31

Deux jours entiers...

Bientôt trois...

Et rien n'avait changé...

Ni bougé...

Et la peur commençait à se faire, de nouveau, de plus en plus présente dans sa poitrine. Harry ne voulait pas bouger de cette chambre d'hôpital, plongé dans la semi-obscurité, les jambes remontées contre sa poitrine, le menton posé sur ses genoux. L'enfant ne bougeait pas, ne clignait pas des yeux, se contentant de le regarder dormir pendant longtemps, assis sur cette chaise bien trop dure qui commençait à lui faire mal aux fesses et au dos. Il ne voulait pas détourner le regard de cet homme, de peur de le voir de nouveau s'éloigner de lui. Cet homme en qui il a confiance et qu'il a appris à aimer, presque comme un père.

Moins d'une semaine.

Voilà le temps qu'ils avaient passés ensemble, et pourtant, le petit garçon le savait, il aimait l'homme. Oui, il l'aimait. Et quand il le regardait, relevait la tête vers cet homme sombre et intimidant, ce n'était pas pour voir un inconnu qui s'inquiétait pour lui. Harry avait l'impression de voir un père. Peut-être qu'il pensait ainsi seulement parce qu'il ne savait pas ce que s'était un papa... Et malgré cette pensée qui lui serrait le cœur, l'enfant se contentait de la repousser au loin, préférant se complaire dans cette idée que, enfin, il avait son propre papa.

Mais à cet instant précis, son papa était malade.

Et Harry ne parvenait ni à détourner son regard de l'homme en noir, ni à retenir les larmes qui continuaient de couler silencieusement sur ses joues, les flots ne semblaient pas vouloir se tarir. Il avait tellement peur de le voir mourir. Comme son vrai papa. Harry n'avait pas eu le courage de dire à Severus ce qu'il ressentait pour lui, puis il n'en avait pas eu le temps. Et maintenant, il n'en avait pas la possibilité... Pourquoi devait-il perdre tout ce à quoi il s'attachait ? Pourquoi tout devait lui être enlevé ? Qu'avait-il fait de mal pour mériter d'avoir aussi mal dans son cœur ?

-Je suis un anormal... Je suis un monstre... Je fais du mal autour de moi...

Cette réponse vint comme une évidence aux lèvres de l'enfant. Et ceux, bien que Severus lui aie dit que ce n'était pas vrai. Mais les habitudes étaient difficiles à disparaître. Et de toute façon, si l'homme devait mourir, lui il retournerait chez son oncle et sa tante, alors pourquoi tenter de changer quoi que ce soit à sa façon de se percevoir ? Pourquoi tenter de se voir autrement que comme le monstre qu'il a toujours été ? Vu que ça va recommencer quand il retournera chez les Dursley...

Harry avait tellement peur... D'être de nouveau seul... D'être abandonné...

Severus avait promis...

Qu'il ne le laisserait pas seul...

Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il ne voulait pas se réveiller ? Pourquoi est-ce qu'il ne faisait que dormir sans s'inquiéter pour lui ?

Comme mu par une volonté qui lui était supérieur, le corps d'Harry se mit à bouger sans qu'il ne s'en rende réellement compte, dépliant ses membres engourdis par la position dans laquelle il s'était tenu pendant de nombreuses heures sans bouger. L'enfant se rapprocha du lit à petit pas, incertains, attrapa la main de l'homme. Si froide dans la sienne... Lentement, prenant bien soin de ne pas tirer sur un de ses trop nombreux fils, Harry se hissa sur le lit de Severus, se glissant contre lui, ajustant sa petite couverture pour qu'elle couvre en partie le torse de l'homme, dissimulant la cicatrice qui effrayait le petit garçon. L'enfant posa ensuite sa main là où se trouvait le cœur de l'homme, s'assurant qu'il battait toujours. Sans cela, Harry aurait été certain que l'homme en noir serait en fait mort...

L'enfant se pressa contre le monsieur, cachant son visage dans le creux de l'épaule de l'homme, parvenant à sentir son odeur si particulière de forêt par-dessus les effluves odorantes de l'hôpital qui lui piquaient le nez. Harry resta un moment ainsi, immobile, écoutant la respiration sifflante de Severus et les bips incessants des moniteurs cardiaques. Severus n'était pas mort... Et c'était la seule chose dont Harry était sûr.

