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L'homme, face au petit miroir pas si propre que ça, réajusta une dernière fois son badge portant son nom agrafé sur sa chemise blanche d'infirmier avant de fermer son casier avec son cadenas et de sortir des vestiaires réservés au personnel soignant. Parcourant les longs couloirs blancs avec de longues enjambées, ne s'arrêtant que brièvement pour saluer ses collègues, l'homme commença son tour afin de rencontrer les différents patients dont il avait la garde. Il n'était pas encore six heures du matin, mais déjà l'hôpital était en pleine ébullition, recevant de nombreux nouveaux blessés ou malades. Se frayant un chemin à travers la foule de personne, patient comme personnel, l'homme parvint finalement par atteindre la chambre de son premier patient de la journée.
Il entra dans la chambre avec un grand sourire, prêt à commencer sa journée dans la bonne humeur qu'il comptait bien transmettre à ses patients même s'ils étaient tous, ou presque, plongés dans un profond coma.
Faisant partie du personnel des soins intensifs, sa mission première était de relever les constantes vitales et d'administrer les soins nécessaires à la stabilisation des patients. L'homme prenait également le temps de vérifier le fonctionnement des différents appareils dont la survie de ses patients dépendait. Tout en effectuant toutes ses missions, l'infirmier ne cessait jamais de parler aux hommes et aux femmes allongé, inconscient, dans leurs lits d'hôpital, leur apportant du réconfort mais également de la compagnie. Car certains de ses patients étaient seul, sans famille pour venir les voir, comme c'était le cas de cette jeune femme, victime d'un accident de circulation, sans papier, et dont l'identité restait inconnue depuis presque cinq jours déjà...
L'infirmier poursuivit son tour, remplissant certains papiers, ajustant des paramètres selon les besoins des médecins pour les soins des patients, échangeant sur les avancés de certains d'entre eux, sur le possible transfert de cette femme qui c'était enfin réveillé après trois mois de comas. Tout cela sans jamais perdre son sourire, sans voir l'heure défiler, sans se plaindre. Car il aimait ce qu'il faisait, et surtout, il aimait transmettre de l'espoir aux malades ou à leurs proches.
La journée était déjà bien avancée quand l'homme se retrouva devant la porte de la chambre de son nouveau patient qui lui avait été confié la veille bien qu'il soit arrivé depuis trois jours déjà. Incertains, il attendit un moment, la main posée sur la poignée glacée, hésitant à faire ce seul et unique pas qui le conduirait dans cette pièce. Cette pièce qu'il redoutait plus que tout, qui l'effrayait tout en le mettant mal à l'aise. Il poussa un court soupir, passa nerveusement sa main dans ses cheveux brun coupé court, puis fini par entrer dans cette pièce sombre dont les volets avaient été abaissé pour permettre à ses deux occupants de ne pas être gêné par le soleil qui tapait fort de ce côté de l'hôpital, les bips réguliers des capteurs vitaux étant le seul bruit qui parvint à ses oreilles.
L'homme, dans la pénombre, jeta un rapide coup d'œil sur le plus petit des deux lits, repoussé dans le fond, juste à côté du mur pour laisser la place aux différentes machines vitales, s'assurant que l'enfant était toujours là, et profondément endormi, blottit contre sa petite couverture toute rapiécée et d'une couleur plus que douteuse. De l'autre côté, totalement immobile, mis à part le petit mouvement faible de sa poitrine, et allongé de tout son long sur le dos, son patient, encore profondément endormi, un tube respiratoire dans la gorge, de nombreuses perfusions reliées à son bras droit, la couverture à moitié rabattu et la chemise de l'hôpital entrouverte sur une grande plaie recousue au niveau de la poitrine.
Ne souhaitant pas rester trop longtemps dans la même pièce que cet homme, l'infirmier attrapa la fiche de soin correspondante au patient, parcourut les quelques lignes d'un regard concentré, avant de se mettre au travail rapidement mais efficacement et sans faire la moindre erreur. L'homme releva les constantes vitales, la gorge nouée, les lèvres fermement serrées. Il n'avait aucune envie de se retrouver dans la même pièce que cet homme. Les réglages vérifiés, réglés et ajustés, l'infirmier s'attaqua ensuite aux perfusions, remplaçant les poches déjà vides, jetant les usagées dans le contenant présent à cet effet avant de s'immobiliser quelques instants devant le corps inanimé. Il ne restait plus qu'une chose à faire, une chose qu'il redoutait quelque peu...
