23

Harry, assis sur l'herbe, jouait distraitement avec quelques brins, les enroulant autour de ses doigts avant de les arracher et de recommencer. Il refusait toujours de regarder le monsieur en noir juste à côté de lui. L'enfant voulait plus que tout trouver le moyen de lui parler, mais il ne savait pas comment lancer la conversation, et surtout, il ne savait pas si c'était le bon moment. L'homme n'allait pas mieux, il le voyait bien, il allait même de moins en moins bien, et Harry voulait, plus que tout, pouvoir faire quelque chose pour l'aider, mais il ne savait pas quoi. D'autant plus qu'il ne savait pas vraiment si l'homme avait vraiment voulu l'abandonner ou pas, et malgré que la dame lui ai assuré que ce n'était pas le cas, Harry n'arrivait toujours pas à la croire complètement.

Du coin de l'œil, il put voir Severus avaler le deuxième comprimé que lui avait donné Heather, grimaçant une nouvelle fois sous la douleur. Harry se sentit triste de ne pas pouvoir faire qui que ce soit pour aider le monsieur à aller mieux. Essayer de lui parler serait un bon début, mais l'enfant avait bien trop peur d'être rejeté s'il s'avérait que, au final, Severus ne voulait vraiment pas de lui.

Le soleil avait décidé d'être plus lumineux aujourd'hui, permettant de réchauffer légèrement l'air ambiant, ce qui faisait le plus grand bien à Harry. Ces derniers jours avaient été bien trop froids à son goût, et il ne disait donc pas non à un peu de fraîcheur, et encore moins si cela pouvait aider Severus à aller mieux.

-Harry !

L'enfant releva la tête du trèfle à quatre feuilles qu'il venait de trouver et qu'il regardait avec passion, sachant à quel point c'est rare d'en trouver un et que, selon la légende, cela porte chance. Peut-être qu'il finirait par en avoir un peu s'il le gardait constamment sur lui. Glissant sa trouvaille dans sa poche de manteau avec soin, Harry regarda Ethan qui venait de l'appeler avec un grand sourire.

-Tu viens jouer ?

Harry s'apprêtait à tourner la tête vers Severus pour lui demander son accord, puis se ravisa, se souvenant qu'il ne savait pas trop ce qu'il devait penser de l'homme assis à côté de lui. Se décidant finalement, il se releva lentement et se rapprocha d'Ethan et sa sœur qui l'attendaient avec des visages ravis de pouvoir partager leurs jeux avec une troisième personne. Ne sachant pas comment jouer, Harry se retrouva un peu perdu au début, ne sachant pas quoi faire ni où se mettre, ou encore ne sachant pas comment se comporter avec d'autres enfants. Bien rapidement, son malaise fut remplacé par le bonheur de n'être rien de plus qu'un enfant qui veut jouer pour toujours, totalement insouciant de ce qu'il se passe autour de lui. Le temps passa bien plus rapidement, alternant entre les courses poursuites, les jeux de chat et de cache-cache, ou encore l'observation des insectes sur les branches des buissons. En cet instant, et pour la première fois de sa vie, Harry n'était rien de plus qu'un petit garçon qui profitait de son enfance.

Ne le quittant pas des yeux, le fantôme d'un fin sourire plaqué sur le visage, Severus le regardait comme jamais il ne l'avait fait, son cœur réchauffé par le bonheur évident que ressentait Harry à se retrouver entouré de deux gamins. Le petit était heureux, et n'importe qui aurait pu le voir sans problème. Et malgré cela, Severus pouvait parfaitement voir que quelque chose rendait l'enfant mal à l'aise en sa présence. Il allait devoir le lui demander, il le savait, c'était nécessaire pour que le petit lui fasse de nouveau confiance. Ou peut-être, serait-il mieux de le laisser en compagnie de cette famille ? Après tout, ils étaient de la famille de Lily, ils accepteraient très probablement de le prendre avec eux étant donné qu'il était hors de question que la petite retourne chez Pétunia. Une toux sèche et douloureuse vint lui râper la gorge, le coupant dans ses pensées, le laissant pantelant et haletant.

