24
Ils étaient restés pendant deux heures ainsi, blottis l'un contre l'autre dans un profond silence entrecoupé uniquement par la toux de l'homme. À chacune d'elle Harry resserrait un peu plus l'étreinte qu'il exerçait sur l'homme, se rapprochant de lui, voulant lui montrer qu'il n'était pas seul, qu'il n'allait pas le laisser. Mais aussi, et surtout, le suppliant de ne pas mourir. Bien trop rapidement au goût de Harry, le sifflement dans les poumons de Severus était devenu plus présent, attestant que son état se dégradait encore et de plus en plus vite. L'enfant avait commencé à pleurer silencieusement, refusant de déranger le sommeil léger de l'homme sur lequel il reposait, mouillant tout de même le pull qu'il portait. Le temps sembla passer terriblement lentement pour Harry qui ne cessait de s'inquiéter, de s'imaginer le pire. Il venait de retrouver le monsieur, et maintenant, il allait mourir. Il repensa au moment où il avait parlé plus vite qu'il ne l'aurait dû, où il avait appelé Severus tonton, et une vague de regret le submergea. Il ne pourrait plus jamais l'appeler ainsi. Il allait mourir avant...
Ses pleurs redoublèrent d'intensité, toujours silencieux.
Une main se posa sur sa tête, pressant sa joue contre la poitrine de Severus. Surpris, Harry releva le regard pour croiser les yeux brumeux de l'homme sur qui il reposait, le regardant avec un intérêt qu'il n'avait jamais tourné vers lui.
-Désolé... Couina Harry en se redressant rapidement pour s'éloigner de l'homme.
-Gamin non... Harry... Reste... Plaida Severus d'un murmure faible.
Alors Harry reprit sa place, couché à côté de Severus, sa tête sur sa poitrine, son bras passé autour de la poitrine de l'homme, une main caressant ses cheveux avec douceur. Parvenant à oublier un instant la situation dangereuse dans laquelle ils se trouvaient, l'enfant se retrouva dans une bulle de bien être, calme et serein, avec la seule personne qui importait à ses yeux tout près de lui, s'inquiétant pour lui, prêt à le protéger. Harry aussi voulait protéger Severus. Et il allait le faire. Aussi longtemps que l'homme resterait en vie, Harry ferait tout pour être un bon garçon. Sans qu'il ne sache pourquoi, une pensée vint s'imposer à lui, ne le lâchant plus avant qu'il n'exprime cette pensée à voix haute.
-Je ne comprends pas monsieur... Commença lentement l'enfant. Pourquoi quand je vous touche, je ne suis pas malade ? Vous m'aviez dit que...
-C'est compliqué... Mais j'essaierais de te l'expliquer quand j'irais mieux.
Un court silence perturbé uniquement par la respiration sifflante de Severus, qui fit de nouveau monter les larmes aux yeux de l'enfant.
-Mais tu n'iras pas mieux...
-Harry... Je te l'ai promis... J'irais mieux...
Le temps continua de passer, Severus plongeant de nouveau dans un sommeil profond, bien trop au goût de l'enfant qui, malgré tout, ne dit rien, souhaitant plus que tout voir l'homme se réveiller en meilleure forme. Souhaitant ne pas perturber le sommeil de l'homme, Harry ferma les yeux à son tour, se laissant bercer par les mouvements de la poitrine de Severus ainsi que le ronron monotone du moteur du camping-car. Perdu dans un état à mi-chemin entre l'éveille et le sommeil, Harry se sentit apaisé, serein, et, pour la première fois de sa vie, en sécurité.
Une sécurité qu'il n'était pas sûr de garder bien longtemps. Même si le monsieur lui avait dit le contraire, Harry savait qu'il allait mourir, il le craignait plus que tout. Et comme il ne savait pas encore quoi faire pour aider Severus, la seule chose qu'il pouvait tenter était de montrer à l'homme qu'il n'était pas seul, lui donner la force de se battre et de guérir. Ou, dans le pire des cas, le soutenir jusqu'au bout.
