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Après plus d'une heure de trajet, Harry finit par somnoler contre Severus, le bras de l'homme passé de manière protective autour de ses épaules, son pouce frottant son épaule dans un geste rassurant et se voulant le plus apaisant possible. Le train était presque vide, les laissant tous deux plongés dans un silence calme, apaisant. Les petits néons laissaient échapper une douce lumière légèrement bleutée et agréable. Mais surtout, les sièges étaient confortables et spacieux.
Et puis, il se voyait mal se plaindre alors qu'il était dans les bras de Severus.
Relevant la tête, l'enfant put constater que Severus lui-même avait commencé à somnoler, la tête reposant contre le dossier de son siège. Harry en profita pour regarder l'homme comme il ne l'avait jamais fait avant, par manque de temps, mais aussi de confiance. La première chose que pouvait voir Harry était son nez, long, fin et en forme de bec, ce qu'il trouvait assez original. Ses lèvres fines et blanches étaient presque inexistantes. Son visage, tout en finesse, possédait des angles assez durs, renforcé en peu de temps par ses joues qui s'étaient beaucoup creusées en seulement quelques jours à cause de la maladie. Et ses longs cheveux noirs, brillants et fins qui encadraient son visage, contrastant fortement avec la pâleur de sa peau. Et ses yeux, si sombre, si profond, seules portes permettant l'accès à l'âme de cet homme si particulier. Pourtant si étroitement fermé, bloquant l'accès à celui qu'il était vraiment...
Involontairement, Harry se fit la remarque que Severus avait dû être moqué à cause de ce visage si particulier. L'enfant devait bien admettre que le tout était assez disgracieux, pas particulièrement joli à voir, mais intriguant. Mais surtout, ce qui comptait réellement était que ce visage était celui de la confiance pour Harry. Et c'est tout ce qui comptait pour lui.
Harry se recala contre Severus, poussant un soupir de contentement et humant une fois de plus cette odeur de forêt si particulière qu'il avait appris à aimer. Il était si bien ainsi. Si seulement cela pouvait durer pour toujours...
-Severus ? Demanda-t-il d'une petite voix.
L'homme rouvrit les yeux, inconscient d'avoir été fixé par Harry pendant un certain temps, et baissa son regard sur l'enfant qui ne le regardait plus.
-Oui ? Demanda-t-il d'un murmure que seul Harry avait pu entendre.
Un moment d'hésitation qui dura à peine quelques secondes mais que l'homme avait parfaitement perçu.
-Elle était comment ma maman ?
Le coup que Severus reçut au cœur fut violent, lui bloquant la respiration pendant quelques secondes. Il ne s'était pas attendu à ce genre de question ce qui, après coup, avait été une erreur. Dès le premier jour, dès leur rencontre, il avait dit à l'enfant qu'il était un ami de sa mère. Ce n'était qu'une question de temps avant que Harry ne commence à poser des questions à ce sujet. Quel idiot il avait été encore une fois, de ne pas s'être préparé à ce genre d'éventualité. Oui, il avait été pourchassé, blessé, malade à en mourir et presque tué, mais malgré tout cela, il aurait dû se préparer à ce genre de conversation.
Harry releva la tête vers lui avec une légère hésitation, plongeant ses yeux dans les siens. Ses yeux. Si brillant, si vert, si beau, si plein de vie et d'espoir, tout comme les siens...
Severus ouvrit la bouche, ne sachant pas quoi dire, ni vraiment par où commencer, puis la referma, incapable de prononcer le moindre son. Quel incapable il était... Ne trouvant pas la force de parler de la seule femme qu'il n'ai jamais aimé à l'enfant de cette même femme... Pitoyable. Une fois de plus.
-Est-ce qu'elle était gentille ? Demanda alors Harry qui avait parfaitement compris que Severus ne savait pas comment commencer.
Un léger silence se prolongea. Severus chercha ses mots, ne sachant pas comment commencer. Il croisa le regard interrogatif de Harry. Et, pour la première fois depuis si longtemps, tous ses doutes s'envolèrent, ses épaules s'allégèrent d'un poids et son cœur se trouva un peu plus apaisé.
