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Harry était totalement perdu.
Comment cela pouvait-il arriver ?
Comment Severus pouvait-il aller bien, et d'un seul coup recommencer à aller très mal ?
L'enfant ne savait plus quoi penser de tout ce qui venait de se produire. Et les bruits sourds qu'il entendait de l'autre côté du voile ne semblait pas être là pour le rassurer davantage... Une voix dure et sèche, une autre plus faible mais tout aussi mordante. Mais surtout cette toux, si sèche, si douloureuse qui semblait ne jamais vouloir prendre fin et qui tordait le maître des potions de douleur.
Stressé, effrayé, Harry ne cessait de se tordre les mains d'angoisse, assis sur sa chaise qui lui semblait soudainement si dure, sous sa couverture qui ne parvenait plus à réchauffer ce froid qui semblait grimper en lui. L'atmosphère s'était soudainement mise à l'oppresser, et le poids dans sa poitrine ne lui permettait pas de respirer correctement. Encore une fois, le temps semblait s'être arrêté, chose qui, malheureusement, devenait de plus en plus récurrente ses derniers jours.
Ne tenant plus, Harry se releva sèchement, râlant de frustration, et commença à marcher de long en large dans la pièce, fixant le sol comme si le pulvériser du regard pouvait mettre fin à tout ce qui était en train de se passer. Un cri de douleur le fit s'immobiliser de terreur, incapable de se retourner, ou même de se rapprocher pour espérer revoir Severus.
Au dehors, le soleil commençait à décliner, écho à son angoisse qui ne faisait qu'augmenter. Et plus la nuit approchait, plus Harry pouvait sentir ce mauvais pressentiment en lui grandir, comme une promesse que tout ne se passerait pas comme on le lui avait promis... Mais Severus juré. Il avait toujours été là pour lui. Il l'avait toujours aidé. Alors il n'allait pas l'abandonner maintenant. Si ?
Harry secoua la tête pour s'enlever cette sombre pensée de l'esprit.
Non, il ne le ferait pas...
À ce moment précis, les draps se relevèrent, laissant apparaître Dumbledore, une expression fermée gravé sur le visage et l'air plus épuisé que jamais. Lentement, l'homme se rapprocha de l'enfant qui n'avait toujours pas fait un seul geste dans sa direction. Pourquoi l'éclat malicieux dans les yeux bleus avait disparu ? Pourquoi ne le rassurait-il pas ? Tant de questions que Harry ne cessait de se poser, craignant les réponses.
Une fois à sa hauteur, l'homme s'accroupit se mettant au niveau de ses yeux.
Pendant quelques secondes, ils ne firent rien d'autre que se fixer du regard, redoutant l'un et l'autre la vérité, qui pourtant, était plus que palpable.
-Comment il va ? Parvint enfin à demander l'enfant d'une petite voix.
Dumbledore prit une faible inspiration, plongeant son regard dans celui de Harry. Instantanément, l'enfant se sentit légèrement plus détendu.
-Severus est très malade Harry, tu l'as toi-même déjà remarqué n'est-ce pas ?
Ne faisant absolument pas confiance à sa voix, l'enfant se contenta d'approuver d'un hochement de tête hésitant.
-Il ne pourra donc pas s'occuper de toi comme il te l'avait promis.
-Mais...
-Il ne le pourra pas Harry. Alors, je n'ai pas d'autre choix que de te ramener chez toi.
À ces simples mots, Harry sentit la glace lui tomber sur le cœur. Non... Il ne pouvait pas lui faire ça... Pas après tout ce qu'il avait vécu avec Severus. Son tonton Sev comme il avait commencé à l'appeler avec affection.
-Je veux le voir...
-Harry...
-Je sais qu'il va mourir, alors je veux le voir avant !
Dumbledore marqua un temps d'arrêt, surpris par la logique de l'enfant en face de lui. Enfant qui, malgré le fait de vouloir rester fort, commençait à avoir du mal à retenir ses larmes.
-Tu dois comprendre que...
-Je veux rester avec lui. Coupa Harry dont la peur commencer à rendre hystérique.
-Tu ne peux pas. Severus ne veut pas que tu le voies comme ça.
-Je veux lui dire au revoir !
-Il est mort.
