en avais marre de le voir me courir derrière, alors je l'ai rendu invisible. Sauf que je peux toujours l'entendre, donc j'ai besoin de vous pour m'aider à trouver les ingrédients pour fabriquer le gaz magique qui le rendra muet.
Je dois avouer que la plupart des idées venaient d'Armando à la base. Et moi, je me suis demandé si ça voulait dire quelque chose tout ça. J'avais envie de lui dire que je n'étais pas cette sorcière, et qu'il n'était pas invisible. J'avais envie de lui dire que la seule potion que j'avais envie de préparer c'était une potion pour qu'il ne disparaisse pas après Samedi soir. Mais je ne savais pas comment lui dire. Alors je lui ai offert une tranche de saucisson. Je sais, il n'aime pas ça. Mais c'était du saucisson aux noisettes, et celui-là il l'adore. Alors, après les impros, je lui ai offert du saucisson en lui disant que c'était du saucisson magique pour qu'il redevienne visible. Puis je lui ai demandé s'il savait qu'il n'était pas invisible et ne l'avait jamais été. Il a répondu qu'il n'en était pas assez sûr pour prendre le risque de refuser cette rondelle de saucisson magique. Et il l'a acceptée. Des fois j'aimerais qu'on se parle autrement que par métaphores. J'aimerais pouvoir être sûre. Mais c'est trop dur. Même quand on ne se parle pas par métaphores ce n'est pas clair et ce n'est pas sûr. Quand on ne se parle pas par métaphores on se parle comme si c'était une blague.
Mais je crois que ce n'est pas une blague. Je crois que j'ai un rendez-vous avec Armando demain soir. C'est parce qu'il m'a vexée Armando. Au goûter il m'a sorti « Eh, Amandine. Tu sais que toi t'es la sorcière ? » Et je n'ai pas compris ! Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire. Je lui ai demandé si ça voulait dire que j'étais méchante, ou si ça voulait dire que je rendais les gens invisibles, que je ne faisais pas assez attention à eux, ou que je donnais trop d'ordres comme la sorcière en donnait au public. Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire. Mais Armando il n'a pas voulu m'expliquer. Il m'a dit « Non, laisse tomber, t'es pas une sorcière. Pour me faire pardonner, je t'offre un macaron. »
Et il m'a tendu un macaron tout rose. Je lui ai demandé s'il était au saucisson, et il m'a répondu bien sûr que non. Je lui ai demandé si c'était parce qu'il n'aimait pas le rose et trouvait ça dégradant de manger ce macaron. Il m'a dit « Olala, moi je veux juste être sympa et je me fais encore accuser de sexisme. » Il m'a dit que les macarons rose à la framboise était justement ses préférés, et que d'ailleurs il avait prévu d'en préparer demain soir. Parce que demain soir, on finit à 16h et pas à 18h. Et parce que, paraît-il, les macarons que fait Armando seraient vachement meilleurs que ceux comme celui qu'il m'a offert aujourd'hui, qui viennent du supermarché. Je lui ai demandé « Tu nous invites pour les manger ? » Et il a répondu « Je t'invite, toi, si tu veux. » Je ne sais pas pourquoi, j'ai réagi l'air de rien. J'ai juste répondu « Super ! J'ai toujours voulu apprendre à préparer des macarons ! » Parce que c'était la vérité. Puis le formateur est rentré dans la salle, et ensuite on n'en a plus reparlé. Est-ce que c'est un rendez-vous ? Est-ce qu'il m'a invitée pour de vrai en fait ? Est-ce que je suis censée lui en reparler ?
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