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Comme à son habitude, Severus Snape entra dans sa salle de classe violemment, envoyant la lourde porte en bois frapper contre le mur, ses capes noires tournoyant dans son sillage. Aussitôt, les élèves, qui parlaient entre eux, se turent pour tourner leurs regards vers leur professeur, certains effrayés, d'autres surpris, d'autres encore avec admiration.

Tout était pareil.

Déjà de mauvaise humeur par les attitudes de ses étudiants, il se hâta de leur donner la leçon du jour, expliquant les propriétés de la potion qu'ils allaient devoir effectuer dans la matinée. Il les observa un instant, notant leurs différentes expressions toutes plus exaspérantes les unes que les autres. Puis se dirigea vers le fond de la classe pour observer les mouvements des élèves.

Rien n'avait changé.

Le maître des potions venait, faisait son cours, laissait les élèves passer à la phase pratique, en rabrouait certains, enlevait des points de maisons par ci et par là, gratifiant sans vergogne sa propre maison. Les élèves continuaient de se méfier de lui, lui jetant des regards en coin quand ils pensaient qu'il ne le verrait pas, faisant tout pour ne pas rater leur potion, refusant d'être le centre d'attention de ce professeur si détesté. Refusant de croiser son regard sombre et effrayant. Refusant de s'attirer les foudres d'un homme qu'ils avaient appris à haïr cordialement. Refusant d'avoir à faire à un mangemort.

Tout simplement...

Et pourtant, si les choses restaient les mêmes, tout avait changé.

Severus ne prenait plus de plaisir à rabaisser ses élèves. Il ne s'amusait plus de les terroriser. Il ne voulait plus chercher à les intimider comme autrefois. Il ne voulait plus être associé à cet être froid, sans cœur, considéré comme inhumain par tant de ses personnes qui cohabitait avec lui à Poudlard. Quelque chose semblait avoir bougé en lui, réveillant une part de son être qu'il avait cru enfoui et dissoute depuis bien longtemps.

Bien que rien n'ait changé, tout a été terriblement différent sans qu'il ne sache pourquoi. Lui qui avait toujours détesté les enfants semblait soudainement se soucier un peu plus d'eux, cherchant toujours à leur éviter la moindre catastrophe dans sa classe, cherchant toujours à les protéger de ce qui pourrait mal tourner. Cherchant même parfois à être juste dans ses retenus ou à prendre en considération les deux parties lors d'une dispute, les laissant à chaque fois un peu plus perplexe. Et se laissant lui-même un peu plus désemparé.

Tout été pareil qu'autrefois, mais cette fissure si profonde dans son cœur était bien différente de ce qu'elle avait été. Plus récente, comme réouverte. Plus profonde comme proche. Plus douloureuse, comme plus importante à ses yeux. Mais impossible de savoir d'où elle pouvait bien venir, ce qui avait pu la provoquer, et pourquoi. C'était si frustrant. Et cela durait depuis trois jours déjà...

Trois jours de questionnement et d'incompréhension.

Trois jours de douleur inconnue et si soudaine.

Trois jours qu'il ne parvenait pas à comprendre pourquoi.

Trois jours que les choses n'étaient plus ce qu'elles semblaient être.

D'autres choses, des détails, avaient, eux aussi, changé. Des détails que lui seul avait remarqués mais qui semblaient avoir une grande importance.

Comme, par exemple sa poitrine qui lui faisait constamment mal, le brûlant de l'intérieur, le forçant à reprendre son souffle plus souvent qu'il ne l'aurait souhaité. Dans sa vie, Severus avait connu bien des douleurs, bien des souffrances, sachant d'où elle venait, pourquoi et comment il les avait eus. Mais celle-ci... Plus il y pensait et plus la réponse lui échappait, comme balayé par un coup de vent violent.

Et ce trèfle qu'il avait retrouvé dans sa poche. Un trèfle à quatre feuilles avec une feuille rouge...

Il n'avait jamais rien vu de pareil auparavant, et pourtant il était là, posé sur le rebord de sa cheminées dans ses quartiers. Pendant de nombreuses heures, Severus l'avait fixé, cherchant à comprendre comme ce trèfle avait pu atterrir dans sa poche. Et surtout, il voulait savoir pourquoi un lourd sentiment de nostalgie et de culpabilité le prenait dès qu'il le regardait. Pourquoi ressentait-il cela alors qu'il avait mis en cage ses sentiments depuis si longtemps ? Mais surtout, pourquoi ne pouvait-il pas s'en débarrasser ?

