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Harry se réveilla d'un seul coup, sortant de son sommeil profond et sans rêve en une fraction de seconde. Ouvrant grand les yeux sans se soucier de la lumière qui l'aveugla un instant et se redressant le plus possible sur cette surface molle sur laquelle il reposait, observant droit devant lui. Il n'y avait rien d'autre qu'un autre lit. Sur sa droite, un lit. Sur sa gauche, un autre lit. Une rangée, alignée à une distance égale les uns des autres, vide et parfaitement fait. Pendant un instant, l'enfant se crut dans un dortoir d'orphelinat, ou aucun enfant n'avait droit d'avoir de possession et ou tout se ressemblait. Dudley lui avait raconté tout cela. Et qu'il ne méritait rien d'autre que de se retrouver dans un tel endroit.

Une forme de panique s'insinua en lui en repensant à ses paroles qui lui avait fait mal, provoquant son hyperventilation, obligeant sa respiration à se faire plus rapide. Provoquant par la même occasion une vive douleur dans sa poitrine, comme ci il avait été au froid trop longtemps...

Oh... Se dit-il en prenant conscience des derniers évènements.

Il était en effet resté un moment au froid, à respirer de l'air glacé pendant ce qui pouvait être des heures. Lentement, Harry, qui ne parvenait toujours pas à totalement calmer sa soudaine panique, baissa les yeux sur sa poitrine qui lui faisait mal, plaçant une main au niveau de son cœur. Il avait mal à cause du froid. Mais il y avait autre chose qui le faisait encore plus souffrir. Autre chose de plus fort, de plus profond. De plus... Personnel. Mais quoi ? Impossible de s'en souvenir. Et pourtant, c'était si proche de lui...

-Notre jeune endormi se réveille enfin.

Relevant vivement la tête, Harry croisa le regard rieur aux innombrables nuances de bleus d'un très vieil homme. Et bien que ce visage semble amical, il ne rassura absolument pas l'enfant. Peut-être qu'il était le directeur de l'orphelinat ? Auquel cas, jamais Harry ne pourrait se résoudre à l'aimer.

-Père-Noël ? Ne put-il pourtant s'empêcher de dire en remarquant cette immense barbe blanche qui couvrait la moitié du visage du vieil homme.

L'homme en face de lui le regarda avec un air surpris pendant quelques secondes avant de se mettre à rire de sa voix apaisante et chaleureuse en se rapprochant de l'enfant, prenant place sur la chaise juste à côté de son lit. Son rire se poursuivit pendant encore quelques instants avant de finalement prendre fin.

-Non, Harry. Je ne suis pas le Père-Noël. Bien qu'il soit un de mes plus grands amis.

Ces simples paroles suffirent pour illuminer le visage encore pâle de l'enfant d'un large sourire, ses yeux se mettant à pétiller de mille feux. Et, pendant un moment, Harry oublia sa peur d'avoir atterri dans un orphelinat.

-Harry, je suis Dumbledore. Et ici, nous sommes à Poudlard.

Cette foi, la panique disparue totalement, laissant définitivement place à l'euphorie. Si cela avait été possible, les yeux de l'enfant se serraient encore plus agrandit de stupeur. Poudlard. Il connaissait ce nom. Il l'avait entendu à de nombreuses reprises. Un bel endroit, magnifique et magique avec plein de gens gentil qui allaient l'aimer, le chérir et le protéger comme jamais auparavant. Ses paroles se répétaient dans son esprit, encore et encore avec une voix grave, douce et chaleureuse. Une voix qu'il avait entendu de nombreuses fois.

Et soudainement, toute la joie que ressentait l'enfant disparu, son visage se terni, ses yeux se voilèrent d'une tristesse bien trop grande pour un enfant de son âge. Comment pouvait-il se rappeler du froid terrible qu'il avait ressenti, et l'oublier lui ? Lui qui avait été si gentil, si prévenant. Si attentionné.

-Je connais Poudlard. On m'en a parlé ?

-Vraiment ?

-Oui... Mais je ne sais plus où. Ni qui. Pourtant, je sais que je le connais bien. Je sais que cette voix que j'entends encore dans ma tête est celle de quelqu'un de très gentil mais j'arrive pas à savoir qui.

-Tiens donc...

