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Sa tête était terriblement lourde, et douloureuse, et lui semblait avoir été vidé, aucune pensée ne l'assaillant, aucun souvenir ne se jouant de nouveau dans son esprit, aucune image bondissant devant ses yeux clos. Il n'était sûr de rien, ne sachant plus ce qui lui était arrivé, la douleur émergeant peu à peu de son corps encore lourd et terriblement engourdi. Des sons lui parvenaient, indistinct, lointain, ne lui évoquant absolument rien, ne lui disant rien sur l'endroit où il pouvait être, car il était bien sûr d'une chose, il n'était plus dans cet hôtel de fortune, dernier souvenir vivace qu'il avait pu garder avant de perdre conscience pour ne plus réellement émerger de nouveau.
Las, épuisé, le corps engourdi mais constamment parcouru de pic de douleur lancinante alors qu'il était secoué dans tous les sens sans qu'il ne sache ni comment ni pourquoi, Severus tenta d'ouvrir ses paupières, qui restèrent lourdes et closes. Puis, il tenta un simple mouvement de son pouce, mais là encore, il en fut incapable, lui donnant plus que tout envie de grogner de frustration et de mécontentements. Des voix qu'il ne connaissait pas lui parvinrent, les mots mis à la suite les uns des autres, décousus, n'ayant aucun sens.
-...Malade...Urgence vitale...
-Attend...
-...Trop élevé... Doit agir... Grave...
-...Sauvé...
Que lui était-il arrivé ? Où était-il ? Qui étaient ses personnes autour de lui ? Et... Harry ? Il lui avait fallu du temps pour se rappeler le visage angélique et innocent de l'enfant qu'il devait plus que tout protéger. Et désormais, tout lui revenait à l'esprit avec une violence comme il n'en avait que rarement connu. Et un désespoir qui lui creusa la poitrine comme jamais auparavant. Il devait protéger l'enfant, mais si lui était inconscient, incapable de bouger un doigt, alors Harry était en danger. Mais le plus important, où était Harry ? Il devait le retrouver ! Se réveiller et le retrouver ! C'était la seule chose pour laquelle il se battait malgré son état pitoyable, la seule chose pour laquelle il était toujours en vie. Mais rien ne se produisit, aucune adrénaline ne parcouru ses veines, aucune force ne lui revint pour lui permettre de se redresser et de bondir hors de ce lit à la recherche du gamin.
Son gamin...
Il était simplement trop faible, épuisé comme il ne l'avait jamais été auparavant pour pouvoir faire quoi que ce soit. Et cela l'effrayait, pour lui qui ne supportait pas de rester passif, incapable d'agir alors qu'il le pouvait, mais aussi et surtout pour Harry, car sans lui, l'enfant était condamné. Sans lui, ceux qui l'avait enlevé allait le retrouver et le ramener avec eux.
Sans lui, Harry allait probablement mourir...
Et il mourrait avec lui, d'avoir échoué non seulement à sa mission donnée par le directeur. Mais plus important encore, il aurait échoué à mériter la confiance aveugle que l'enfant avait placé en lui dès l'instant où ils s'étaient rencontrés. Si il l'avait pu, Severus aurait probablement hurlé de rage, mais même sa bouche refusait de lui obéir à cet instant précis.
Le temps sembla s'écouler à une vitesse alarmante, mais en même temps, tout lui semblait long, dénué de sens, voué à ne jamais prendre fin. Sa tête fut soulevée, fermement tenu dans des mains fortes, quelque chose glissant sur son visage, facilitant quelque peu sa respiration laborieuse. Puis son bras ou il put ressentir comme une piqûre dans le creux de son coude, et le froid le saisit, intense, le gelant sur place, suivit de près par une sensation de chaud qui lui fut désagréable.
Severus put sentir les secousses qui duraient depuis de longues minutes disparaître, remplacé par une sensation de mouvement, le menant de nouveau dans un endroit qu'il ne connaissait pas. Son souffle était laborieux, douloureux, si douloureux que cela devenait un peu plus difficile à chaque nouvelle inspiration, l'air refusant d'entrer dans ses poumons, comme s'ils étaient déjà plein et ne pouvait plus se déployer pour laisser entrer l'oxygène. Et forcé dessus était encore pire que de ne rien faire. Alors Severus continua de respirer par à coup, s'essoufflant davantage et forçant une quinte de toux à le secouer.
