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-Il a intérêt à se terrer dans le trou le plus profond qu'il n'ait jamais creusé s'il ne veut pas que je le trouve ! Non mais sérieusement comment a-t-il pu ? Comment a-t-il seulement osé ne pas me mettre au courant ?! Je vais le noyer dans ce foutu lac noir ! Maudit directeur !!
Tout en traitant le grand Albus Dumbledore de tous les noms, Minerva McGonagall parcourait les longs couloirs sinueux de Poudlard avec de grandes enjambés, repoussant d'un mouvement de bras les quelques élèves qui n'avaient pas remarqué son arrivée en trombe. Jamais le château ne lui avait paru aussi grand qu'aujourd'hui. Et jamais encore il n'y avait eu autant d'élève flânant librement dans les couloirs, bayant aux corneilles ou le nez relevé entrain de fixer les mouches voler. Que faisait Rusard quand on avait besoin de lui ?
-Il le savait, je suis sûre qu'il le savait depuis tout ce temps. Et il ne m'a jamais rien dit !
-Professeur ?
-Quoi ?!
Enragé comme elle l'était, Minerva se retourna avec violence vers l'élève qui avait eut le courage de l'interpellé dans sa tourmente pourtant parfaitement perceptible, faisant voler les manches de sa robe de sorcière de telle manière qu'elles vinrent fouetter le visage de l'élève juste derrière elle.
-Monsieur Cooper ?
-Puis-je vous parler s'il vous plaît professeur ?
-Nous avons déjà eu cette conversation il y a quelques jours monsieur Cooper. Je suis très occupé en ce moment et...
-Mais... C'est important... Insista le jeune homme, reprenant exactement le même ton que la fois précédente.
Et tandis qu'il recommençait à déblatérer les mêmes propos que la fois précédente, la directrice adjointe fit volte-face, espérant mettre de la distance avec son élève. Cela ne le démonta pas pour autant. Aussitôt avait-elle commencé à mettre de la distance entre eux que le jeune Gryffondor se mit à la suivre sans cesser son discours une seule seconde...
-...en chute libre en potions. Depuis que le professeur Snape n'est plus là, j'ai le sentiment de ne plus progresser. Voir même de régresser, et cela m'inquiète un peu... Surtout que le professeur Slughorn ne fait pas vraiment de cours, ni de démonstration, ni de théorie...
Sans ralentir, Minerva se frotta l'arête du nez en poussant un soupir d'agacement. Autant elle aimait ses petits lions, autant parfois ils étaient si insupportables...
-Ce qui, au final, est assez dangereux vu qu'il ne nous surveille pas, ne nous aide pas, ne fait rien en fait... Je sais que je ne devrais pas dire cela, mais le professeur Snape me manque. Avec lui au moins, les cours sont compréhensibles et pratiquement sans danger. Vous devez faire quelque chose professeur ! Vous devez retrouver le professeur Snape et...
Minerva, pour la seconde fois en à peine quelques minutes, se stoppa net. Le Gryffondor n'eut pas le temps de réagir aussi vite cependant, venant percuter sa directrice de maison en poussant une petite exclamation de surprise. Dans un mouvement lent et calculé, la directrice adjointe se retourna pour faire face à son élève, le toisant légèrement, espérant lui faire comprendre que maintenant, n'était absolument pas le moment de la déranger...
-Comme je vous l'ai déjà dit il y a à peine quelques jours, ce n'est que le début de l'année monsieur Cooper. Je ne me fais aucun souci pour vous ou même pour vos camarades. Les choses reviendront bientôt comme elles étaient en début d'année.
-Le professeur Snape va revenir ?
-Il suffit maintenant. Je n'ai plus une minute à perdre, alors veuillez, je vous prie, retourner à vos occupations d'étudiant.
-Oui professeur...
Et sans perdre plus de temps, Minerva McGonagall fit de nouveau volte face, laissant Ben Cooper derrière elle, la fixant avec une légère pointe de déception. Pourquoi fallait-il que tous les élèves, de toutes les maisons, hormis Serpentard, viennent la voir pour se plaindre de tels ou tels cours, de tels ou tels professeurs, de telles ou telles retenues... C'était si épuisant...
