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Comme ça faisait mal...

Severus avait compris dès que «Charles» était entré dans la pièce. Il avait juste refusé de voir la vérité en face, avait fermé son esprit à toute possibilité de trahison. La belle erreur qu'il venait de faire... Il l'avait toujours su. Un pion aux mains du seigneur des ténèbres. Un outil servant la lumière. Comme ci il avait été replongé dans son adolescence, Severus se ferma à tout, empêchant son visage de laisser transparaître la moindre émotion, enfermant son cœur saignant dans une cage que même lui ne pourrait pas ouvrir.

-Je vous ai en effet piégé Severus. Parce que je n'avais aucune confiance en vous, reprit doucement Dumbledore, insensible aux tourments qu'il venait de causer dans l'esprit du maître des potions. J'avais besoin de savoir si vous étiez assez fidèle au point de vous confier une mission aussi capitale.

-Où est Harry ? Coupa Severus une nouvelle fois, n'espérant pas plus de réponse qu'à ses autres essais.

-Chaque chose en son temps.

Le ton intransigeant du directeur coupa court à ses protestations. Et, encore une fois, un long silence s'installa entre les deux hommes. Severus n'avait pas le droit de parler en premier. Le regard du directeur le lui disait très clairement. Alors il attendit.

-Je n'aurais jamais pu vous faire confiance Severus. Jamais. Pas après ce que vous leur avez fait. Pas après les avoir vendus sur un plateau d'argent à Voldemort.

-S'il vous plait, pas ce nom...

-Et pourquoi pas ? Il était votre maître après tout. Mais là n'est pas la question. Comme je le disais, il n'y avait aucune chance que je vous fasse confiance. J'ai donc mis en place l'enlèvement de Harry pour monter une mission de sauvetage de toute pièce.

Le cœur de Severus sombra au plus profond de sa poitrine. Il l'avait fait. Il l'avait vraiment fait. Albus avait permis de mettre la sécurité et la vie de l'enfant en jeu juste pour savoir si lui, ancien serviteur du mal, était digne de confiance. Cela faisait tellement mal de voir que cet homme n'avait aucune considération pour personne. Pas même pour un enfant...

-Vous m'avez confié la vie de Harry... Murmura finalement Severus, se forçant à pousser sa voix par-delà ses lèvres. Vous m'avez confié sa vie... Vous avez joué avec le hasard. Risqué sa vie pour voir si j'étais digne de confiance. Risqué sa vie pour savoir si j'avais réellement rejoint votre camp... En sachant que je pourrais lui faire du mal ? Comment avez-vous pu prendre un tel risque ? Et si je l'avais enlevé ? Et si je l'avais emmené auprès des serviteurs du seigneur des ténèbres ? Et si je l'avais tué ?

-Aucun risque à ce sujet, mon ami.

-Aucun risque ? Comment auriez-vous pu savoir ? S'affola Severus, oubliant pendant un court instant sa faiblesse qui l'empêchait de se relever pour faire face à cet homme à l'esprit tordu.

-Parce que j'avais absolument tout sous contrôle.

Comme ça faisait mal... Oh comme ça faisait mal... Mais il devait savoir. Il devait à tout prix comprendre. Jusqu'où Dumbledore avait été impliqué dans cette affaire. Et pourtant, il savait déjà que rien de ce qui serait dit dans cette pièce aurait le pouvoir d'apaiser son mal être, sa culpabilité, sa douleur. Bien au contraire...

-Il n'y avait aucun risque que tout cela n'arrive, reprit calmement le directeur, car je vous ai rendu inoffensif. Je vous ai rendu incapable du moindre mal envers n'importe qui, et encore moins envers Harry, grâce à ceci.

Lentement, Albus sortit quelque chose de sa manche et le plaça sur la table de chevet, anticipant la moindre réaction de l'homme en face de lui, l'étudiant avec minutie. Juste à côté du flacon censé le soigner reposait désormais une friandise bien connue de Severus.

Un bonbon au citron.

Sans qu'il ne s'en rende compte, Severus avait commencé à retenir sa respiration, rejouant dans son esprit cette fameuse journée fatidique ou le directeur lui avait confié le devoir de retrouver un Harry qui venait de disparaître. Sur le moment, il avait simplement été irrité de voir l'homme le forcer à prendre un bonbon. Désormais, il comprenait mieux pourquoi il avait insisté. Et une boule de honte et de désespoirs forma dans sa gorge.