Si Harry n'avait pas été plongé dans ses pensées à la recherche du visage à associer à cette voix grave et caverneuse, il aurait probablement remarqué la mine soucieuse et légèrement irrité que venait d'afficher Dumbledore. Il ne s'était certainement pas attendu à ce que l'enfant développe des sentiments pour son redoutable maître des potions...

Harry agrippa sa tête entre ses mains, cherchant plus que tout à faire remonter le souvenir de cette personne qui était si proche, qui le démangeait. Comme un mot perdu se trouvant sur le bout de la langue. Il est si proche, et pourtant tellement et terriblement inaccessible.

-Harry. Arrête s'il te plaît. Tu ne vas que réussir à te faire plus de mal à continuer de forcer ainsi. Ton esprit à oublier quelque chose. Mais cela reviendra quand le moment sera le bon. Quand il jugera que tu peux de nouveaux te souvenir de ce que tu as oublié.

-Vraiment ?

-Crois-moi. Cela ne sert à rien à part à faire venir un terrible mal de tête.

Et en effet, Harry sentait son crâne commencer à battre douloureusement, alors il cessa de forcer à se souvenir. Si l'ami du père-noël lui-même lui disait que son souvenir reviendrait, alors cela ne pouvait qu'être vrai. Et pourtant, malgré cela, l'enfant ne parvenait pas à mettre cette sensation de manque de côté... Et son cœur qui se serrait un peu plus à chaque instant...

-Dit moi Harry, si tu as déjà entendu parler de Poudlard, tu dois connaitre certaines choses sur cet endroit non ?

-On m'a juste dit que c'était un endroit magnifique avec plein de gens gentils. Répondit l'enfant innocemment, oubliant enfin quelque peu la sensation de manque qui l'étreignait.

Des gens gentils ? Severus avait-il vraiment parlé de Poudlard, et même de ses habitants en ses termes ? Non. C'était probablement uniquement pour rassurer l'enfant terrifié qu'il avait en face de lui. Bien que, tout bien considéré, ce n'était absolument pas dans le tempérament, ni même dans l'esprit, de Severus de vouloir rassurer qui que ce soit... Plus étrange encore, l'enfant semblait s'être attaché à cet homme froid et acariâtre, ce qui confortait Albus, et lui enlevait une part de sa culpabilité, dans l'idée de ne pas révéler à l'enfant qui était arrivé au sombre professeur des potions. Il ne faisait cela que pour protéger Harry, rien de plus.

-Que dirais-tu si nous sortions de l'infirmerie pour aller nous balader ? Demanda soudainement le vieil homme.

-Infirmerie ?

-Tu ne te souviens donc de rien ?

Harry frissonna tout en ramenant ses jambes contre son torse, comme pour se protéger de l'extérieur, luttant contre le froid encore tapi dans son esprit qui venait de le saisir si soudainement, lui brûlant de nouveau la poitrine. Oh que si, il s'en souvenait. Trop bien d'ailleurs... Le froid, la neige, le blanc, la forêt, si sombre, si profonde, si menaçante, le silence, impénétrable, effrayant, la peur, mordante, la douleur, intenable, la... Mort ? Oui... La mort de quelque chose. Il le sentait. Quelque chose d'important. Mais qui ? Non. Plutôt... Qui ? Quelqu'un était mort. Il le savait. Quelqu'un d'important pour lui. Mais il ne se souvenait plus qui... Et comment ? Harry sentait que ce détail-là aussi était important. C'était très important. Presque vital. Mais cela lui échappait encore une fois. Pourquoi ? Il devait savoir ! Il avait besoin de savoir !

-Harry !

Reprenant ses esprits, surpris par les éclats de voix de l'homme en face de lui, Harry redressa soudainement la tête pour fixer ses yeux verts dans ceux bleus du directeur. De toute évidence, à en juger par l'air soucieux de l'homme, ce n'était pas la première fois qu'il l'appelait.

-Je t'ai déjà mis en garde n'est-ce pas ? Tu ne dois pas forcer sur tes souvenirs. Ils reviendront d'eux même.

Bien que je ne l'espère absolument pas... Ajouta l'homme par la pensée.

-Maintenant, je sens que tu te souviens de ce qui t'es arrivé. N'est-ce pas ?

-Oui monsieur.

-Tu veux en parler ?

