46

La nuit avait été courte. Bien trop courte. Et absolument pas reposante au goût de Harry. Il avait été assoiffé toute la nuit et le mal de crâne qui l'avait saisi peu de temps après ne semblait pas non plus vouloir le quitter. Malheureusement, Harry ne pouvait pas se permettre d'aller se servir en pleine nuit, risquant par la même occasion de réveiller l'oncle Vernon qui avait malheureusement le sommeil très léger... Alors l'enfant avait dû faire avec, luttant contre sa gorge sèche qui l'irritait et sa tête qui tambourinait avec tant de douleur.

Mais le pire était probablement ce sentiment de vide qu'il avait ressenti dans son cœur. Un vide qu'il ne parvenait pas à combler, un vide qui n'avait pas de sens, un vide qui semblait ne pas avoir de sens d'exister. La seule chose qui parvenait à apaisé ce vide était la pensée de cet homme en noir dont le nom lui échappait. Cet homme, mais aussi toute cette joie, ce sentiment de bien-être qui l'accompagnait sans qu'il ne sache pourquoi.

Il y avait aussi autre chose. Une tristesse et une douleur qu'il ne comprenait pas et qui venait bien après ce sentiment de sécurité. Il ne savait pas pourquoi elles étaient là. Il l'avait su, mais il avait oublié. Et à chaque fois qu'il cherchait, qu'il voulait se souvenir, se savoir fuyait encore un peu plus loin de lui, ne laissant à la place qu'une drôle d'image. Une image avec un drôle d'homme à longue barbe blanche qui lui tendait il ne savait trop quoi...

Harry s'était donc levé beaucoup plus tôt que d'habitude le matin suivant, d'immenses cernes sous les yeux, et la conscience à des kilomètres de là. Évidemment, malgré l'heure à laquelle il s'était levé, Harry était sagement resté dans son placard, ne sachant que trop bien ce qui lui serait arrivé si tante Pétunia l'avait trouvé en dehors avant qu'elle ne lui en ai donné la permission. Les heures de sommeils restantes, il les passa donc à fouiller ses pensées, cherchant pourquoi il se sentait si triste, seul, abandonné et... trahi...

Profondément enfoui dans ses pensées, Harry fut plus que surpris lorsque tante Pétunia vint enfin frapper avec violence sur la porte de son placard. Et pourquoi son cœur s'était si soudainement mis à battre aussi vite comme s'il avait été poursuivi pendant des jours ?

Ne désirant pas s'attirer les foudres de sa tante, Harry s'empressa de sortir de sous l'escalier, se dirigeant aussitôt dans la cuisine pour commencer son planning de la journée. Mettre le couvert. Ranger le lave-vaisselle. Commencer à sortir la nourriture. Essayer de cuisiner, mais dans ce domaine il avait encore un peu de chance. Étant trop petit pour atteindre correctement la plaque sans risquer de tout renverser par terre, Pétunia s'était décidé à continuer de s'occuper de cela jusqu'à ce qu'il soit enfin en âge de se débrouiller seul. La matinée fusa à une allure affolante. Et l'enfant avait déjà effectué un nombre conséquent de tâches.

Déjà épuisé par un tel début de journée, Harry bailla à s'en décrocher la mâchoire, regardant de tous les côtés pour s'assurer de ne pas être vu par sa tante qui l'aurait très probablement grondé d'avoir regardé les mouches voler... Sans plus attendre, l'enfant rangea le torchon qu'il tenait encore dans les mains après avoir essuyé la vaisselle avant de continuer les différentes tâches qu'il avait à accomplir.

Les corvées se succédèrent et le soleil finit par se retrouver haut dans le ciel.

Et alors qu'il était en train de dépoussiérer le canapé en secouant le plaid, pourtant si impeccable, à l'extérieur et dans le froid, ses manches de t-shirt beaucoup trop longues le génèrent. Harry se décida à les relever, cherchant à faire des ourlets parfaits et bien remontés comme on le lui si souvent rappelé à coup de cris et de remarques, avant de se figer de stupeur.