-Pourquoi tu paniques ? Ce n'est pas comme ci il pouvait te sauter dessus en ce moment même... Tenta de se rassurer l'infirmier d'une petite voix.
À ces mots, il commença à s'attaquer à la dernière de ses missions concernant le patient présent devant lui : enlever le tube respiratoire pour le remplacer par un masque. De ses mains agiles, devenues expertes avec le temps et la pratique, l'infirmier libéra les lèvres craquelées et sèches de ce tube de plastique profondément enfoncé dans la gorge du patient. Son souffle était toujours sifflant et difficile, mais les inspirations bien plus profondes et régulières, témoignant que l'intervention avait été un succès.
L'infirmier s'affaira ensuite à placer le masque respiratoire sur le visage blême de son patient.
Quand il releva les yeux, il se figea.
Deux orbes d'obsidienne le fixaient, et malgré le voile de fatigue et de douleur qui les recouvrait, l'homme pouvait parfaitement voir autre chose dans ses yeux. De la peur, de l'incompréhension, et peut être même une forme de résilience. Sans qu'il ne sache trop comment, une part de l'angoisse qui l'avait pétrifié se retrouva complètement envolée face à ce regard perdu, l'infirmier se pencha vers son patient, posant une main rassurante sur son épaule.
-Restez tranquille. Vous êtes en sécurité.
Évidemment qu'il est en sécurité... Moi par contre... Se dit-il dans son for intérieur.
Après tout, il ne devait pas oublier que face à lui se tenait nul autre qu'un mangemort reconnu et assassin de bon nombres de sorciers innocents... Et l'un des plus proches, voir même le plus proche bras droit de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcé-Le-Nom : Severus Snape...
L'homme face à lui roula des yeux, cherchant désespérément à voir la pièce qui l'entourait, sans pour autant parvenir à relever la tête, encore trop faible, puis tenta d'ouvrir la bouche pour dire quelque chose. Il ne dit rien pendant quelques secondes, puis, une voix faible, presque un murmure que l'infirmier aurait certainement raté si il ne s'était pas tenu penché au-dessus de lui, fini par franchir les lèvres craquelées.
-L'enfant... Où est... ?
-Dans le lit juste à côté.
L'infirmier regarda pendant un long moment l'homme en face de lui. Severus Snape, mangemort de son état, meurtrier reconnu à la solde du seigneur noir, maître des potions et professeur de Poudlard, sous la protection du célèbre Albus Dumbledore, Ne ressemblait plus à celui qu'il avait été autrefois : effrayant, puissant, sévère, ferme, charismatique, mais surtout et toujours effrayant... Oh que oui, effrayant... Mais désormais, l'homme allongé sur ce lit ne ressemblait plus à celui qu'il avait été, blême, les yeux ternes et éteint enfoncés dans leurs orbites et cerné de noir, le souffle difficile et faible, la santé irrémédiablement perdue, le corps immobile tel un cadavre et affaibli à un point tel que prononcer quelques mots l'avait déjà vidé de ses forces.
La peur qui avait tenu en respect l'estomac de l'infirmier depuis qu'il savait qui était son nouveau patient s'était totalement envolé après avoir croisé ses yeux d'obsidienne, n'ayant plus aucune raison d'être. Peut-être que Snape était toujours un mangemort, que le directeur s'était trompé depuis le début et que lui, simple infirmier, devait rompre le serment d'Hippocrate et mettre fin à cette misérable existence... Après tout, sa vie pouvait être en danger à cet instant précis, et cela serait rendre un immense service à la communauté sorcière. Pourtant, en voyant cet homme presque mort face à lui, toutes ses pensées c'étaient finalement envolé. Après tout, cet homme face à lui ne représentait pas un danger immédiat, à l'instant précis il ne pourrait rien faire pour attenter à la vie de l'infirmier.