Les choses s'accélérèrent, lui faisant perdre le fil des événements qu'il ne parvenait à comprendre qu'à moitié. Un enfant pleura.
Harry ?
Probablement...
Mais il ne savait pas. Il ne savait plus. Et même si la vie de l'enfant était la seule chose qui comptait pour lui, Severus ne parvenait plus à penser à autre chose qu'à sa douleur, sa fatigue, et cette envie irrépressible de dormir, de tout abandonner. Il était si proche de la conscience, si désireux de revoir ce visage joufflu avec ses deux grands yeux verts, mais il ne parvenait pas à se détacher de ce sommeil sans fin qui l'appelait, qui le tentait plus que tout. Et qui allait probablement gagner.
Une main glacée dégagea son front de ses cheveux collé par la sueur, le rafraîchissant momentanément. Et Severus trouva la force de relever un peu la tête, cherchant désespérément ce contact qui avait pu le libérer de cette chaleur étouffante qui bouillait dans son corps. Comme répondant à sa demande muette, cette main revint de nouveau et, cette fois, resta sur son front plus longtemps, l'accompagnant là où on continuait de l'emmener. Le mouvement prit fin, amenant avec lui un froid presque polaire, le faisant frissonner. Il était gelé, d'autant plus que, sans qu'il ne puisse dire ou faire quoi que ce soit, son pullover fut enlevé sans qu'il ne sache comment, sa chemise subissant le même sort, exposant d'autant plus son torse au froid.
Des murmures se firent de plus en plus pressant à son oreille, le ramenant peu à peu vers la réalité, l'enlevant à chaque fois un peu plus de ce sommeil qui semblait si tentant. Les mots qu'il entendait ne faisaient aucun sens, puis finirent par se clarifier peu à peu.
-Monsieur, votre nom ? Quel est votre nom ?
Une femme lui parlait avec impatience mais sa voix restait douce et rassurante, le tirant, encore et encore vers le monde des vivants.
-Vous m'entendez monsieur ? Qui dois-je prévenir ?
Prévenir ? Prévenir qui de quoi ? Et pourquoi ? Qu'était-elle donc en train de raconter ?
-Et l'enfant ? Que devons-nous faire de Harry ?
Harry ? Il était ici ? Auprès de lui ? Comme ci il venait de recevoir une décharge, l'esprit de Severus se remit à fonctionner à plein régime, ses paupières s'ouvrant avec difficulté mais se refermant presque aussitôt face à la lumière placée juste au-dessus de lui et qui lui agressa la rétine. Après quelques secondes, Severus parvint enfin à garder les yeux à moitié ouvert, faisant face à une jeune femme dont le visage était proche du sien et qui le regardait avec inquiétude, sa main toujours posée sur son front, ne l'ayant pas quitté un seul instant. Aucun d'eux n'échangea de parole pendant un court instant qui fut tout de même suffisamment long pour permettre à l'homme d'enfin découvrir son environnement. Mais surtout pour se rendre compte qu'un masque respiratoire avait été placé soigneusement pour lui permettre de respirer un peu mieux.
Il n'était pourtant pas en si mauvais état que cela si ?
-Comment vous appelez vous monsieur ? Redemanda de nouveau la femme.
-Harry... Où est... Harry...
Sa voix, faible, épuisée et à moitié étouffée par le masque avait été entre coupé pour lui permettre de reprendre son souffle.
-Ne vous inquiétez pas pour lui, il est resté avec un des urgentistes et il ne le quittera pas tant que vous serez sorti du bloc opératoire.
Bien qu'il ne dit rien, une mimique de surprise du apparaître sur le visage de Severus car la jeune femme continua.
-Vous avez une pneumonie qui s'est très fortement aggravée. Le seul moyen de vous sauver à présent est de pratiquer une chirurgie. La seule chose qui nous empêche de commencer sur le champ est votre accord, ou celui d'un proche. Dites-moi monsieur ? Pouvons-nous vous opérer sur le champ ?