Là, sur son bras, une fine cicatrice blanche s'étendait de son coude jusqu'à son poignet. Une cicatrice qui semblait ancienne, guérit depuis bien longtemps. Mais il n'avait aucun souvenir de s'être blessé à cet endroit. Et l'enfant se souvenait de toutes ses blessures, absolument toutes. Alors pourquoi pas celle-ci ? D'où venait-elle ? Pourquoi la regarder accentuait davantage ce sentiment de vide ?

Avec les doigts tremblants, Harry caressa doucement cette peau blessée et pâle, cherchant à comprendre alors que la réponse, si proche semblait, une fois de plus, s'éloigner davantage à chaque seconde. Plus il y réfléchissait, plus elle semblait inaccessible...

Un flash passa devant ses yeux.

Un homme qu'il ne connaissait pas mais qui, pourtant, lui rappelait quelque chose.

Cet homme qui semblait se soucier de lui...

Mais pourquoi ?

Il ne le connaissait pas.

Il ne lui avait jamais rien apporté.

Il ne l'avait jamais vu avant.

Si ?

Le flash parti aussi vite qu'il était venu, le laissant là, au milieu du jardin, perdu, totalement désorienté, et effrayé. Que venait-il de lui arriver au juste ? Qui était cet homme ? Mais surtout, pourquoi semblait-il si important à ses yeux ? Et sans qu'il ne sache pourquoi ? Probablement le fruit de son imagination, une image montée de toute pièce par son esprit fatigué par le peu de sommeil de la nuit. Mais aussi par autre chose de plus profond, de plus ancien.

Comme ci il avait pleuré pendant des heures...

-Qu'est-ce que tu fais à attendre comme un idiot au milieu du jardin ? Rentre vite. Il te reste encore plein de corvées.

La voix stridente de tante Pétunia l'avait sorti de ses pensées avec un sursaut, lui faisant définitivement perdre le fil de ses pensées. Harry se précipita dans la maison, le plaid, bien trop grand pour lui, traînant presque sur le sol, laissant une fois de plus ses pensées et ses souvenirs derrière lui...

Les corvées.

Il n'y eut plus que ça pour le reste de la journée. Une journée bien trop longue et bien trop épuisante pour Harry qui était déjà bien plus fatigué que d'habitude sans qu'il ne sache pourquoi. Tout se succéda à une allure incroyable. Passer le balai, lustrer les escaliers, lancer les lessives de linge puis les étendre dans le jardin ou sur des cintres dans la chambre de son oncle est sa tante, dépoussiéré derrière les meubles, enlever les cendres de la cheminée pour ensuite y remettre du petit bois sec...

Il était épuisé, courbaturé, les doigts encore une fois piqués par beaucoup trop d'échardes qu'il n'aurait pas l'occasion ni le temps d'enlever avant d'avoir retrouvé la protection de son placard, mais le soleil était encore bien trop haut dans le ciel pour qu'il puisse aller sereinement se réfugier à l'abri des regards et des mots tranchants de sa famille.

Parfois, quand Pétunia ne regardait pas, Harry jetait un furtif coup d'œil à sa toute nouvelle cicatrice sur son bras, ne se rappelant toujours pas où il l'avait eu. Ni quand, ni où, ni comment. Juste une sensation de froid et de peur y était associé, ce qui ne l'aidait pas à se souvenir davantage... Ses pensées s'éloignant toujours un peu plus de cet homme qu'il pensait connaître mais qui, au final, ne devait être rien de plus qu'un très beau rêve...

En fin d'après-midi, Dudley rentra de l'école, jetant sur cartable dans l'entré et courant dans toute la maison avec ses chaussures encore une fois pleine de boue, et Harry dû, en plus de ses taches à finir, s'occuper de préparer le gouter de son cousin qui, semble-t-il, n'était pas capable de se servir un simple verre de lait...

Remettant la bouteille de lait dans le réfrigérateur, l'enfant eut, une fois de plus, un moment d'arrêt et regarda par la fenêtre, perdu dans la contemplation des nuages gris chargé de pluie et annonciateur du mauvais temps pour les jours à venir.

Il ne se souvenait plus.

Il savait qu'il avait oublié quelque chose, mais il ne savait pas quoi...