Perdu, ne reconnaissant rien, Severus commença à remuer la tête dans tous les sens, cherchant un point d'ancrage, un petit détail familier, afin de se rassurer, ou au moins la forme floue de l'enfant, lui prouvant qu'il était bien là, à ses côtés. Commençant à étouffer sous l'effort, Severus porta sa main au masque respiratoire pour tenter de l'enlever et espérer pouvoir inspirer de nouveau normalement. On l'en empêcha.
-Calmez-vous... Vous êtes en sécurité...
Les mots ne lui parvinrent qu'à moitié, dénué de sens. Le professeur repoussa la main qui lui tenait l'épaule, cherchant vainement à se redresser malgré les protestations de ses membres, de sa tête et de sa poitrine qui se mit à lui brûler avec violence. Severus après quelques courts instants d'effort, fini par se laisser retomber sur le matelas dans un râle de frustration et de douleur, portant sa main à sa poitrine qui le faisait tant souffrir.
Ses doigts glissèrent sur une plaie, longue, fine, proprement refermée. Faiblement, il baissa les yeux sur cette cicatrice qu'il ne connaissait pas, se demandant ce qui lui était arrivé. Il n'avait pas eu d'accident, n'est-ce pas ? Et l'enfant ? Harry ? L'infirmier avait dit qu'il était ici avec lui. Était-il blessé lui aussi ? Où était-il ? Il devait le voir pour être sûr que Harry allait bien.
Severus recommença à s'agiter, mais deux mains puissantes sur ses épaules l'empêchèrent de résister bien longtemps...
-Vous devez rester allongé.
-Non... L'enfant... Où est... Bien ?... Amené à... Continua de plaider Severus qui ne comprenait pas.
La seule chose qui comptait, et qui compterait toujours, était qu'il devait à tout prix s'assurer du bien-être de Harry, qu'il n'était pas blessé, pour ensuite le ramener à Poudlard avant qu'il ne finisse par mourir d'épuisement et de douleur. Il lui restait si peu de temps, mais il devait le faire, plus que tout autre chose. Il le devait pour Lily. Pour l'enfant. Pour Harry...
-L'enfant va très bien, il n'est pas blessé. Il se repose sur le lit à côté du vôtre.
Ces mots eurent leur effet, et Severus se calma finalement, cessant de lutter contre ses mains qui le maintenait couché sur le lit d'hôpital. La prise se desserra, et Severus rata l'expression dégoutée de l'infirmier face à lui lorsque ce dernier remarqua qu'il venait de toucher le bâtard graisseux...
-Dois partir...
L'infirmier soupira d'agacement. Des patients dans ce genre-là, il en avait déjà vu beaucoup, mais celui-ci en particulier avait un don certain pour user de sa patience plus que de raison.
-Vous ne pouvez pas partir d'ici. Vous êtes encore bien trop faible pour ça.
-Dois... Faire vite...
Cette fois, poussé par une adrénaline qu'il ne croyait plus posséder depuis un moment, Severus parvint à s'asseoir sur le lit, puis à passer ses jambes par-dessus le bord, commençant à défaire les perfusions qui parcourait son bras droit tout en parcourant la pièce du regard pour finalement s'arrêter sur Harry qui était bien endormi. Face à lui, l'infirmier se tenait l'arête du nez, l'air passablement énervé par ce qu'il était en train de faire. Un bip continu provenant du moniteur cardiaque se fit entendre, assourdissant les deux hommes qui se faisaient face dans le plus grand des silences.
-Vous ne comprenez pas ! Reprit l'infirmier en plongeant son regard d'un bleu froid dans celui aussi noir qu'un puits sans fond de son patient. Vous ne pouvez pas décider de partir maintenant, vous êtes bien trop faible pour cela ! Vous ne feriez pas deux pas que vous allez vous effondrer de fatigue ! Pensez au gamin si ce n'est pas pour vous !
Severus ne l'écoutait toujours pas, s'attaquant à détacher le masque respiratoire pour se rendre compte que, malgré qu'il étouffe avec, il était plus facile pour lui de respirer avec que sans, le faisant vociférer dans sa barbe.
-Je ne peux pas vous laisser partir ! Bon dieu vous êtes mort et...
-L'enfant... Le réveillé... Doit partir...
-Servillus ça suffit bordel !
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