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À de nombreuses reprises, pendant une journée entière, Severus se réveilla pour se rendormir aussitôt, se sentant toujours terriblement faible, et ne parvenant pas à lutter plus de quelques secondes contre ce sommeil qui était tout sauf réparateur, lui drainant ses forces un peu plus à chaque fois qu'il reprenait conscience. Et à chaque fois, l'homme s'assurait de la présence de Harry à ses côtés, observant l'enfant avec, dans le fond de sa poitrine, un sentiment qu'il ne connaissait pas. Mais qu'il pouvait sans aucun doute apparenter à du soulagement de le voir sain et sauf.
Severus replongea dans l'inconscience.
C'est en tremblant qu'il émergea de nouveau, ayant du mal à resituer l'endroit, sa poitrine douloureuse l'empêchant de respirer convenablement. Sur son visage, le masque respiratoire lui donnait l'impression d'étouffer. Et plus d'une fois il l'enleva d'une main faible pour le remettre aussitôt à sa place, se rendant bien compte que c'était bien pire de respirer sans. Bien plus douloureux aussi... Comment allait-il pouvoir sortir d'ici pour ramener Harry à Poudlard et à Dumbledore ?
Le sommeil l'emporta de nouveau.
Cette fois, la nuit était tombée quand il se réveilla, se sentant légèrement en meilleure forme que lors de ses précédentes petites reprises de conscience. Il fixa le plafond pendant un instant, ne parvenant pas à remettre de l'ordre dans ses pensées, ne parvenant pas à se rattacher sur quoi que ce soit pour ne pas replonger dans le sommeil sans rêve et si fatiguant. Un bruissement de couverture sur sa gauche le tira de sa contemplation, le forçant à tourner légèrement la tête vers la source du bruit.
-Severus ?...
Cette fois, il tourna complètement son regard vers la petite voix suppliante.
-Severus ?
Face à lui, Harry se tenait assis sur son lit, sortant lui aussi de son profond sommeil, un regard d'espoir mais de peur sur son visage d'enfant. Il n'osait pas faire le moindre geste vers l'homme, se demandant si tout cela n'était pas qu'un rêve, un reflet de son désir le plus cher, et qu'il était toujours en train de dormir.
-Harry...
La voix sonnait bizarrement, différente, plus faible, plus douce, moins tranchante et étouffée. Mais c'était sa voix. Celle de l'homme en noir, Harry le savait, et, ne pouvant plus se retenir, il se jeta au pied de son lit pour parcourir la distance qui le séparait de Severus en seulement quelques enjambés. Au dernier moment, l'enfant se retint de se jeter dans les bras de l'homme, se rappelant qu'il n'avait pas le droit de le toucher.
Pourtant, l'homme n'attendit pas pour lui attraper sa main dans la sienne, faible et encore tremblante de fatigue, ne le quittant pas une seule seconde de son regard profond et... Presque mort... Cette constatation fit frémir Harry. Les yeux de l'homme n'avaient jamais vraiment brillé de la vie qui habitait encore le corps de l'homme. Mais cette fois, elle semblait encore plus éloignée qu'avant, le fil prêt à se rompre, le souffle prêt à le quitter à jamais...
Ne comprenant pas ce geste impulsif de la part de l'homme en face de lui, Harry, qui ne put dire un seul mot, détacha lentement son regard de celui de Severus, puis le baissa sur leurs deux mains l'une dans l'autre sans vraiment comprendre. Il pouvait le toucher ou pas ? C'était si compliqué à comprendre pour lui...
-Tu vas bien... Harry... Je suis soulagé...
Cette voix était si faible, presque un murmure éraillé que sans le silence qui les entourait, l'enfant n'aurait pas pu l'entendre.
-Ce n'est pas moi qui suis malade... Ne put s'empêcher de rétorquer Harry sur un ton qui avait été chargé de reproche sans qu'il ne le veuille vraiment.
Severus ferma douloureusement les yeux, retenant un soupir de déception envers lui-même. Jamais il n'aurait cru que l'enfant se serait attaché aussi facilement, et surtout, jamais il n'aurait cru qu'il puisse s'inquiéter autant pour lui...
-Je vais bien... Maintenant Harry... Je ne te... Laisserais plus...