-Oh oui Harry, commença-t-il sans aucune trace d'hésitation dans la voix. La plus gentille des personnes que j'ai jamais connu. En fait... Elle te ressemble beaucoup. Comme toi, elle avait un grand cœur, toujours prête à aider les autres. Elle savait écouter, comprendre et interpréter les signes pour pouvoir agir en conséquence. Pour être tout à fait honnête avec toi, je crois bien que c'est la personne la plus belle que je n'ai jamais rencontré dans ma vie...
Severus laissa le silence s'installer entre eux, réfléchissant à ce qu'il venait de révéler et à ce que cela impliquait. Jamais il n'avait dit autant de bien de Lily à qui que ce soit, pas même à lui-même, bien qu'il l'ait déjà pensé. Et jamais il ne l'aurait avoué si cela n'avait été pour cet enfant aux grands yeux verts qui le fixait intensément en attendant la suite de ses mots avec avidité.
-À quoi elle ressemblait ?
-C'était vraiment une très belle femme. Grande, mince, et un visage si doux, et si gracieux, aussi blanc que de la porcelaine avec, toujours, un sourire si brillant, encadré par des cheveux aussi dorés que le ciel lors d'un coucher de soleil. Et ses yeux... Des yeux aussi verts que des émeraudes, si profonds, si émotifs... De tout ce qu'elle avait, c'est de ses magnifiques yeux que tu as hérité...
-Tu l'aimais ma maman ?
Coupé dans sa réflexion, Severus sentit une sueur froide lui parcourir l'échine. L'enfant ne l'avait tout de même pas percé à jour ? Pas avec si peu d'informations ? Hésitant, l'homme rabaissa son regard vers Harry, cherchant à n'y voir rien d'autre que l'innocence qui le caractérisait. Severus ne parvint pas à retenir un soupir de soulagement. Non, Harry n'avait pas découvert son plus grand secret, cette question ayant été posée de manière totalement innocente. Pourquoi avait-il paniqué ainsi ? Ce n'était qu'un enfant, il n'aurait jamais pu découvrir de lui-même que Lily avait été et serait toujours son seul véritable amour.
-Oui. Je l'aimais beaucoup. Parce qu'elle m'a beaucoup aidé quand j'étais seul.
-Et toi ? Tu l'aidais aussi ?
-Disons que... Je faisais ce que je pouvais...
-Tu l'aidais comme moi ?
-Et bien...
Que pouvait-il répondre ? La vérité avait été bien différente. Après avoir appelé Lily une sang-de-bourbe, il l'avait livré au seigneur des ténèbres, la condamnant à une mort certaine en toute connaissance de cause. Alors comment pouvait-il dire à cette enfant que oui, il avait aidé sa mère ? Comme il se sentait mal de devoir raconter cela à Harry...
-Et mon papa ? Il était comment ?
-Je ne le connaissais pas.
La réponse avait été dite un peu trop vite et de façon un peu trop brusque, mais de toute évidence, Harry ne le remarqua pas. Il était inutile de lui dire que son père et lui avaient été les plus grands ennemis de Poudlard pendant toute leur scolarité... Cela n'apporterait aucun réconfort à Severus de faire du mal à cet enfant uniquement pour se défouler du comportement que son père avait eu envers lui...
Harry sembla déçu, fronçant les sourcils de frustration. Et Severus se sentit mal de ne pas pouvoir lui répondre. Il savait qu'il ne le devait pas, ou sinon sa haine pour James ressortirait et l'enfant serait alors déçu de son père. Ou pire, il le rejetterait pour lui avoir dit ce qu'il n'aurait jamais voulu entendre...
-Je sais juste que tu es son portrait craché.
Ces simples mots finirent par faire revenir le sourire à Harry qui le regarda de nouveau, ses yeux pétillants de joie, mais aussi de fatigue. Severus, lui rendant son sourire, réajusta sa prise sur l'enfant, le calant contre lui avant d'étaler sa couverture, ayant repris sa taille normale, sur le petit corps de Harry qui s'endormait déjà avec un grand sourire. Severus se contenta de le regarder plonger dans le monde des rêves, le sommeil l'ayant, pour sa part, définitivement quitté. Parler ainsi de Lily avait rouvert des plaies qu'il avait cru légèrement refermer et qui semblaient de nouveau saigner abondamment.