Si lui, un maître des potions reconnu, n'avait pas été capable de remarquer cette mascarade, alors c'est qu'il ne valait pas grand-chose...

-Si vous vous souvenez bien, je vous en ai donné un juste avant que vous quittiez le château pour commencer vos recherches. Et vous devez sûrement vous demander pourquoi vous n'avez pas remarqué mon astuce. C'est simple. Vous n'avez jamais pris un bonbon au citron de votre vie. Vous ne pouviez pas savoir qu'elle goût cela avait. Le reste a été d'une simplicité déconcertante...

-La pneumonie ? Demanda l'homme désireux de changer de sujet, bien trop touché dans son orgueil et sa fierté presque éteinte.

-Un effet secondaire de la potion, j'en ai bien peur. Mais un effet qui était tout de même le bienvenu. Car je voulais voir jusqu'où vous seriez capable d'aller malgré le fait que vous soyez poussé dans vos derniers retranchements.

Comme ça, Albus se fichait pas mal de sa vie ? Rien de bien étonnant et pourtant... Severus était surpris de voir à quel point cette pensée était vrai. Il n'avait vraiment aucune valeur aux yeux du vieux sorcier. Après tout cela, que lui restait-il donc ? Il n'était qu'une tâche, un raté, un être sans espoir et sans avenir. Pourquoi continuer à se battre ? Pourquoi chercher à survivre alors qu'il n'avait nulle part où aller ? Un serviteur invisible du côté sombre. Un objet sans valeur pour la lumière....

-Néanmoins, poursuivi le directeur qui, s'il ne l'avait pas remarqué, se fichait totalement de l'état d'esprit dans lequel pouvait se trouver Severus, je dois vous avouer que je ne m'étais pas attendu à ce que vous puissiez tenir tête aux aurores avec encore tant de facilité. Vous êtes décidément quelqu'un de très puissant. Et c'est justement pour cela que je me vois obligé de vous enchaîner désormais. Il est hors de question qu'un sorcier avec votre puissance se balade librement dans le monde, et encore moins avec vos antécédents.

Bien que cela brisa l'âme de Severus, il fit tout pour ne pas écouter ses quelques mots qui n'étaient destiné qu'à appuyer encore plus sur ses blessures déjà saignantes.

-Les aurores ? Demanda-t-il faiblement, tentant de détourner la conversation.

- Ceux qui ont retenu Harry captif avant que vous ne le trouviez. Ses ombres qui vous traquaient dans la forêt. La famille que vous avez rencontrée sur votre route. Les Evans...

Si mal... Si douloureux... Et si fatigué...

-Encore une belle invention de votre part...

Dumbledore avait gagné. Il avait fini d'éteindre la petite flamme d'espoir qui brûlait encore dans la poitrine de Severus, étouffé par tant de révélations qui faisait saigner son cœur un peu plus à chaque fois. Dumbledore avait gagné face à cet homme sombre, écrasant le reste de sa volonté. Et, ainsi, il savait que si c'était à refaire, il le pourrait sans hésitation.

Il avait gagné, et il était fier de cette victoire.

-Je vous l'ai dit, reprit l'homme avec un mince sourire de satisfaction. Le but était de vous pousser le plus loin possible dans vos retranchements. De vous mettre au pied du mur pour savoir comment vous alliez réagir, ce que vous alliez faire.

-Personne ne savait ? Demanda faiblement Severus en regardant Minerva du coin de l'œil.

-Hormis moi et les aurores impliqués ? Non. Personne.

Étrangement cela apporta un peu de réconfort dans l'âme en miette de Severus de savoir que la femme n'était pas impliquée dans cette mascarade tordue. Comme cela aurait été douloureux de savoir que même elle aurait approuvé la décision de le tester d'une manière aussi... Sadique.

-Vous m'en avez donné un autre... Reprit Severus pour ne pas se plonger de nouveau dans ses pensées douloureuses. Un bonbon empoisonné... Ici... Alors qu'il y avait encore Harry. Pourquoi ?