Trois mots. Trois mots si insignifiants mais qui avaient pourtant le pouvoir de briser des vies. Trois mots, et tout un monde qui s'écroulait comme un simple château de cartes face à un souffle anodin. La chape de plomb qui venait de tomber sur l'estomac de Harry le fit violemment vaciller. Et les larmes si durement retenues commencèrent à couler en flots sur les joues devenues soudainement trop pâles. Incapable de prononcer le moindre mot, Harry se contenta de hocher la tête, refusant de croire ce qui venait de lui être annoncé sans tact et sans douceur.
Pas Severus. Pas lui. C'était impossible. Pas cet homme qui l'avait sauvé à plusieurs reprises, qui avait bravé la mort à au moins deux reprises et qui ne l'avait jamais laissé derrière, revenant toujours sur ses pas pour le retrouver et ne pas le laisser seul. Severus, le Severus qu'il connaissait ne ferait jamais ça. C'était impossible...
-Je ne te crois pas...
-C'est la vérité...
-Non... Non... Non...
La voix de l'enfant se brisa sous le coup de l'émotion, incapable de rejeter les dures paroles plus longtemps.
C'était vrai ?
Severus l'avait vraiment laissé tout seul ?
Il lui avait donc menti ?
Non.
Non, Severus n'avait pas menti.
Finalement, c'était lui le responsable.
Après tout on le lui avait dit si souvent.
Un monstre.
Un anormal.
Tout le monde qui meurt autour de lui.
Ce n'était rien de plus que la vérité. Une vérité si terrible que cette fois, Harry ne prit même pas la peine de penser à quoi que ce soit. Il plongea dans les bras de l'homme en face de lui, cherchant le peu de réconfort qu'il pourrait lui offrir, pleurant toutes les larmes de son corps comme jamais auparavant.
Il avait tué Severus.
Et cela l'avait brisé encore un peu plus...
Dépassé par l'élan de tristesse de l'enfant, Dumbledore ne réagit pas aussitôt, se contentant de tenir l'enfant dans ses bras et, pour une fois, préféra ne rien dire. Harry devait laisser s'évacuer sa peine. Et malheureusement, il ne pourrait rien faire pour le soulager de cette douleur qui devait emprisonner sa poitrine en ce moment même. Les sanglots qui secouaient le corps de l'enfant brisaient le corps du vieil homme. Mais que pouvait-il faire pour l'aider ? Le chagrin n'est pas une douleur que l'homme peut dompter. Et encore moins quand il s'agit de celle d'un autre.
Prenant finalement une décision, Dumbledore se décida à soulever l'enfant dans ses bras pour le porter jusqu'à son lit, le glissant avec délicatesse dans ses couvertures. Il le regarda quelques instants avant de tourner les talons, laissant l'enfant seul avec sa douleur. C'était probablement ce qu'il y avait de mieux à faire. Aussitôt l'homme disparu derrière les lourds battants des portes en bois, Harry agrippa la couverture qui était resté sur la chaise juste à côté, la serrant fort contre lui et humant sa douce odeur. Celle de sa mère. Et celle de forêt qu'il ne connaissait pas il y a quelques jours mais qui, depuis, était devenue source de protection et de confort.
Severus...
Malgré l'épuisement, Harry ne parvenait pas à trouver le sommeil. L'image de Severus, faible, pale, malade, s'imposait à lui dès que ses yeux n'avaient que le malheur de se fermer un peu trop... Il lutta comme jamais il n'avait lutté au paravent et, pour la première fois de sa vie, il gagna la lutte incessante. Tout. Il pourrait tout supporter, mais certainement pas l'image de l'homme qu'il avait appris à aimer, mort. C'était beaucoup trop pour lui...
Le soleil était déjà couché depuis quelques heures quand le vieil homme apparut de nouveau dans l'infirmerie, portant avec lui des vêtements chauds qu'il posa sur la chaise juste à côté du lit de l'enfant.
-Il faut y aller Harry. Ton oncle et ta tante doivent être drôlement inquiet.