Chaque mots étaient une torture à prononcer, lui brulant la poitrine et lui faisant perdre son souffle. Mais l'enfant en face de lui avait besoin de les entendre. Il avait besoin de voir qu'il était avec lui.
-J'ai tout entendu... Reprit Severus après quelques minutes de silence commun. Chez... Ton oncle et ta tante...
Le regard d'Harry se fit fuyant. D'une main apaisante, Severus attrapa le menton de l'enfant qui effectua un petit geste de fuite, avant de se laisser faire et de regarder l'homme dans les yeux.
-Plus jamais... Harry... Plus jamais tu... N'iras chez eux... Tu comprends ?... Je ne permettrais pas... Que tu retournes là-bas... Tu mérites... D'être aimé... D'être avec... Des gens qui s'inquiètent... Pour toi... Ce ne sont pas... De bonnes personnes...
Comme ci tu l'étais toi... Rajouta-t-il pour lui-même.
-C'est vrai ?
-Oui Harry... Tu ne retourneras pas... Là-bas...
-Non... Enfin oui... Je veux dire...
Un silence. Qui dura pendant un long moment, Harry refusant de nouveau de regarder Severus dans les yeux, effrayé d'y voir de la déception à son égard. Parce que Harry se sentait tellement égoïste après ce qu'il venait de se passer, après que l'homme ai failli mourir à cause de lui. Oui, à cause de lui. Car s'il n'était pas venu pour l'aider, Severus ne serait pas tombé malade. Et il ne serait pas à l'hôpital. Et il n'aurait pas failli mourir...
-Dit moi... Harry... Qu'est-ce qu'il... Y a ?...
-J'ai le droit d'être... Aimé ?
-Bien sûr... s'exclama Severus en forçant un peu plus sur sa voix et en se redressant quelque peu dans le lit. Harry enfin, tout enfant a le droit d'être aimé et de vivre avec des parents qui l'aiment... Ce que ton fait subir ton oncle et ta tante est impardonnable ! Ils n'avaient pas le droit de...
Une quinte de toux le stoppa dans son discours, le faisant grimacer de douleur et le forçant de manière instinctive à poser sa main sur le masque respiratoire pour être sûr qu'il l'ai toujours et finalement reprendre son souffle. Les yeux d'Harry avaient commencé à s'embuer de larmes à la vision du monsieur qui recommençait à avoir mal. De nouveau à cause de lui...
-C'est ma faute. Je suis tellement désolé, reprit Harry quand Severus parvint enfin à reprendre son souffle.
-De quoi... Es-tu désolé ?...
Un regard fuyant de nouveau, et des larmes qui commencèrent à couler sur les joues de l'enfant. Comment pouvait-il lui dire ? Comment pouvait-il dire à Severus que s'il se sentait aussi mal c'était à cause de lui uniquement ? C'était égoïste mais il ne voulait pas que l'homme l'abandonne quand il le saurait. Harry voulait tellement rester avec lui. S'il lui disait, Severus allait l'abandonner. S'il ne lui disait pas, Severus allait continuer d'avoir mal, et peut-être aussi qu'il allait mourir. Et Harry ne voulait pas que Severus meure...
-Si tu es malade. C'est à cause de moi... Parce que tu n'es pas venu. Que tu t'es blessé en te battant pour moi. Que tu n'as pas assez mangé. Et que tu as attrapé froid. Tout est ma faute. Et si je ne dois pas te toucher, c'est aussi à cause de moi. Parce que je suis un monstre, un anormal...
Pendant un instant, Severus ne trouva pas un seul mot à dire. Il se contenta de rester là, à regarder cet enfant qui semblait bien plus brisé qu'il ne l'avait cru. Cet enfant dont les larmes coulaient désormais sans plus aucune retenue sur ses joues rouges. Lentement, ne quittant pas Harry des yeux, Severus releva une main pour venir la poser sur la joue de l'enfant, le forçant à le regarder droit dans les yeux.
-Mon pauvre garçon... Que-t-on t-ils fait pour que tu penses... Être responsable de tout le mal qui t'entoure... Ce n'est pas ta faute Harry... Jamais...