La directrice adjointe parvint finalement devant les lourdes portes en bois de chêne de l'infirmerie, les ouvrant avec violence, les faisant rebondir contre les murs de briques avec un bruit mat et sourd. L'infirmerie était vide, silencieuse. Même madame Pomfresh n'était pas là, probablement occupée à renouveler ses stocks de potions de pimentine pour faire face à l'épidémie de rhume s'étant déclaré deux jours auparavant. Sans prendre le temps de regarder plus autour d'elle, Minerva se dirigea vers le fond de la pièce, pénétrant dans la petite pièce attenante qui était destinée à soigner les professeurs.
Pénétrant dans la pièce, la femme prit soin de refermer la porte derrière elle avec délicatesse, soucieuse de faire le moins de bruit possible. Puis se retourna, s'attendant à tout...
Très lentement, la directrice entrouvrit le rideau blanc qui la séparait de l'objet de sa présence, le cœur battant bien trop fort dans sa poitrine. Il ne lui fallut qu'un seul rapide regard pour ressentir la douleur la percuter de plein fouet. Une douleur qu'elle n'avait pas ressentie depuis si longtemps.
Toutes les fois où Severus s'était retrouvé dans cette pièce durant sa scolarité...
Tout lui revint d'un seul coup, la plongeant dans sa culpabilité. Une culpabilité qui, elle le savait, avait toujours été présente, mais qu'elle avait pris soin de taire, ne voulant pas s'impliquer dans la vie des Serpentard surtout à une époque telle que celle-ci...
Lentement, McGonagall s'approcha du lit immaculé, fixant le visage fermé et endormi de Severus, aussi blanc que le drap sur lequel il reposait. Sa respiration, lente et peu profonde, était sifflante et ponctuée par des tremblements de sa poitrine. Une légère couche de sueur recouvrait son front et sa lèvre supérieure. Le pire pourtant était probablement la maigreur de son visage.
Severus n'avait jamais été bien épais, et ceux depuis qu'il était enfant, mais pour la première fois, Minerva remarqua réellement à quel point il était maigre. À quel point il semblait si peu enclin à prendre soin de sa santé. Mais surtout, à quel point les choses s'était rapidement dégradé depuis la mort de Lily. Cela la frappa si durement, que Minerva dut se rattraper au mur à sa gauche, ne quittant pas des yeux le visage de son ancien élève, collègue et, oui elle pouvait le dire désormais, protégé.
-Oh mon dieu... Severus qu'est-ce que j'ai fait...
Comment avait-elle pu être aussi aveugle à la détresse de l'homme ?
À celle de l'enfant qu'elle avait vu grandir pendant sept ans ?
À cet être qui criait par les gestes de venir à son secours ?
Était-elle comme tous les autres ?
À ne voir et ne juger que par les noms des maisons ?
Inconsciente de son geste, Minerva vint déposer ses doigts sur la main glacée de l'homme, se perdant dans la contemplation de ses doigts longs et fins, autrefois si vif et désormais terriblement immobile.
Le temps sembla s'arrêter tout autour d'elle. Et les minutes s'étirèrent un peu plus à chaque fois qu'elles s'écoulaient.
De manière imperceptible, les doigts de Severus se referment légèrement, cherchant à affermir un peu plus le contact avec la main de Minerva qui releva la tête avec espoir. La femme se retrouve face à deux yeux sombres, ternes, voilés par la fatigue et la douleur.
-Où... Où est le petit...?
Les mots étaient faibles, râpeux, frottant contre la gorge endolorie de l'homme, rendant sa voix plus caverneuse qu'à l'ordinaire.
Pendant un instant, Minerva paru ne pas comprendre de quoi il parlait, le fixant en fronçant les sourcils. La fièvre le faisait-il délirer ?
-Harry... Potter...
-Voyons Severus, je le saurais si Harry Potter était dans l'école, gronda gentiment la Gryffondor en frottant son pouce sur le dos de la main de l'homme dans un geste se voulant rassurant.
-Mais... Il était... Harry... Là...
-Chut Severus, reste calme.
-J'ai mal... Si mal...
Severus attrapa sa gorge en feu de sa main libre et tremblante, espérant pouvoir diminuer la douleur par ce simple geste pourtant si futile. Il avait conscience de l'inutilité de ce geste et pourtant, il n'avait pas pu le retenir, l'esprit engourdi par la fatigue, la peur, la douleur...