À chaque fois qu'il avait essayé, sa main s'était figée au-dessus du feu, tenant encore fermement le trèfle. Ce trèfle qui semblait le supplier de ne pas l'abandonner comme il l'avait fait avec... Avec qui ? Avec quoi ?

Il ne savait plus.

Et sa mémoire continuait de s'effacer un peu plus chaque jour, ses sentiments s'estompant un peu plus avec elle...

-Monsieur ?

Revenant brutalement à la réalité, le professeur des potions releva la tête pour planter ses yeux sombres dans ceux d'un élève de Serpentard qui le regardait avec désespoir.

-Que vous arrive-t-il encore monsieur Lee ?

-C'est ma potion monsieur, je crois qu'elle va exploser...

-Ne dites pas de bêtises.

Et, d'un mouvement violent mais contrôlé, Severus se rapprocha de la table de l'élève, fixa pendant un instant le contenu du chaudron avant de le faire disparaître d'un evanesco retentissent. Le silence tomba parmi les élèves, dur, lourd, chargé de non-dit et de reproche.

-Je vois que malgré mon absence de quelques jours aucun de vous n'a pris la peine d'ouvrir un livre de potion pour espérer prendre un temps soit peu d'avance sur le programme. Pitoyable.

Des mois qui semblaient vide de sens. Autrefois, Severus aurait pris plaisir à les cracher sévèrement aux visages de ses élèves. Mais maintenant, il n'en éprouvait plus aucune satisfaction.

-La classe est finie, dit soudainement Severus sans élever la voix.

Les enfants ne mirent pas longtemps avant de se mouvoir de nouveau pour ranger leurs tables et quitter les lieux, laissant Severus seul devant son bureau en bois brun, perdu de nouveau dans ses pensées et ses sentiments confus. Pourtant, une voix le tira de nouveau de la torpeur. Une voix qui l'énerva au plus au point avant même qu'elle n'ait fini de parler.

-Professeur Snape ?

-Mademoiselle Heywood.

Lentement, comme pour accentuer le côté dramatique, Severus se retourna vers l'élève de deuxième année. S'il s'attendait à ce qu'elle se présente à lui dès son retour, il ne s'était certainement pas attendu à voir le Gryffondor qui se tenait juste derrière elle. Ben Cooper. Probablement l'enfant le plus timide et stupide qu'il n'ait jamais vu.

-Professeur, reprit la jeune fille avec une assurance feinte, cachant sa grande nervosité, Ben et moi on voulait vous souhaiter un bon retour parmi nous.

-Oui...

-Nous sommes heureux de retrouver notre maître des potions.

-Oui...

-Et nous avons hâte de recommencer à suivre vos cours.

-Oui...

Autrefois ses quelques mots l'auraient exaspéré, surtout la monosyllabe répétitive du jeune homme. Et pourtant, maintenant, Severus ressentait quelque chose au fond de lui qu'il n'avait pas ressenti depuis si longtemps. Certainement pas de la joie, cela il l'avait totalement bannie de ses sentiments depuis des années. Mais peut-être, de la reconnaissance ? Mais surtout, de quoi parlaient-ils donc ? Était-il parti quelque part ? Avait-il manqué des jours d'école ?

La pensée s'envola aussitôt qu'elle fut apparue dans son esprit confus.

-Ce sera tout ? Demanda-t-il de sa voix détachée.

-Oui monsieur. À demain monsieur.

-Oui...

Et, tout comme ils étaient venus à lui, les élèves s'évanouir, quittant la salle avec une certaine précipitation. Ainsi, il leur faisait toujours aussi peur. Et pourtant, Severus était plus que surpris. Jamais personne n'avait pris la peine de lui souhaiter une quelconque bienvenue depuis son enfance. Personne ne s'était jamais soucié de lui de cette manière. Alors pourquoi ses deux élèves si ? Qu'avait-il fait de plus ? Ce pouvait-il que, finalement, quelqu'un tienne à lui ?

Non.

Ce ne sont que des élèves.

Ils ne font ça que pour tenter de s'attirer les bonnes grâce du professeur le plus détesté de toute l'histoire de Poudlard.

Et pourtant, malgré ses pensées, son cœur semblait vouloir dire autre chose.

Le cœur a ses raisons que la raison ignore.

Ces quelques mots auraient difficilement pu être aussi vrais que maintenant...