La vitesse du camping-car diminua peu à peu. Plus de trois heures venaient de s'écouler de nouveau, et Leeds ne se trouvait plus qu'à une heure de route, mais les enfants avaient de nouveau besoin de se défouler dehors, et le conducteur éprouvait une forte envie de se dégourdir un peu les jambes. Severus et Harry furent sortis de leur sommeil par la voix douce d'Heather qui pressa de nouveau des antibiotiques dans la main du professeur. Severus ne dit rien, se contentant de jauger les médicaments du regard, puis de les reposer discrètement sous l'oreiller quand la femme eut le dos tourné.
-Vous devriez prendre l'aire tous les deux. La brise est fraîche, mais cela vous rafraîchirait. Et juste avant de partir, si vous vous en sentez capable Severus, vous pourrez tenter de prendre une douche fraîche pour vous débarrasser de votre transpiration et changer de vêtements.
-Cela serait... Recommandable en effet...
-Alors allons-y. Plus vite cela sera fait, plus vite vous vous sentirez mieux. Et plus vite nous pourrons reprendre la route en direction de Leeds. Il ne nous reste plus qu'une petite heure de route, et nous pourrons enfin vous conduire dans un hôpital qui pourra vous soigner comme il se doit...
Severus jaugea la femme pendant un court instant, toujours allongé dans le lit, vérifiant que sa baguette se trouvait toujours à sa place dans la manche de son pull, absolument pas décidé à faire le moindre geste pour en sortir, toujours pas complétement certains de pouvoir lui faire confiance. Même si les propos de son mari avaient éveillé une forte méfiance chez le maître des potions envers l'homme, Heather, elle, n'avait jamais rien fait de travers, n'avait toujours cherché que son bien être et celui de Harry. Et finalement, c'était peut-être cela qui l'effrayait le plus. Severus avait fini par percer au travers du jeu de l'homme. Mais celui de cette femme était parfait, aucun faux mouvement, aucune incohérence dans ses propos, alors qu'elle avait été celle qui avait eu le plus de contact avec lui.
Se frottant les yeux de son petit poing, encore légèrement assommé par la semi-inconscience dans laquelle il avait été plongé, Harry se redressa dans une position assise, bailla largement, puis finit par se lever et faire quelques pas pour s'éloigner du lit et permettre à Severus de se relever à son tour. L'homme se redressa péniblement sur ses coudes en soupirant alors que Heather, comme à son habitude, effectua un geste pour le soutenir et l'aider à se mettre sur pied. Cette fois cependant, Severus refusa l'aide d'Heather, se releva seul, attendit quelques instants que son équilibre soit rétabli, puis effectua quelques pas vers la sortie, tout cela alors que Harry refusait de façon catégorique de le quitter du regard ou de s'éloigner de lui, comme ci une distance trop importante entre eux serait suffisante pour que Severus disparaisse à jamais.
Sans que Severus ne se rende compte immédiatement de comment, la petite main de Harry se retrouva dans la sienne, lui réchauffant le cœur de se savoir soutenu même par un enfant qui ne pourrait certainement pas le retenir s'il s'effondrait, dans les sens propre et figuré du terme. Mais au moins, il n'était pas seul et Harry était là, Harry s'inquiétait pour lui comme personne auparavant, et c'était tout ce qui importait à Severus à cet instant précis.
Lentement, avec des pas incertains, sa main fermement tenue par l'enfant comme un rappel constant qu'il n'était pas seul, Severus parvint à effectuer les quelques mètres qui le séparait de la porte du camping-car, puis, suivit Harry au dehors, s'arrêtant quelques instants pour sentir le vent lui fouetter le visage. C'était si agréable de ne plus se sentir prisonnier de quatre murs, de pouvoir de nouveau sentir la vie de la nature tout autour de lui, et à l'intérieur de lui. Severus ne savait pas comment, ni pourquoi, mais il se sentit soudainement bien plus alerte que la veille et tout le reste de la matinée malgré que son état ait encore empiré. Sa magie semblait avoir retrouvé un peu de sa puissance et de sa vivacité, et l'homme mit cela sur le compte d'avoir tenu Harry dans ses bras pendant un moment. Leurs magies avaient dû se mélanger, et celle de l'enfant avait probablement tenté de lui venir en aide car l'enfant lui-même le voulait. C'était probable. Severus avait déjà entendu parler de ce genre de phénomène, rare, mais possible.