Sans prévenir l'enfant, Severus l'attira délicatement vers lui, l'invitant à s'allonger à côté de lui. D'abord réticent, Harry fini par rejoindre cette étreinte chaleureuse qui lui était ainsi offerte, les bras protecteurs de Severus se refermant autour de lui. Harry cacha son visage contre l'épaule de Severus et pleura, pendant de longues minutes, laissant libre cours à toute la peine qu'il avait accumulé pendant des années, ne cherchant plus à cacher ses lourds sanglots qui lui secouaient le corps.
De longues minutes passèrent sans qu'aucun mot ne soit prononcé, entrecoupé uniquement par les plaintes d'Harry qui parvint, peu à peu, à se calmer. Quand les pleurs se furent en partie tari, Severus resserra un peu plus son étreinte autour de l'enfant.
-Je suis le seul... Responsable de mon état... Commença l'homme en fixant le plafond autour de lui, une main autour d'Harry, l'autre derrière la tête de l'enfant pour le maintenir tout près de lui.
Il put sentir l'enfant bouger légèrement pour relever le visage vers lui et le regarder de là où il était.
-Je me suis cru... Plus fort... Que ce que j'étais vraiment... Et je n'ai pas voulu voir que... J'allais mal... Tu n'es pas responsable Harry... Jamais tu entends...
-Mais alors... Pourquoi je n'ai pas le droit de te toucher ?
Severus poussa un soupir, releva sa main qui maintenait Harry contre lui jusqu'à son masque respiratoire qu'il enleva, avant de tourner son regard vers l'enfant qui l'avait observé faire sans rien dire. Comment tout lui raconter sans qu'il ne prenne peur ? Comment ne pas perdre sa confiance ? Severus n'en avait aucune idée. Mais ce dont il était réellement sûr, c'était qu'il ne pouvait plus mentir à Harry sur qui il était réellement.
-Je ne suis pas... Quelqu'un de bien Harry...
L'enfant le regarda avec incompréhension.
-Il y a longtemps... J'ai fait de mauvaises choses... J'ai été méchant... Vraiment très méchant... Tu comprends ?
L'enfant acquiesça sans oser dire la moindre chose, préférant laisser Severus continuer de raconter ce qui, il pensait, devait être dur à avouer.
-J'ai fait... Vraiment beaucoup... De méchantes choses... J'ai été quelqu'un... Qui n'aimait pas les autres... Et je voulais leur faire mal... Alors... Je pensais que... Je n'avais pas le droit de... Te toucher... Pas après tout le mal que... J'ai fait...
Un long silence se poursuivit, terriblement pesant pour Severus qui n'osa pas une seule seconde quitter l'enfant des yeux. Il ne savait pas comment Harry allait réagir, et il voulait se préparer à devoir vivre son rejet quand il comprendrait enfin qu'il était un sale type. Un assassin. L'assassin de ses parents... L'enfant releva le regard sur lui, avec une expression qu'il ne parvint pas à déchiffrer. Et pendant un instant, Severus se voyait vraiment rejeté par Harry. L'enfant qu'il avait protégé pendant quelques jours seulement, et qu'il avait commencé à vraiment apprécier.
-Mais maintenant ? Pourquoi tu me touches si tu penses que tu n'as pas le droit ?
-Parce que... Toi... Tu en as besoin... Et c'est... Tout ce qui compte maintenant... Tu es plus... Important que... Le reste... Que moi...
Un long silence.
Terrible.
Pesant.
Insoutenable.
-Tu n'as pas... Peur de moi ?... Bien que je sois... Méchant ? Demanda Severus d'une petite voix qu'il ne se croyait pas posséder.
-Ce n'est pas avec moi que tu as été méchant. En fait, tu es le premier qui m'aime un peu. Alors je m'en fiche d'avant. Ce qui compte, c'est maintenant non ? Pas avant. Je m'en fiche des autres, tant que tu es gentil avec moi, moi je t'aime.
Un léger sourire se dessina sur le visage de Severus qui se croyait à moitié dans un rêve. Cet enfant était... Tout simplement incroyable en cet instant précis, capable d'un pardon si facilement.
-Tu as raison petit gars... Tu as raison...
Un court silence de nouveau, apaisant, calme.
-Dort maintenant Harry. Tu es fatigué... Et tu dois reprendre des forces... Je ne te quitte pas... Je te le promets...
Il ne suffit que de cette petite promesse pour que Harry finisse enfin par s'endormi, le cœur bien plus léger que pendant toutes ses années à vivre chez son oncle et sa tante.
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