Harry ne chercha pas à protester. Il n'en avait plus ni la force, ni l'envie. Et de toute façon, à part là-bas, où pourrait-il aller maintenant ? Il n'y avait plus personne sur qui compter... Alors, docilement, Harry se redressa, et commença à enfiler les vêtements qui lui faisaient face, à peine conscient des gestes qu'il effectuait. Et alors qu'il toucha sa poche de manteau, il se demanda furtivement où était passé le trèfle qu'il avait trouvé. Ce fut avec un pincement au cœur qu'il se souvint l'avoir donné à Severus, lui promettant que cela lui apporterait de la chance et qu'il guérirait vite. Quel idiot il avait été...
Harry ne pensa même pas à vouloir le récupérer.
Ce trèfle ne valait plus rien aux yeux de l'enfant.
Et il ne lui rappellerait que la douleur qu'il avait ressenti en apprenant la mort de l'homme en noir.
Enfin chaudement habillé, Harry récupéra la seule chose qui avait encore de la valeur à ses yeux : sa petite couverture. C'était la seule chose qui lui restait de sa mère. Et maintenant, la seule chose qu'il lui restait de Severus. C'est fou comme il ne pouvait pas garder les personnes auprès de lui alors que les objets semblaient ne jamais vouloir le quitter pour toujours lui rappeler sa douleur. Harry regarda un instant le morceau de tissu rapiécé, regrettant qu'elle ne soit plus sous la forme d'écharpe pour lui tenir chaud au coup. Il ne demanda pas à Dumbledore de la retransformer. C'était Severus qui le faisait, et personne d'autre...
-Nous pouvons y aller ?
Sans un mot, Harry attrapa la main que l'homme lui tendait, et le monde vacilla.
Et comme à chaque fois, Harry se retrouva couché au sol, nauséeux, mais cette fois en plus, avec une envie de pleurer plus forte que jamais. Mais il se releva, refusant de paraître encore plus faible qu'il ne l'était déjà. Refusant ce plaisir à sa famille qui ne voulait pas de lui.
Comme ci ils avaient été prévenus, la lumière sur le perron s'alluma, rapidement suivie par une clé qui tourna dans la serrure de la porte. Il ne fallut pas moins de deux secondes pour que Vernon et Pétunia ne fassent irruption dans la rue, une fausse expression de soulagement se peignant sur leurs visages en voyant Harry enfin de retour à la maison.
-Oh Harry, mon pauvre petit. Mais où étais-tu donc passé ? Nous nous sommes tellement inquiétés.
Harry ne dit rien. Il ne chercha même pas à repousser l'étreinte dans laquelle elle l'avait plongé sans ménagement. Étreinte froide, sans aucune compassion.
-Vous l'avez trouvé, dieux soit loué. Ou était-il passé ce petit bonhomme ?
-Un homme l'avait enlevé. Mais n'ayez plus aucune crainte. Il n'est plus de ce monde.
Harry se retourna violemment vers le vieil homme, prêt à répliqué que Severus n'avait rien fait. Mais il n'eut pas le temps de ne serait-ce qu'ouvrir la bouche avant que l'homme ne lui tende une petite fiole, un regard compatissant braqué sur lui. S'imaginait-il que Severus lui avait fait du mal ? Que c'était lui qui l'avait enlevé ? Était-ce pour cela qu'il n'avait pas accepté le fait qu'il puisse aimer l'homme ? C'était probable. Et cela blessa Harry plus qu'il ne l'aurait cru. Car il n'aurait jamais l'occasion de lui dire la vérité...
- Tu as subi un choc bien trop grand pour toi. Cette boisson te permettra de te calmer, et de penser à autre chose.
Harry hésita un instant, puis saisit le flacon, et avala son contenu, résolu à, enfin, essayer de dormir, avant de retendre le contenant désormais vide à l'homme en face de lui.
-Ça va aller Harry. Une bonne nuit de sommeil, et tu seras de nouveau en pleine forme.
L'enfant acquiesça, n'y croyant que trop peu.
Rien n'irait bien désormais, ici avec les Dursley et Severus mort...
Il n'écouta pas les quelques mots peu agréables que l'oncle Vernon envoya au visage du vieil homme. Il n'entendit pas non plus les réprimandes de tante Pétunia. Il se dirigea bien docilement vers son placard sous l'escalier, ouvrit la porte et, sans prendre le temps de se déshabiller, s'écroula sur son matelas.
Il dormait avant même de l'avoir touché...
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