Où était Harry ? Pourquoi n'était-il pas ici avec lui ? Le directeur lui avait promis qu'il n'arriverait rien au petit. Alors pourquoi n'était-il pas ici ?
Sa respiration devint de plus en plus erratique à mesure que la panique commençait à le gagner. Albus lui aurait-il menti ? Aurait-il profité de sa faiblesse pour faire quoi que ce soit au garçon ? Non. Il ne pouvait pas, il lui avait promis. Il avait...
Une violente toux tordit tout son corps, faible et endolori, l'empêchant de respirer et l'étouffant à moitié. Des larmes coulèrent de ses yeux sans qu'il ne s'en rende compte. Des larmes d'épuisement. Impuissante face à ce triste spectacle, Minerva ne put qu'attraper les épaules de son collègue pour le maintenir en place et lui éviter de se blesser trop sévèrement. Severus finit par se calmer, la respiration bien trop rapide et peu profonde.
Il fixa ses yeux dans ceux de sa collègue, y cherchant du réconfort.
Et alors, il craqua. Lâcha ses quelques mots qu'il avait enfouis au plus profond de son esprit. Ceux qu'il n'avait jamais voulu admettre, pas même à lui-même. Ceux qui le rendaient tellement vulnérable mais qui pourtant était bien trop vrai.
-Je ne... Je ne... Veux pas mourir... J'ai peur...
Il pleura sans parvenir à arrêter les flots de larmes. Oui, il avait peur. Et il venait de se l'admettre pour la première fois de sa vie depuis bien longtemps. Il avait peur pour lui, peur de la mort, de ce qu'il y aurait après. De ce qui l'attendait pour tout le mal qu'il avait fait dans sa vie. Comment allait-il être puni pour tous ses horribles méfaits qui pesaient si lourd sur sa conscience ?
Mais surtout, il était terrifié pour Harry.
Pour cet enfant qui serait, une fois de plus, laissé seul face au monde. Seul avec cette famille qui ne se souciait pas de lui. Seul contre un monde qui voulait faire de lui ce qu'il ne pourrait jamais devenir sans soutien. Severus ne veut pas le laisser seul pour affronter tout cela. Il ne veut pas l'abandonner. Il veut être là pour l'aider à surmonter ses épreuves.
Mais encore une fois, ce qu'il voulait ne se réaliserait jamais...
Il n'avait pas le droit de connaître ni bonheur, ni paix, ni reconnaissance. Et bien qu'il le sache, cela faisait toujours mal de se prendre une telle réalité en plein visage.
Minerva ne dit rien pendant un moment, regardant l'homme s'en savoir comment réagir. Même durant son enfance, elle ne l'avait jamais vu s'effondrer ainsi, laissant quelqu'un voir l'étendue de sa vulnérabilité. Elle tenta vainement de l'apaiser avec des mots doux et rassurants, lui promettant que tout irait bien désormais. Et cela fonctionna pendant un instant.
Puis les portes de la pièce s'ouvrirent de nouveau et Severus recommença à s'agiter, criant au nouveau venu qu'il lui avait menti, prenant le risque de s'étouffer, sa gorge bien trop faible pour lui permettre de crier comme il le souhaiterait.
La femme tenta tant bien que mal de le retenir de nouveau, mais la force des désespérés était bien plus puissante qu'elle ne l'avait imaginé.
-Minerva.
Cette dernière se retourna, faisant face au directeur avec un visage fermé et dur. Il la fixait de ses yeux bleus sans amorcer un seul geste pour lui venir en aide.
-Albus venait m'aider, il fait une crise de panique...
-Veuillez me suivre s'il vous plaît, la coupa-t-il d'un ton détaché.
-Mais il faut...
-Maintenant.
Le ton ferme ne laissait aucune place à la discussion. Minerva se maudit une fois de plus de se ranger du côté du directeur, laissant Severus seul face contre tous. N'avait-elle pas encore compris que c'était lui qui avait besoin d'elle ?
Elle eut à peine le temps de détacher ses yeux de l'homme pour se retourner vers Albus lorsqu'un sort vint la toucher en plein visage...
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