-Ça ne s'arrange pas ?

Severus tourna légèrement la tête vers Charles, le regardant s'asseoir à côté de lui, un café noir dans les mains.

-Pas vraiment, admit Severus de sa voix sifflante et rauque.

Quelque chose n'allait pas. Il se doutait bien qu'après avoir passé deux nuits à vadrouiller dans un froid presque glacial il serait probablement tombé malade, un rhume tout au plus. Et même s'il n'avait jamais eu une santé à toute épreuve lorsqu'il était enfant, Severus n'avait jamais été plus malade qu'une grippe. Mais ça ? Jamais il n'aurait cru devoir faire face à une angine qui, visiblement, commençait à s'aggraver en pneumonie malgré la chaleur dont il bénéficiait. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'était absolument pas normal avec cela. Et plus le temps passait, plus il commençait à se dire que le froid n'était pas la véritable cause de son mal être.

-Si jamais... Il m'arrive quelque chose... Commença Severus en fixant toujours Harry qui essayait désespérément d'attraper une branche d'arbre pour y grimper.

-Ne soyez pas stupide.

-S'il vous plait... Je pense savoir ce que j'ai, et je ne suis pas sûr d'y survivre si je n'arrive pas en temps et en heure dans un lieu bien particulier... Si jamais ça tourne mal pour moi, conduisez le gamin au 12 Square Grimault.

-Ne pensez pas nous fausser compagnie aussi facilement. Nous allons vous conduire à l'hôpital...

-Un simple hôpital n'y pourra rien... S'énerva légèrement le maître des potions.

-Et vous allez abandonner maintenant ? Après tout ce que vous avez traversé ? Vous n'êtes plus qu'à la moitié du chemin Severus...

Severus fronça les sourcils, soudainement alerté par les quelques mots qu'avait prononcé l'homme, mais il ne put rien rétorquer, Charles l'ayant déjà laissé de nouveau seul avec seulement ses pensées pour compagnies. Comment pouvait-il s'avoir ? La moitié du chemin ? Quelque chose n'allait pas, et son instinct s'était soudainement mit à le lui hurler tant cela semblait évident. Le professeur regarda Charles se rapprocher de sa femme, lui murmurer quelques mots. Heather se retourna vers lui, lui jetant un rapide coup d'œil avant de se retourner de nouveau vers les enfants, les intimant de remonter dans le véhicule pour reprendre la route. La femme revint vers lui pour, une nouvelle fois, l'aider à retourner dans le lit. Severus se laissa faire, décidant de les observer tous et de fuir avec Harry quand le moment serait le plus propice, ses doigts passant et repassant sur le manche de sa baguette, s'assurant qu'elle se trouvait toujours dans sa manche. Hors de question désormais de laisser le gamin aux mains de ses personnes envers qui il ne pouvait absolument plus faire confiance.

La position couchée lui montra à quel point son état s'était encore dégradé, constamment interrompu par une toux de plus en plus sèche et de plus en plus fatigante.

De son siège, Harry ne quittait pas des yeux l'homme en noir, s'inquiétant de plus en plus pour lui. Son teint déjà pâle l'était encore plus, ses yeux noirs que l'enfant aimait tant regarder était devenu terne et vitreux, enfoncé dans leurs orbites, et son corps fin et agité était traversé par des tremblements, des spasmes et une toux qui lui faisait mal pour lui. Alors qu'une nouvelle quinte le traversa, Harry se décida enfin à se rapprocher de lui, la peur du rejet étant surpassé de très loin par la terreur de ne pas pouvoir retrouver la protection et le bien être que lui procurait la proximité de l'homme. Il fallut quelques secondes à Severus pour remarquer la présence d'Harry à ses côtés. Et l'enfant put, pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, voir une lueur de soulagement briller dans le regard d'obsidienne qui lui faisait face.

-Ça va gamin ?

Incapable d'articuler pour l'instant, Harry se contenta de hocher la tête par l'affirmative, heureux d'entre le monsieur l'appeler de nouveau par ce petit surnom qu'il avait fini par apprécier quand cela venait de lui.