-Pour vous assommer encore plus. Pour éviter que vous ne m'empêchiez de ramener Harry chez lui.

-Vous avez ramené là-bas ? S'étrangla l'homme en se redressant légèrement et grimaçant sous le coup de la souffrance occasionnée. Pourquoi ?

Son regard paniqué sembla satisfaire le directeur qui sourit un peu plus.

-Je ne dirais rien de plus que ce que je vous ai déjà dit. C'est pour sa protection.

-Mais...

-Assez. Cette conversation-là est close.

La voix utilisée était sans appel. Ne laissant aucune place à une discussion sur ce terrain glissant. Et pourtant, Severus avait tellement envie de savoir, de demander, de comprendre. Il y avait tellement de choses encore floues. Tant de choses qu'il ne comprenait pas. Mais la seule chose qui parvint à franchir ces lèvres n'était que la triste réalité de ce qu'il était réellement.

-Vous m'avez utilisé comme un objet...

-C'est ce que vous m'aviez promis d'être n'est-ce pas ? Lorsque vous êtes venu me rapporter la prophétie et ce que vous en aviez fait, vous m'avez fait la promesse que vous feriez n'importe quoi pour moi. Alors voilà Severus. Vous êtes mon outil. Mon pion que je peux disposer comme je l'entends sur l'échiquier géant de notre guerre contre Voldemort. À moi de vous utiliser comme je l'entends désormais.

-Je préfèrerais mourir... Ne put s'empêcher de lâcher Severus en détournant le regard.

-Oh non, Severus. Non. Je ne peux pas vous lâcher aussi facilement. Souvenez-vous de votre promesse. Vous m'avez promis non seulement à moi, mais aussi à la mémoire de Lily. Et vous ne souhaitez pas la décevoir une fois de plus n'est-ce pas ?

Ça fait si mal. Il n'a plus aucune volonté de continuer. Plus aucune volonté de vivre. Pas après tout ça. Pas après tout ce qu'il a fait. Et Harry. Harry qui attendait avec impatience qu'il vienne le chercher pour l'arracher à sa famille de moldus comme il le lui avait promis. Harry qui doit tant le maudire désormais...

Il avait peut-être gagné la confiance de Dumbledore. Mais en faisant, il avait conscience d'avoir perdu quelque chose de bien plus précieux...

-Alors maintenant, vous me faites confiance ?

-Oui, comme vous l'aviez souhaité.

-Mais moi j'ai perdu la vôtre de manière définitive.

-Oui, mais avez-vous le choix sur ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire ?

Un long silence répondit pour lui. Inutile de chercher à se défendre face à une accusation si peu dissimulée. Les deux hommes connaissaient bien la réponse sans qu'elle n'ai besoin d'être formulé.

-Et pourtant, reprit Dumbledore, cela risque d'amener des problèmes dans notre relation si je laisse les choses ainsi.

-Que comptez-vous faire dans ce cas ?

Le directeur se contenta de jeter un regard significatif au corps encore endormi de Minerva. Et Severus écarquilla les yeux sous la compréhension.

Il n'allait quand même pas... ?

Et pourquoi pas après tout...

Quel mal cela pourrait-il lui faire de toute façon ?

Une image vint s'imposer à lui.

Une image d'un petit garçon aux yeux verts remplis d'espoir et de confiance.

Pour la première fois depuis si longtemps, les larmes montèrent aux yeux de Severus Snape. Des larmes de désespoir, de regret mais aussi d'amour. Un amour tourné vers un enfant qu'il avait appris à connaître et avec qui il aurait tant voulu partager des années de bonheur.

-Dites vous que c'est pour votre propre bien. Et pour celui de Harry.

Il n'était rien de plus qu'un outil voué à être manipulé. Severus l'avait toujours su, mais étrangement, après tout ce qu'il venait de faire, il avait espéré un peu de reconnaissance de la part du vieil homme. Mais surtout, il avait espéré que la vie pourrait lui pardonner tous ses péchés. Il avait espéré pouvoir enfin rester avec celui qui avait le plus d'importance à ses yeux.

Severus ne ferma pas les yeux, refusant d'accorder le plaisir au directeur de le voir définitivement renoncer à vivre alors que le sort venait le frapper...

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