Mais peut-être qu'il va bientôt mourir... Se dit-il en poussant une plainte de tristesse et de frustration. Le temps passa. Et bientôt, Harry se retrouva en train de parler à l'homme endormi, le suppliant de se réveiller, de ne pas le laisser seul, de ne pas l'obliger à retourner chez les Dursley...

-Vous m'avez promis monsieur... Vous m'avez promis de ne pas me laisser, de ne pas mourir, que plus jamais vous ne m'abandonnerez. Vous devez tenir votre promesse... S'il vous plaît... Severus...

L'enfant pleura silencieusement, ses larmes coulant avec plus d'intensité, tout en continuant de parler.

-Tu m'as dit que tu m'emmènerais dans un endroit avec des gens gentils. S'il te plait. Emmène-moi là-bas... Je veux que tu continues de veiller sur moi. Je veux être avec toi. Je veux que tu continues à m'apprendre des choses... Je ne veux pas retourner dans le placard sous l'escalier. Je ne veux pas recommencer à nettoyer toute la maison. Je ne veux pas être tapé parce que je me suis fait mal en trébuchant sur le tapis. Je veux être comme Dudley, que quelqu'un m'aime, me rassure, me protège, m'apprenne des choses. Comme tu as fait depuis que je t'ai rencontré... S'il te plaît... Pourquoi tu ne veux pas continuer à faire ça ?

La voix d'Harry se brisa pendant un instant. Puis il reprit, sa voix se faisant de plus en plus faible, mais le flot des mots ne semblant pas vouloir prendre fin.

-Tu as été gentil avec moi, tu sais. C'est la première fois que quelqu'un est gentil avec moi. Que quelqu'un veut bien m'écouter. Ou juste me regarder comme un enfant normal. Parce que je ne suis pas normal chez tante Pétunia et oncle Vernon. Je suis un monstre chez eux. Je ne mérite pas de vivre. Et j'aurais dû mourir avec papa et maman... Une fois tante pétunia m'a même posé les mains sur la plaque chaude parce que j'avais raté les œufs du petit déjeuné... Et elle m'a dit que je n'avais pas le droit de pleurer. Parce que les monstres ne pleurent pas. C'est eux qui font pleurer les gentils enfants... Mais toi, tu m'as dit que j'étais gentil... Tu sais, avant toi je n'ai jamais connu le sentiment d'être en sécurité. Je devais toujours faire très attention à chacun de mes gestes, ou sinon j'étais punie... Mais avec toi, je me sens bien, comme jamais avant. Et aussi...

Harry hésita un instant. Severus allait-il seulement l'entendre ? Ne parlait-il pas dans le vide ? Après tout, l'homme était en train de dormir. Un sommeil très profond avait dit les docteurs quand ils parlaient entre eux, ne voulant pas que l'enfant les entende. Et puis, après tout, qu'avait-il à perdre en lui disant cela ? C'était peut-être sa dernière chance de dire à l'homme en noir ce qu'il ressentait vraiment pour lui.

-Aussi... Reprit l'enfant un peu plus hésitant qu'auparavant. J'aime bien être avec toi... Non... Je veux dire... Je suis bien... Enfin... Je t'aime Severus...

Harry releva les yeux vers l'homme, attendant quelque chose de sa part, la moindre réaction, le moindre petit mouvement qui pourrait lui montrer que l'homme l'avait entendu. Mais rien. Rien à part ses yeux si noir toujours fermement clos, sa peau déjà blanche encore plus pâle, et ce tube bleu si moche qui lui rentrait dans la bouche. L'enfant sentit ses yeux recommencer à le piquer.

Pourquoi ? Pourquoi Severus ne se réveillait-il pas ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Était-il en colère contre lui ? Était-ce le moyen qu'il avait trouvé pour le punir, sachant que c'est cela qui lui ferait le plus mal ? Harry avait du mal à concevoir l'idée que Severus puisse penser à faire cela, ou même, qu'après avoir été aussi gentil avec lui, commencerait à le traiter ainsi... Et si cela avait été une blague depuis le début ? Et si tante Pétunia et oncle Vernon avait demandé à Severus d'être gentil avec lui pour ensuite l'abandonner, et lui faire le plus de mal possible ? Cette pensée fit frissonner l'enfant.