Harry hocha la tête. Pourquoi en parler ? Cela ne le frustrerait que davantage de ne pas savoir, de ne pas trouver ce qu'était ce manque tapi au plus profond de lui-même. Mieux valait ne pas y penser du tout.

-Non monsieur. Je pense pas que c'est une bonne idée... Je veux dire... Je pense que je voudrais penser à ce qui me manque. Mais vous avez dit que c'était dangereux. Alors je préfère pas.

-Sage décision Harry. Maintenant, que dirais-tu de sortir d'ici pour prendre l'air ? Tu pourrais visiter quelques pièces de Poudlard.

-Oui monsieur, j'aimerais beaucoup.

-Alors habille-toi chaudement. Étrangement, il a encore beaucoup neigé cette nuit, bien que ce ne soit pas du tout la période... Et l'air est très frais. Il serait dommage que tu n'attrapes encore plus de mal, n'est-ce pas. Je te laisse te préparer pendant que je préviens l'infirmière de notre sortie.

Aux mots «neige» et «froid», Harry sentit sa motivation retomber quelque peu, mais il ne le montra pas. De toute évidence, cela faisait plaisir au monsieur de lui montrer Poudlard, alors inutile de le décevoir à ce sujet. L'enfant attendit que le vieil homme soit parti pour rejeter les couvertures bien chaudes qui le recouvrait jusqu'à présent, affrontant le froid ambiant qui l'agressa soudainement. Sans quitter le lit, ne voulant pas que ses pieds nus ne touchent le sol en pierre glacé, Harry parvint finalement à s'habiller entièrement. Une fois prêt et chaudement couvert d'un manteau et d'une écharpe qui sentait à la fois maman et une odeur de forêt qu'il ne connaissait pas, mais qui semblait étrangement familière, Harry sur la chaise qu'avait occupé Dumbledore quelques instants plus tôt, attendant le retour de l'homme bien sagement.

Ce ne fut qu'à ce moment qu'il remarqua l'immense rideaux blancs qui pendait du plafond dans le fond de la trop grande pièce vide. Pendant ce qui lui semblait de longue minute, Harry fixa ce rideau immaculé et immobile, luttant contre sa curiosité enfantine de découvrir ce que ce drap pouvait bien lui dissimuler. Mais il n'avait pas le droit. Il ne pouvait pas décevoir l'ami du père-noël. Car peut-être que s'il était sage, le monsieur le dirait au père-noël lui-même. Et alors, cette année, il aurait des cadeaux.

Mais il voulait savoir.

Au fond de lui, Harry sentait qu'il devait regarder.

Que cela avait un lien avec ce qui lui manquait.

Avec la personne qu'il avait oubliée.

Mais l'homme avait dit non.

Pourtant son esprit disait oui.

Et il voulait retrouver ses souvenirs.

Lentement, Harry se remit sur ses pieds, glissant de la chaise trop haute pour permettre à ses pieds de toucher le sol alors qu'il était assis. Il hésita encore un instant. Puis, finalement s'approcha pas à pas de ce rideau si effrayant et tentant à la fois. Harry n'entendait rien d'autre que les battements de son propre cœur et le sifflement de sa propre respiration. Ses yeux ne clignèrent pas. Il était incapable de quitte le drap du regard. Comme un papillon de nuit attiré par la lumière de manière incontrôlable, Harry se rapprocha encore et encore. Finalement, il fut si proche, qu'il aurait pu le toucher rien qu'en tendant la main.

Ce qu'il ne fit pas.

Ce qu'il ne put pas faire.

Ce qu'il ne fera jamais.

-Harry ?

Sursautant de peur d'avoir été découvert ainsi, Harry se retourna vivement vers le vieil homme, effrayé d'avoir fait une bêtise et d'être grondé comme l'enfant qu'il était. Mais rien ne vint.

-Tu es prêt ?

Harry hocha la tête, incapable de dire quoi que ce soit, encore trop effrayé d'avoir été surpris.

-On peut y aller alors.

Toujours sans rien dire, Harry regarda une dernière fois le drap face à lui, pour ensuite se retourner et rejoindre Dumbledore, quittant ainsi l'infirmerie de Poudlard, laissant derrière, la chose qui était si proche mais pourtant terriblement lointaine à la foi...

La chose qui avait été effacé de son esprit...

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