Cela faisait tellement mal...
Jamais Severus n'aurait un jour imaginer se livrer autant sur ses sentiments concernant Lily. Probablement parce que sa vision des choses avait changé lorsqu'il était mort quatre jours plus tôt et que c'était elle qui l'avait accueilli dans ce monde si blanc et sans bruit.
Severus détourna le regard de l'enfant blotti contre lui pour fixer son attention sur l'extérieur du train. Il faisait nuit et il ne parvenait qu'à voir quelques ombres furtives défiler à toute vitesse. Enfin voir... Son esprit était déjà parti à des kilomètres de là, s'échappant une fois encore de son contrôle, et l'obligeant à revivre ce qu'il s'était passé dans les limbes.
Depuis qu'il avait repris connaissance, Severus n'avait cessé de se questionner sur ce qu'il c'était passé dans l'entre deux mondes.
Il était revenu alors qu'il ne le voulait pas.
Il était vivant, sans l'accepter.
Il vivait, sans jamais rien décidé.
Même sa mort ne lui était pas accordée comme il le voulait...
Encore une fois il n'avait pas la main mise sur son destin, ne pouvant pas agir dans le sens inverse de ce qui avait déjà été écrit pour lui. Mais surtout, cet avertissement... Il allait être trahi. Il devait choisir ses ennemis avec plus de soin que ses amis... D'où pouvait venir la menace ? Mais surtout comment pouvait-il choisir ses amis si personne ne pouvait lui faire confiance à juste titre ? Le plus simple ne serait-il pas de rester seul encore et pour toujours, ne plus rien attendre des autres toujours prêt à décevoir ou à planter un couteau dans le dos comme lui-même l'avait déjà fait auparavant ?
Comment demander la confiance qu'il n'avait pas méritée ?
Frustré de ne pas comprendre, ne pas pouvoir anticiper ou décider pour lui, Severus secoua la tête pour retrouver ses esprits, sortant ainsi de sa transe. Il ne devait pas penser à cela. Il en aurait tout le temps une fois qu'il serait de retour dans ses cachots. Une fois que Harry serait en sécurité entre les murs de Poudlard et auprès de Dumbledore.
Severus baissa une nouvelle fois les yeux sur le visage endormi de l'enfant, observant sans le vouloir un petit filet de bave qui coulait du coin de sa bouche alors qu'il semblait plongé dans un rêve agréable. Tout allait bien se passer. Harry allait enfin être en sécurité. Et lui allait enfin pouvoir mourir en paix. Car il le savait, cette vie n'était qu'un sursis jusqu'à ce qu'il ait accompli sa dernière mission.
Contre sa volonté, ses yeux commencèrent à se fermer petit à petit, bloquant ses pensées sombres pour faire place à un vide étrangement rassurant. Endormi comme ils l'étaient tous deux, le trajet se fit bien plus rapidement que prévu. Ce fut Harry qui se réveilla le premier, observant avec fascination l'entrée du train en gare, les yeux grands ouverts, pétillants d'admiration.
-Severus ! Severus ! On est arrivés !
L'homme grogna avant d'ouvrir les yeux à son tour et de se lever, vacillant, s'agrippant de justesse au fauteuil devant en ne parvenant pas à retenir un râle. Sa poitrine le brûlant, et sa respiration bien trop rapide et sifflante. Harry le regarda avec peur, voulant le soutenir avec l'aide de ses petits bras, ce qui fit sourire Severus.
Il n'est pas seul.
Et pourtant...
Lui, il va laisser Harry tout seul.
Une pointe de culpabilité le serre, comme à chaque fois.
Mais c'est pour le bien de Harry.
N'est-ce pas ?
Il comprendra certainement.
N'est-ce pas ?
-Severus ? Demanda l'enfant pour la quatrième fois.
-Ce n'est rien Harry. Juste un petit étourdissement. Allons-y maintenant. Nous sommes bientôt arrivés.
-Super !!
Severus regarda Harry, un immense sourire plaqué sur son visage enfantin, se diriger vers la sortie du train. Aussitôt que l'enfant l'eut dépassé, le regard sombre de Severus ne fit que s'assombrir davantage...
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