C'était si frustrant, si perturbant. Cette sensation si étrange qu'il n'avait jamais vécu auparavant et qui lui collait à la peau comme un chewing-gum usagé et qui refusait de partir malgré le nombre de fois où il avait essayé. Et il avait tellement essayé, pendant toute la journée. Cherchant à se souvenir, ou au contraire, faisant tout pour ne pas y penser. Mais rien ne marchait. Et surtout, rien ne lui revenait, pas même l'ombre d'un soupçon, d'une petite idée ou même une image, une sensation qui aurait pu lui indiquer quoi que ce soit.

Un bruit de verre brisé le tira de sa rêverie, rapidement suivit par de forts éclats de voix de Dudley qui criait dans toute la maison

-MAMAN !!! HARRY A CASSÉ UN VERRE !!!

Soupirant de manière discrète pour ne pas se faire remarquer, Harry s'empara de la balayette et se mit à nettoyer les dégâts de son cousin avant même que Pétunia n'entre dans la cuisine pour, une fois de plus, lui faire la morale. Dudley s'enfuit en courant dans le jardin ; allant sans doute retrouver ses amis pour leur raconter ses nouveaux exploits...

Une fois les dégâts nettoyés, l'enfant regarda de nouveau par-delà la fenêtre, se perdant pendant un court instant dans ses pensées les plus profondes. Il n'avait qu'une seule chose en tête, qu'une seule pensée qui tournait encore et encore. Y avait-il, là-bas, quelque part, quelqu'un qui se souciait un tant soit peu de lui ? Quelqu'un qui, un jour, viendrait enfin l'arracher à sa vie de servitude et de peine pour lui offrir autre chose ?

Probablement pas...

Il n'était qu'un monstre non ?

Non ! Lui cria une voix dans son esprit. Tu n'es pas un monstre...

Une voix qui le fit sursauter et ramener à la réalité.

Une voix qui s'effaça aussitôt qu'elle était venue...

Reprenant finalement vie, Harry s'empressa de ranger le torchon et s'attela à la suite de ses corvées, focalisant entièrement son esprit sur ce qu'il avait à faire. Si il y avait une corvée que Harry préférait plus que les autres, s'était s'occuper du jardin. Se retrouver enfin seul à pouvoir prendre l'air sans avoir constamment quelqu'un sur le dos. Mais surtout, il était avec les fleurs. Et il ne savait pas pourquoi, mais il aimait les fleurs depuis presque toujours, lui apportant un semblant de repos et de sérénité.

Instinctivement, l'enfant fouilla sa poche de pantalon, espérant y trouver son trèfle à quatre feuilles, mais sa main se referma sur du vide.

Et à quel trèfle pensait-il ?

Il n'en avait pas, si ?

Et surtout, si il en avait un, ou diable aurait-il pu le trouver, lui qui avait l'interdiction formelle de quitter la maison. Il n'y en avait pas non plus dans le jardin des Dursley. Alors d'où pouvait bien venir cette drôle d'idée ?

Mettant de côté cette pensée qui venait d'il ne savait pas où, Harry recommença à arroser les rosiers préférés de sa tante, cherchant à vider son esprit le plus possible. Oubliant comme il le pouvait toutes ses sensations dont-il ne connaissait pas l'origine. Harry enchaîna les tâches extérieures en se coupant totalement de l'extérieur, ne remarquant pas à quelle vitesse le temps s'était mis à passer.

Arrosant, coupant, ordonnant les parterres de fleurs et le potager, redressant certains tuteurs. Bientôt le soleil commença à décliner, assombrissant peu à peu les environs, signalant à l'enfant qu'il était tant de commencer à préparer le repas du soir. Harry rangea les arrosoirs, ferma le cabanon du jardin, puis s'arrêta un instant, regardant des ancolies sauvages qui avaient commencé à éclore malgré la fraicheur ambiante.

Harry commença un petit geste en direction des fleurs, se ravisa, et se détourna, laissant derrière lui les dernières sensations, les derniers souvenirs d'une aventure qu'il n'avait dû finalement vivre que dans ses rêves les plus fous...

À la fin de la journée, Harry se coucha enfin sur son matelas à moitié décrépi, dormant déjà à moitié, ayant tout oublié d'un homme étrange au nez crochu et vêtu entièrement de noir.

*****

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top