19

Frigorifié.

Brisé.

Épuisé.

C'est les trois premières choses qu'il sentit quand il émergea finalement de son inconscience qui pouvait s'apparenter à un coma léger. Les yeux toujours fermement clos. La respiration toujours aussi lente, et bien trop sifflante à son goût, que lorsqu'il était endormi. N'effectuant aucun geste qui aurait pu le trahir afin de ne pas se dévoiler si jamais il était tombé entre de mauvaises mains durant sa perte de connaissance. Frigorifié, mais brûlant à la fois remarqua-t-il. Son corps était parcouru de spasmes qui ressemblait à une chair de poule qu'il ne parvenait pas à contrôler, et pourtant son corps bouillait de l'intérieur, son sang remplacé par de la lave en fusion tant il semblait que cela lui faisait mal. Sa fièvre n'avait semble-t-il pas baissé depuis sa perte de connaissance et sa bouche était terriblement sèche, sa langue aussi rugueuse qu'une pierre.

Mais ce n'était spécialement son état qui ne semblait pas avoir évolué depuis des heures qui inquiétait le professeur.

Sa marque le brûlait atrocement.

Et cela faisait presque plus de trois ans que cela n'avait pas été le cas. Ce fait fit faire un bon à son cœur dans sa poitrine, mais le maître des potions resta toujours aussi calme, sa respiration n'ayant pas accéléré ni ralenti d'une demie seconde. Il devait bien y avoir une explication logique à ce que cette douleur lancinante sur son avant-bras gauche se soit réveillée, une explication qui n'incluait pas le seigneur des ténèbres car, il le savait, il aurait été l'un des premiers à savoir si le «maître» était revenu. Et de toute façon, là maintenant, tout de suite, le mage n'était pas sa priorité.

Severus n'avait aucune idée d'où il pouvait bien se trouver, mais une chose était sûre, il n'était plus sur le sol froid de la route de goudron. Au contraire, il était plus que confortablement allongé sur un matelas bien moelleux, une couverture le recouvrant jusqu'au cou dans un espoir vain de le réchauffer, dans une ambiance qui semblait elle aussi étrangement chaleureuse et calme.

Ce n'est pas pour autant que le maître des potions se décida à dévoiler sa présence. Les sortilèges d'illusion était puissant, avait un aspect terriblement vrai, et surtout, il avait déjà fait l'expérience d'être enfermé dans un de ses rêves éveillé. C'était inutile de faire semblant de dormir, comme si cela l'aurait protégé de tout danger, mais au moins il aurait une chance de découvrir qui était celui qui le détenait, et au pire, cela repousserait l'inévitable pendant quelque temps. L'esprit embrumé par la fatigue qui le clouait sur place, incapable de faire le moindre mouvement, Severus tenta de remettre de l'ordre dans ses pensées.

Il ne se souvenait plus de grand-chose en ce qui concernait la veille. Juste qu'il était épuisé comme jamais auparavant. Et qu'il s'était effondré sur le sol dur de la route, incapable de faire un geste de plus. Et il avait... Pleuré ? Depuis quand n'avait-il pas versé de larmes ? Il le savait très bien, mais il ne voulait pas s'en rappeler.

Il se souvenait aussi qu'il avait paniqué, mais à quel sujet ? Pourquoi avait-il senti son cœur se serrer avec tant de violence, comme ci il venait de perdre quelque chose de terriblement précieux ? Comme si c'était sa propre vie qui était en jeu ? Non... C'était bien plus que sa propre vie, c'était celle de quelqu'un d'autre, d'une personne qui avait bien plus de valeur que lui, qui était bien plus honorable. Mais qui ? Il ne s'en souvenait plus. Ou peut-être qu'il ne voulait plus s'en souvenir pour ne pas avoir à affronter une nouvelle vague de culpabilité, parce que lui seul était responsable. Il avait échoué, il ne savait plus à quoi, mais il avait définitivement failli à son devoir.