Severus aurait bien voulu répondre «à quoi bon ?». Personne ne l'attendait, et personne ne le regretterait. Puis la pensée de Harry vint, une fois de plus s'imposer à lui, ne lui laissant aucun autre choix. Bien trop épuisé pour former des mots, Severus se contenta de hocher la tête pour donner son accord.
-Une dernière question avant que nous commencions à pratiquer l'intervention. Si jamais vous ne survivez pas, qui pouvons-nous prévenir pour replacer l'enfant ?
-Minerva... McGonagall...Ecosse... Répondit Severus sans aucune hésitation.
Hors de question de placer l'enfant sous la tutelle de ce vieux fou d'Albus. Il serait bien trop néfaste pour Harry tandis que sa directrice adjointe serait parfaitement capable de s'occuper de lui, sa motivation première étant de s'assurer du bien être de ses élèves, mais également des enfants en règle générale.
Vider du peu de force qui lui restait, la tête de Severus roula sur le côté, ses yeux se fermant de nouveau alors qu'il retournait dans cet état de semi-conscience dans lequel il se sentait si bien, la dernière chose qu'il put voir étant le visage toujours aussi soucieux de cette jeune infirmière à ses côtés. Comme précédemment, une sensation de piqûre lui saisit le bras, un liquide se déversant dans ses veines, le gelant de l'intérieur étant donné le fort contraste entre le produit gelé et la lave qui bouillait dans ses veines.
Déjà à moitié perdu dans les limbes du sommeil, il ne fallut que deux secondes tout au plus pour que l'anesthésie ne l'envoie définitivement dans un profond sommeil, sans rêve. Le noir étant la seule chose qui l'entourait dans ce silence si pesant. Severus ne sut pas combien de temps s'écoula tandis qu'il flottait en plein milieu de cette mer d'encre noir. Mais bientôt, une lumière blanche fit son apparition au loin, semblable à l'éclat du soleil apparaissant au bout d'un interminable tunnel sombre et sans lumière, se rapprochant de lui et amenant avec elle une douce chaleur apaisante.
Severus laissa cette chaleur le submerger, faisant disparaître ses frissons qui ne cessaient de le parcourir de toute part. Même la chaleur insoutenable qui s'était emparé de lui à l'intérieur semblèrent finalement se calmer. La douleur finit, elle aussi, par disparaître petit à petit au début, puis complètement. Sa respiration redevint régulière et profonde, agréable même, le laissant savourer les plaisirs de prendre de grandes inspirations. C'est ainsi que Severus finit par comprendre ce qui était réellement en train de se passer.
Je suis en train de mourir... Se dit-il plus comme un fait que comme une plainte ou une supplique.
C'était ainsi, et il n'y pouvait rien.
Ce fut sur cette dernière pensée que la lueur blanche finie par l'atteindre pour finalement l'entourer, l'englober entièrement, le plongeant dans un monde lumineux, à l'apparence d'une clairière sans fin d'un blanc immaculé, sans aucun son, sans personne, toute douleur disparue, son corps aussi légé qu'une plume. Severus se sentait bien, comme il ne l'avait jamais été auparavant. Mais également perdu. Avec tout ce qu'il avait fait dans sa vie, toute la souffrance dont il était responsable, n'aurait-il pas dû atterrir en enfer ? À moins que ce soit cela la damnation éternelle ? Impossible... Cet endroit était bien trop apaisant pour que cela soit le cas...
Enfer ou paradis, une chose était sûre, Severus se sentait serein comme il ne l'avait jamais été, apaisé comme il ne s'en croyait pas capable.
Et malgré ce bien être, une pensée vint à son esprit. Celle qu'il allait abandonner Harry, car il voulait plus que tout rester ici. Pour toujours... Et alors, de nouveau, la culpabilité l'assaillit, le forçant à se mettre à genoux, son visage entre ses mains, les épaules courbées sous la pression de cette nouvelle douleur qu'il ne connaissait que trop bien. Et alors qu'il recommençait à se fustiger de la même manière que lorsqu'il était vivant, une main se posa sur son épaule.
-Bonjour Sev... Ça fait longtemps...
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