-J'ai eu peur tu sais, continua Severus. Dans la forêt. Quand je me suis retourné et que tu n'étais plus là...

Harry ouvrit de grands yeux.

-Alors... Tu n'as pas voulu m'abandonner ? Demanda-t-il d'une petite voix.

-Bien sûr que non idiot... C'est ce que tu croyais ?

Encore une foi, Harry se contenta de hocher la tête, soudainement honteux d'avoir douté de l'homme en noir. Il le lui avait déjà dit, déjà promis, et pourtant, il avait encore douté de la véracité des propos du monsieur, et Harry s'en voulait. Ce n'était pas facile pour lui de donner sa confiance, de ne pas s'imaginer des choses avec ses années vécues chez les Dursley. Mais cet homme n'est pas les Dursley. Et il lui a promis ! Alors pourquoi continuait-il de douter ? Severus ne l'abandonnerait pas ! Jamais !

-Jamais Harry. Tu entends. Jamais je ne t'abandonnerais... Je te le prom...

Une quinte de toux le coupa, secouant tout son corps de spasmes douloureux. Harry commença à paniquer, voyant que Severus ne parvenait pas à reprendre son souffle. L'enfant voulu, le toucher, lui prendre la main pour lui dire que tout allait bien, que cela allait passer, mais il n'avait pas le droit de le toucher. Et il ne savait pas si Severus allait aller mieux. Alors il ne put rien faire d'autre que le regarder sans pouvoir rien faire, ses yeux s'humidifiant sous la peur. Finalement la toux finit par se dissiper, laissant derrière elle un homme essoufflé, fatigué, trempé de sueur, les yeux fermement fermés.

-Ne meurt pas monsieur... Supplia Harry d'une petite voix.

-Non Harry. Je ne vais pas mourir... Répondit Severus sans ouvrir les yeux.

Et sans qu'il ne s'y attende, Harry put sentir une main se refermer sur la sienne. Une main qu'il ne pensait jamais pouvoir toucher. Severus venait de lui prendre la main pour le rassurer lui alors que c'était l'homme qui avait besoin de soutien. Mais plus que tout, Severus lui avait pris la main, l'avait touché, sans que rien ne se produise, sans qu'il ne soit malade. Et cela rendit Harry terriblement heureux de constater cela.

Ne pouvant se retenir plus longtemps, se disant que cela serait probablement la dernière fois qu'il en aurait l'occasion, Harry se rapprocha de l'homme allongé en face de lui, posa son visage sur son torse et referma ses bras autour de lui dans une étreinte serrée qu'il ne pensait jamais pouvoir vivre. Fermant les yeux pour savourer ce contact qu'il trouva rassurant et qui l'apaisa. Et bien qu'il pût entendre encore plus distinctement la respiration sifflante de l'homme, son cœur qui battait avec force lui assurait que Severus ne l'abandonnerait pas, qu'il n'allait pas mourir.

Ne s'étant pas attendu à une telle réaction de la part de l'enfant, Severus ne parvint pas à réagir aussitôt, regardant la petite touffe de cheveux qui appartenait à Harry reposer sur sa poitrine, montant et descendant au rythme de sa respiration. Après un court instant, l'homme fit une chose qu'il ne se serait jamais cru capable de faire : il referma ses bras sur le dos d'Harry, le serrant un peu plus contre lui, ressentant la chaleur qui émanait du petit corps.

Envolé cette idée qu'il allait noircir l'âme de l'enfant à son contact. Envolé tous ses doutes sur sa légitimé à pouvoir poser les mains sur Harry. Il devait le protéger, c'était la seule chose qui importait vraiment. Le protéger de leur poursuivant, de cette famille qu'il voyait désormais d'un mauvais œil, mais aussi et surtout, des doutes et des craintes de l'enfant lui-même. Et la seule chose qu'il voyait pour atteindre ce but était de le rassurer non plus qu'avec des paroles, mais aussi avec des gestes, des contacts réconfortants et protecteurs.

-Jamais je ne t'abandonnerais, répéta Severus d'une petite voix douce et apaisante.

Pour seule réponse, Harry serra un peu plus ses bras autour de la poitrine de l'homme.

*****

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top