Comme une évidence, et contre sa volonté, un visage vint s'insinuer dans son esprit encore terriblement flou. Un visage qui, bien qu'il savait connaître, ne lui évoqua pas grand-chose au début, mis à part ses grands yeux émeraudes qui le fixait avec une confiance presque aveugle. Mais c'était totalement inconcevable, impossible même, qui dans ce monde pourrait seulement imaginer lui faire confiance ? Et pourtant, c'était bien là, ses deux orbes verts qui ne faiblissait pas, qui ne détournait pas le regard, et qui continuait de le fixer avec cette confiance et cet émerveillement presque enfantin.

Enfant...

Un enfant avec des yeux verts...

Qui avait confiance en lui...

Harry ?

Où était Harry ?

La panique le saisit aussitôt, tous les souvenirs émergent avec force dans sa tête qui commençait à le faire souffrir, une panique sourde qui fit, contre sa volonté, accéléré très légèrement les battements de son cœur. Mais à part cela, Severus resta en apparence excessivement calme et serein. Il se souvenait de tous maintenant, et son esprit commençait à tourner à toute allure.

Harry avait disparu... Non... Il l'avait perdu dans une forêt en pleine nuit, et il n'avait pas été capable de le retrouver avant de perdre connaissance. Et maintenant, il devait être à des kilomètres de là où devait se trouver le gamin. Il se l'imagina parfaitement, seul, recroquevillé contre un arbre ou sous un buisson, serrant sa couverture contre lui, pleurant silencieusement, croyant être abandonné. Et, bien que Severus se haïssait de l'admettre, le petit aurait parfaitement raison de penser cela. Il l'avait abandonné...

Bien loin de se laisser envahir par la culpabilité qui le rongeait à petit feu, Severus put sentir avec surprise une détermination nouvelle le saisir. Il n'avait pas risqué tout ça pendant trois jours pour laisser le gamin derrière lui. Il allait se lever, sortir de, il ne savait pas où il était, retrouver le gamin et transplaner jusqu'à Poudlard, quitte à y laisser sa peau. Que pouvait-il faire d'autre de toute façon ? Retourner voir Albus et lui dire avec un petit sourire que son précieux élu avait disparu ? Hors de question de s'abaisser à ça. Severus n'avait plus de raison de vivre, et pourtant, à cet instant précis, il venait de s'en trouver une petite.

Un bruit le sortit de ses pensées qui, lui semblait-il, ressemblait plus à des délires futiles d'un homme sur son lit de mort. Un bruit qu'il n'avait pas l'habitude d'entre, et qu'il n'avait jamais eut la chance de produire dans toute sa vie.

Des éclats de rire.

D'enfants. Des enfants riaient à seulement quelques mètres de lui, totalement indifférent de sa présence, comme ci il était invisible à leurs yeux. Ses rires semblaient si proches, mais aussi terriblement lointain, comme provenant d'un autre univers, un univers qu'il ne pourrait jamais rejoindre. Après tout, Severus ne savait pas ce que signifiait être heureux, il n'était donc pas inconcevable que le rire qu'il entendait lui paraissait bien étrange. Tendant l'oreille, l'homme put distinguer deux voix différentes qui appartenait probablement à des enfants pas bien âgé, six ans peut-être, huit tout au plus.

Et il semblait tellement heureux, tellement détaché de tout, que cela le rendait presque malade et... Envieux... Oui, c'était le mot pour lui qui n'avait jamais vraiment connu le bonheur, à part les quelques moments passés en compagnie de Lily et de son amitié. Mais cela semblait si lointain maintenant que parfois, Severus se demandait si cela avait vraiment été réel un jour. Un nouvel éclat de rire le résolu à enfin découvrir où il pouvait bien se trouver, et ainsi, Severus ouvrit lentement ses yeux douloureux, faisant papillonner ses paupières qui lui semblaient terriblement lourdes et qui ne demandaient qu'à se refermer à chaque instant. Et la vive lumière qui venait d'agresser sa rétine douloureuse n'arrangea pas les choses, bien au contraire. Mais il se força à les garder ouverts, faisant face à un plafond bas et blanc. Bien trop las, le corps bien trop engourdi et douloureux pour tenter quoi que ce soit, Severus se contenta d'observer le plafond, détaillant la moindre tâche, le moindre défaut de peinture, le moindre petit renfoncement, comme si sa vie en dépendait.

