Elle - Dimanche 19 Octobre 2014
J'avais presque oublié à quel point j'étais capable de me sentir bien. A quel point je peux me sentir vivante. Presque à l'aise. Presque sociable.
La dernière fois que j'avais ressenti ça, c'était justement au premier stage BAFA. Le BAFA, c'est le Brevet d'Aptitude aux Fonctions d'Animateur. Un petit diplôme qu'on passe pour pouvoir travailler dans les centres aérés et les colonies de vacances. A mes dix-huit ans, j'avais eu une semaine de formation pour la première partie. La deuxième partie, je l'avais validée en animant une colo. Et la troisième partie, c'est celle que je suis en train de passer maintenant : une semaine de formation cette fois encore.
C'est les vacances de la Toussaint. Dire que je vais en perdre la moitié avec cette formation. Devoir me lever tous les matins à six heure trente pour arriver là bas à huit heures, rester jusqu'à dix-huit heures et n'arriver chez moi qu'à dix-neuf heures. Aucun temps libre quoi. J'ai besoin de temps libre moi ! Mais bon, en même temps, ce n'est pas comme si j'avais en option une meilleure façon que celle là de passer mes vacances. Là, au moins, j'aurai tout plein d'"amis" qui vont faire des activités créatives et réfléchir sur la pédagogie avec moi. Ouais, c'est un peu parce qu'ils seront obligés ; mais quand même.
Ces stages créent les circonstances idéales pour être capable de parler avec les gens. Juste le petit truc indispensable pour moi : la légitimité. Ce n'est pas la peine de chercher plus loin. Tu n'as pas de problème pour parler avec les gens quand tu as une raison de leur parler. Et quelle meilleure raison que d'y être obligée ? Mais ça, c'est seulement au début en fait. Après, une fois que j'ai commencé à raconter des trucs personnels et des absurdités, parce que j'étais obligée dans le contexte du jeu, bah je deviens capable de le faire tout le temps. Une fois que j'ai commencé, c'est vraiment hyper facile de continuer !
J'ai l'impression de m'accorder une pause dans mes angoisses. Comme si j'avais réussi à mettre en mode off le petit module dans mon cerveau qui m'envoie cette calamité qu'est la peur. Mais peur de quoi ? Peur qu'ils se demandent « Mais pourquoi Diable elle me raconte ça ? » dès que je dis quelque chose. Cette peur là n'est pas là au BAFA. Comme si je me disais dit « Cette semaine je suis MOI et je m'en fiche de ce qu'on va penser de moi. » Peut-être parce que je sais que je ne reverrais jamais aucun d'eux après. On est treize à être formés ensembles, mais ils ne vivent pas dans la même ville que moi, et aucun d'eux ne va à la fac avec moi.
J'ai vraiment eu cette impression aujourd'hui, lors de mon premier jour de formation ; celle d'être à l'aise. Et j'aimerais vraiment que ça dure toute la semaine ! Ce que j'aimerais vraiment vraiment surtout, c'est être capable de me sentir comme ça aussi l'an prochain, quand je commencerais le Master. En Licence, comme au collège et au lycée, je m'étais laissée enfermée. J'avais été timide les premiers jours, et ensuite c'était devenu impossible de faire autrement. Peut-être juste parce que j'avais pris l'habitude. Tout le monde aurait trouvé ça surprenant si j'avais changé. Non ? Je ne pouvais pas arriver un matin et commencer à être bizarre et expansive d'un coup juste parce que l'envie m'avait pris. Non ? Mais ici, je peux. Et je me dis que l'an prochain en Master, peut-être que je pourrais aussi. Si je ne foire pas le départ. J'aimerais vraiment pouvoir continuer d'être cette fille que je suis là maintenant au BAFA. Parce que cette Amandine, elle est... heureuse ! Elle n'a pas peur, elle ne se prend pas la tête. Elle est juste libre ! Et elle rit, et elle sourit, et elle partage, et elle crée, et elle s'amuse ! J'avais oublié que j'étais capable de m'amuser ! Et le pire, c'est que les gens ont l'air de m'apprécier !
Mais en vrai, je ne crois pas qu'en Master je serai capable. Je ne crois pas que j'arriverai à faire taire les angoisses et mobiliser cette Amandine là ; pas pendant deux années complètes. Alors je veux juste profiter un maximum de cette semaine de BAFA. Parce que je suis consciente que ça va finir. Et je suis triste. Ça va me manquer. Je crois que jamais plus ça n'arrivera après ça. Ça va tellement me manquer ! Tous ces gens avec qui je suis, je crois qu'ils vont me manquer. Bon, d'accord, je n'ai pas retenu la moitié de leurs douze noms. Mais je suis sûre que d'ici quelques jours ce sera le cas, et que je me sentirais infiniment plus proche de chacun d'eux que je le suis des gens qui sont en Licence avec moi depuis un peu plus de deux ans. Je crois qu'ils vont me manquer un peu. Mais pas trop en fait. La vérité c'est que ce qui va me manquer ce n'est pas eux. C'est moi qui vais me manquer ! Peut-être que plus jamais après je ne retrouverai cette Amandine. Cette Amandine à l'aise, qui n'a pas peur du regard des autres, qui se sent bien, qui est ravie de pouvoir s'exprimer, qui n'a pas peur de donner son avis, qui dit des choses qui pourraient paraître stupides sans se prendre la tête, sans regretter après, ...
Et dans deux semaines je vais me retrouver seule de nouveau à la fac. Et je sais bien que ce ne sont pas les gens qui sont différents au BAFA. C'est moi ! Et probablement que je n'aurais jamais été comme ça si je n'avais pas su que plus jamais je ne les reverrais après. Mais ça va me manquer. Comme si ça n'avait été qu'un rêve. Qu'une parenthèse complètement détachée de la vie réelle. Exactement comme au premier stage BAFA en fait.
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