Épuisé par ce cours, qui pourtant n'avait pas demandé beaucoup d'intervention de sa part, et par l'idée qu'il lui en restait encore trois à donner avant la fin de la journée, Severus s'assit lourdement sur la chaise face à son bureau. Il regarda la salle de classe vide pendant un moment, faisant le vide. Puis soupira et renversa la tête en arrière, observant désormais le plafond sans la voir. Les pensées refoulées ressurgirent d'un seul coup, se déversant en lui comme un ras de marais ravageur et sans merci. Tant de choses étaient devenues différentes en seulement quelques jours.

Sa santé qui semblait s'être décliné sans raison et sans qu'il puisse trouver la cause. Ce trèfle si particulier qui était apparu si soudainement dans sa vie. Ses élèves qui semblaient si soudainement se soucier de lui alors qu'il avait passé leur scolarité à les terroriser avec une joie non dissimulée.

Mais le plus gros changement était sans conteste l'attitude du directeur envers lui. De haineux, l'homme était devenu méfiant, le jaugeant, le surveillant, guettant ses moindres faits et gestes. Mais depuis peu, L'homme était devenu... Confiant envers lui. Presque amical...

La simple pensée fit frémir Severus.

Le pire étant que c'était venu de manière si soudaine, si inattendue...

Comme si une vie entière s'était écoulée sans qu'il ne s'en rende compte.

Comme ci il avait oublié...

Et, alors que Dumbledore avait tenté de paraître bienveillant envers lui sans qu'il ne sache pourquoi, les autres professeurs, eux, n'avait pas changé. Le méprisant toujours, le haïssant comme jamais sans qu'il ne puisse se résoudre à leur en vouloir. Le fuyant pour les plus effrayés d'entre eux. Le provocant pour les plus courageux ou fou. Minerva elle c'était muré dans une indifférence totale à son égard, ne partageant jamais la même pièce plus de quelques secondes, l'ignorant comme un chien galeux perdu dans la rue. Et ce regard qu'elle lui jetait parfois quand elle pensait qu'il avait le dos tourné. Un regard où se lisait une absence totale de reconnaissance.

Que lui avait-il fait pour qu'elle agisse ainsi ? Avait-il de nouveau fait un faux pas ? Lui était-il arrivé quelque chose ?

Des frissons glacés parcoururent le dos de Severus à cette pensée qu'il se dépêcha de refouler dans un coin de son esprit. L'idée était bien trop terrifiante.

Et elle le quitta, s'évanouissant dans les méandres de son esprit, se perdant dans de vieux souvenirs refoulés se dissolvant avec tant d'autres, ne laissant derrière que des impressions qui finiront par s'effacer sous peu. Les jours passaient. Les choses avaient changé. Mais sa mémoire semblait dissoudre peu à peu les restes de souvenirs qu'il ne parvenait pas à comprendre. Severus cherchait du mieux qu'il le pouvait à rattraper ses bribes d'images et de sons, résistant contre l'oubli, creusant pour découvrir pourquoi. Mais cela lui échappait un peu plus à chaque fois.

Des choses avaient changé. Certaines avaient évolué. D'autres semblaient avoir tout simplement disparu comme balayé par un coup de vent. Mais parmi tout cela, parmi tout ce qui avait changé dans sa vie sans aucune explication, d'autres étaient apparues. Tout simplement apparu comme ci elles avaient toujours été là et qu'ils ne les avaient jamais remarqués. Comme un souvenir enfoui et refoulé qui avait soudainement décidé de briser les murs de sa prison pour revenir avec force. Le souvenir clair de deux yeux verts qui le fixait avec confiance et espérance. Une confiance qu'il n'avait jamais vu dans le regard de Lily. Une confiance qu'il n'avait jamais vu chez personne envers lui. Et pourtant ils étaient là, le fixant avec espoir. Et tellement réel...

Deux yeux verts qui avaient ressurgi de son passé et qui, étrangement, au lieu de le meurtrir encore un peu plus, semblait lui apporter un certain réconfort dans sa vie de solitude...

Son esprit lui jouait des tours.

Ses souvenirs n'étaient plus fiables.

Mais cela aussi, il l'avait déjà oublié.

La seule chose qu'il lui restait était ce regard si pur d'émeraude...

*****

Bonjour, bonsoir,

Avant dernier chapitre de "Guilt and Salavation"

Je vous remercie tous pour votre suivit qui m'a poussé à continuer d'écrire cette histoire. Une fois de plus j'espère que ce chapitre vous aura plus et à la semaine prochaine pour le tout dernier !!!

Gros bisous à tous.

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