Il lui fallut bien cinq minutes avant de parvenir à décrocher son attention de cette tâche si singulière qui, étrangement, lui rappelait une forme d'écureuil sautant d'un arbre à un autre, avant de tourner lentement sa tête sur le côté gauche d'où venait la lumière qui l'avait durement ébloui à son réveil.

Severus, pour la première fois... De sa vie probablement, il ne sut absolument pas quoi faire ou penser.

Il faut dire que si quelqu'un avait un jour annoncer au maître des potions qu'il se réveillerait dans un camping-car d'une famille de moldu, il aurait, non pas ri aux éclats, mais directement envoyer le dit quelqu'un à Sainte Mangouste. Et pourtant, c'était bien le cas à ce moment précis. Severus se trouvait confortablement allongé dans un camping-car. La situation semblait bien trop irréelle à ses yeux. L'idée qu'il se trouve piégé dans un sort d'illusion passa de nouveau furtivement dans son esprit, mais il la repoussa bien vite. Pourquoi l'aurait-on forcé à vivre un rêve éveillé dans un environnement de moldu ? Mais surtout, en bon maître occlumens qu'il était, les chances de le plonger dans une illusion aussi parfaite que la réalité était une chose quasiment impossible.

Dû à sa grande fatigue et à la douleur lancinante de ses muscles, il fallut au professeur plusieurs minutes supplémentaire pour parvenir à soulever les couvertures qui reposaient sur lui, et se mettre en position assise, les jambes reposant sur le sol, le laissant constaté avec une certaine joie modérée qu'il était chaudement habillé d'un col roulé bleu marine et d'un jean, laissant de côté ses anciens vêtements qui ne devaient plus être utilisable. Severus combattit un vertige qui l'aveugla pendant quelques instants, ses mains solidement ancrées dans le matelas pour ne pas prendre le risque de perdre l'équilibre même s'il n'était qu'assis. La vue finit par lui revenir lentement, lui laissant au passage un horrible mal de crâne. Regardant autour de lui avec lenteur pour éviter de secouer son cerveau qui semblait se balader librement pour venir se cogner contre les parois de sa tête, Severus finit par remarquer la présence de sa baguette sur la table juste à côté de lui. Ceux qui l'avait récupéré ne lui voulait donc aucun mal, ou était totalement stupide au choix.

Au moins il n'était pas désarmé, et c'est tout ce dont il avait besoin de savoir. Se mettant lentement sur ses jambes, Severus se rattrapa à un mur lorsque ses jambes flanchèrent dangereusement à l'effort demandé. L'homme tira légèrement sur le col roulé autour de son cou, comme ci il était démangé. En réalité la transpiration l'irritait au niveau du cou, mais gelé comme il était, il se refusait à enlever le pull qui, il devait bien l'admettre, était doux et confortable.

D'autres rires retentirent à l'extérieur du véhicule, le ramenant à la réalité. Il n'était pas là pour se satisfaire de sa nouvelle tenue qui, même si elle n'était pas entièrement noire comme il l'appréciait tant, était tout de même confortable.

Effectuant avec une lenteur modérée un pas après l'autre, se soutenant toujours grâce au mur à sa droite, Severus atteignit rapidement la petite porte du camping-car, pour se stopper juste devant. Il se redressa du mieux qu'il put, retrouvant un équilibre précaire, mais qui se voulait assuré, et qui, malgré la fatigue de ses membres, l'était suffisamment.

Severus raffermi une dernière fois la prise sur sa baguette, pris une inspiration, se para de sa meilleure expression neutre et détaché, posa sa main gauche sur la poignée froide de la petite porte en face de lui puis ouvrit la porte. La lumière qui s'infiltra dans la petite pièce du camping-car l'éblouit bien plus que lorsqu'il venait d'ouvrir les yeux, l'obligeant à grimacer quelque peu l'espace d'une demi seconde avant de reprendre son expression d'origine.

Severus se figea sur place sans réellement comprendre.

Incapable de faire le moindre geste face à ce qu'il voyait.

-Tonton Sev !

Il devait bien être dans une de ces illusions si parfaites finalement...

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