Non...

Ce n'était pas vrai. Après tout, Severus était comme lui, un anormal. Il lui avait montré. Alors jamais son oncle et sa tante n'auraient fait appel à un anormal pour lui faire du mal.

Alors pourquoi Severus ne revenait pas ?

La détresse qui grandissait en lui, lui brûlait le ventre, lui nouait la gorge. Et le pire étant probablement qu'il ne pouvait rien faire pour arranger les choses, que quoi qu'il dise ou fasse, cela ne changerait rien. Severus ne se réveillerait pas pour lui...

Harry, se redressa un instant, scrutant le visage impassible de l'homme en face de lui. Ce visage si dur, si sec, mais qu'il avait appris à apprécier, à aimer. Ce visage avait tellement changé en si peu de temps... La fatigue l'avait fait pâlir. La faim l'avait fait maigrir. Et la peur l'avait marqué encore plus qu'auparavant. Creusant des sillons sur son front et aux coins de ses yeux, accentuant sa fatigue déjà si présente le jour où ils se sont rencontrés. Avec hésitation, l'enfant approcha sa main de la joue de l'homme, cherchant à y trouver un contact. Mais au moment où leurs peaux allaient entrer en contact, Harry enleva vivement ses doigts, comme ci il avait été brûlé, se rappelant que l'homme n'aimait pas le contact avec lui...

Mais alors pourquoi l'avait-il pris dans ses bras dans le camping-car ?

L'enfant était perdu, il ne comprenait plus... Il y avait tant de choses qui lui semblaient bizarres. Et pour une fois que cela ne venait pas de lui, il commençait un peu à comprendre pourquoi les Dursley le traitaient ainsi. Ils avaient peur et ne comprenaient pas. Tout comme Harry en ce moment était terrorisé et frustré de ne pas comprendre.

De longues minutes s'écoulèrent de nouveau, Harry assis sur le lit juste à côté de Severus, toujours immobile, et ne semblant pas prêt à faire le moindre geste pour montrer une amélioration de son état. L'enfant aurait voulu rester encore, à côté de celui qui lui avait appris ce que c'était de se sentir en sécurité et aimé. Seulement, il était épuisé de toute cette angoisse de l'attente, et bientôt, ses paupières commencèrent à être terriblement lourde.

Se sentant plongé dans un sommeil qu'il savait ne pas pouvoir combattre plus de quelques minutes supplémentaire, Harry se décida à contre cœur à rejoindre son propre lit aménagé dans le fond de la pièce, ne voulant pas prendre le risque de s'endormir dans les bras de Severus et de, pendant son sommeil, bouger et débrancher certains des fils qui, il le savait, était ceux qui permettaient à l'homme de rester en vie. L'enfant resta quelques secondes devant le corps immobile du monsieur, fixant sa main avec envie, désirant plus que tout la prendre dans la sienne, la presser entre ses deux paumes. Mais Harry se refusa ce droit.

Severus ne voulait pas être touché.

Ce qui c'était passé dans le camping-car n'était dû qu'à la peur de le laisser seul. Sinon, jamais l'homme ne l'aurait touché. Harry en était sûr. Alors, n'attendant rien de plus, l'enfant retourna vers son lit à pas lent, tournant le dos un court instant à l'homme en noir.

Manquant par la même occasion le petit tressaillement de son index et le léger roulement de ses yeux sous ses paupières.

Harry se roula en boule, sous sa petite couverture, s'entourant de ses odeurs si familières et rassurantes de sa mère et de Severus, le visage tourné vers l'homme pour s'assurer de sa présence jusqu'au moment où il fermerait les yeux.

À peine quelques instants après qu'il se fut endormi, la porte de la chambre s'ouvrit sur un infirmier à l'air renfrogné, et qui, visiblement, souhaiterais être partout ailleurs que dans cette pièce...

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