Comme à chaque fois, une couverture bien chaude vint trouver sa place sur ses épaules, le ramenant à la réalité. Une réalité où il tenait Harry par la main alors que l'enfant tentait désespérément de le conduire un peu à l'écart pour lui montrer quelque chose qu'il venait de remarquer. Se laissant traîner, le professeur regarda autour de lui, découvrant son environnement en se maudissant de ne pas avoir commencé par là. Cette fois, pas de chaise n'avaient été dépliée pour lui permettre de s'asseoir, et de toute façon, Severus ne comptait pas s'asseoir. Il ne comptait même pas remonter dans ce véhicule.
Harry finit par se stopper à quelques pas du véhicule qu'ils venaient de quitter, lui lâchant pour la première fois la main, s'accroupissant à côté de l'arbre qu'il avait pris pour cible, fixant un parterre de fleur coloré avec intérêt.
-Elles sont jolies, dit l'enfant simplement comme une constatation.
Peu gracieusement, Severus s'accroupit pour regarder les fleurs à côté de l'enfant, prenant appui sur le l'épaule de l'enfant pour ne pas perdre son équilibre, gardant toujours un regard en coin end direction de Charles qui semblait fortement intéressé par un chant d'oiseau dans un arbre voisin.
-Oui, gamin, elles sont jolies, répondit-il.
-Comment elles s'appellent ?
Severus fut légèrement surpris par la question de l'enfant. Il ne s'était pas attendu à une telle question de la part du petit. Reportant son attention sur le parterre coloré, Severus regarda les différentes fleurs avant d'en pointer quelques-unes, chacune leur tour pour donner leurs noms.
-Ici, tu as des ancolies. Là, des marguerites. Et ici, des fleurs de pomme de terre.
-Comme les patates ?
-Heu... Oui. On peut dire ça comme ça. Mais ce sont des fleurs Harry...
L'enfant rigola d'un petit rire cristallin, tellement agréable à écouter, et Severus se fit la remarque que c'était la première fois qu'il entendait l'enfant rire. Et cela lui fit chaud au cœur. Malgré tout, malgré ce qu'il était et ce qu'il avait fait, Severus était parvenu à faire rire le petit, et cela n'avait pas de prix à ses yeux. Laissant l'enfant à sa contemplation, l'homme se redressa péniblement et poussant un léger râle, reportant son attention vers le petit groupe dans son dos. Severus n'aimait pas avoir des gens dans son dos, des gens qui pouvaient lui sauter dessus à n'importe quel moment pour l'égorger.
Et ce sentiment qui ne le quittait pas.
Quelque chose allait se passer, il en était certain. Severus ne savait pas quand, ni comment, mais cela allait finir par bouger. Il en était d'autant plus certains que cette impression que quelque chose n'allait pas avec cette famille s'était faite de plus en plus fort dès qu'il avait relevé les mots étranges qu'avait prononcé l'homme lors de leur dernier échange.
«Vous n'êtes plus qu'à la moitié du chemin Severus...»
Comment pouvait-il savoir une telle chose ? Comment savait-il qu'ils parcouraient un chemin en quête d'une destination qu'il n'était pas sûr de pouvoir atteindre en un seul morceau ? Ces mots avaient semblé à des encouragements, mais pourtant, ils témoignaient que l'homme en savait trop sur leur condition à Harry et lui. Il savait quelque chose qu'il ne devait pas. Et Severus sentait que quelque chose allait finir par se passer, qu'il allait y avoir un coup d'éclat et que l'enfant serait de nouveau en danger.
L'homme jeta un dernier regard à Harry, toujours accroupi au sol, son écharpe entourant solidement son cou pour le maintenir au chaud et il sut qu'il avait eu raison de se méfier. Alors que Harry s'émerveillait devant ses quelques fleurs sauvages qui retenaient toute son attention, une baguette se posa sur la nuque de Severus, le faisant se figer sur place tandis que la pointe de l'objet s'enfonçait légèrement dans sa peau afin de lui rappeler sa présence.
-J'aurais dû m'en douter...
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